Carmel
Correspondance de Thérèse LT 058 – A Louis Martin – 31 juillet 1888

DE  
MARTIN Thérèse, Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus
À 
MARTIN Louis

31/07/1888

J.M.J.T.                   Le 31 juillet 88. Carmel
Mon Roi chéri,

Si tu savais comme ta carpe, ton monstre nous a fait de plaisir ! le dîner en a été retardé d'une 1/2 heure, c'est Marie du Sacré Cœur qui a fait la sauce, c'était délicieux, cela sentait la cuisine du monde. C'était meilleur encore que la somptueuse cuisine d'Italie, et ce n'est pas peu dire, car quels festins... et quelle compagnie, te rappelles-tu, mon petit Père ?... Mais ce n'est pas toujours cela qui donne de l'appétit ; à moi du moins, car je n'ai jamais tant mangé que depuis que je suis au Carmel. Je sens que je suis tout à fait dans mon centre ; si Mlle Pauline était là, elle dirait que : «j'ai trouvé ma voie».
Ton Diamant ne peut t'écrire, car il est en grande lessive, mais cela ne l'empêche pas de penser à toi mon petit Père chéri. Elle t'embrasse de tout son cœur, tu sais qu'il n'est pas petit, le cœur de ta grande.
Je pense à tout ce que tu nous disais fréquemment : Vanité des vanités, tout n'est que vanité, vanité de la vie qui passe, etc. Plus je vais, plus je trouve que c'est vrai que tout est vanité sur la terre.
Quand je pense à toi mon petit Père chéri, je pense naturellement au bon Dieu, car il me semble qu'il est impossible de voir quelqu'un de plus saint que toi sur la terre.
Quand je pense que dans huit jours il y aura quatre mois que je suis au Carmel, je n'en reviens pas, il me semble que j'y ai toujours été, et d'un autre côté il me semble que c'était hier mon entrée. Comme tout passe...
Plus je vais, mon petit Père chéri, plus je t'aime, je ne sais pas comment cela se fait, mais c'est la vérité, je me demande ce que cela sera à la fin de ma vie...
Je suis très fière de mon titre de Reine de France et de Navarre, j'espère bien le mériter toujours. Jésus le Roi du Ciel, en me prenant pour lui, ne m'a pas enlevée à mon saint Roi de la terre, oh ! non, toujours, si mon petit Père chéri le veut bien et ne m'en trouve pas trop indigne, je resterai : La Reine à Papa.
La perle fine t'embrasse bien fort.
Adieu et à bientôt mon Roi chéri

Ta petite Reine, Thérèse de l'Enfant Jésus p.c.ind.

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