Carmel
Correspondance de Thérèse LT 230 – A Mère Agnès de Jésus – 28 Mai 1897

DE  
MARTIN Thérèse, Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus
À 
MARTIN Pauline, Mère Agnès de Jésus

28/05/1897

28 mai 1897
J.M.J.T.
Petite Mère chérie, votre petite fille a encore versé de douces larmes tout à l'heure, des larmes de repentir mais encore plus de reconnaissance et d'amour... Ah ! ce soir, je vous ai montré ma vertu, mes TRESORS de patience !... Et moi qui prêche si bien les autres !!! Je suis contente que vous ayez vu mon imperfection. Ah ! que cela me fait de bien d'avoir été méchante !... Vous n'avez pas grondé votre petite fille, cependant elle le méritait, mais à cela la petite fille est habituée, votre douceur lui en dit plus long que des paroles sévères, vous êtes pour elle l'image de la miséricorde du bon Dieu. Oui mais... Sr St J.Baptiste au contraire est ordinairement l'image de la sévérité du bon Dieu, eh bien ! je viens de la rencontrer, au lieu de passer froidement à côté de moi, elle m'a embrassée en me disant (absolument comme si j'avais été la plus mignonne petite fille du monde) : «Pauvre petite soeur, vous m'avez fait pitié, je ne veux pas vous fatiguer, j'ai eu tort, etc., etc.» Moi qui sentais en mon coeur la contrition parfaite, je n'en revenais pas qu'elle ne me fasse aucun reproche. Je sais bien que dans le fond elle doit me trouver imparfaite, c'est parce qu'elle croit que je vais mourir qu'elle m'a ainsi parlé, mais n'importe, je n'ai entendu que des paroles douces et tendres sortir de sa bouche, alors je l'ai trouvée bien bonne et moi bien méchante... En rentrant dans notre cellule, je me demandais ce que Jésus pensait de moi, aussitôt je me suis rappelé ces paroles qu'il adressa un jour à la femme adultère : «Quelqu'un t'a-t-il condamnée?...» Et moi, les larmes aux yeux, je lui ai répondu : «Personne, Seigneur... Ni ma petite Mère, image de votre tendresse, ni ma Sr St Jean B., image de votre justice, et je sens bien que je puis aller en paix, car vous ne me condamnerez pas non plus!...»
Petite Mère, pourquoi donc le Bon Jésus est-Il si doux envers moi ? Pourquoi ne me gronde-t-il jamais ?... Ah ! vraiment il y a de quoi mourir de reconnaissance et d'amour !...
Je suis bien plus heureuse d'avoir été imparfaite que si, soutenue par la grâce, j'avais été un modèle de douceur... Cela me fait tant de bien de voir que Jésus est toujours aussi doux, aussi tendre envers moi !... Ah ! dès à présent je le reconnais ; oui toutes mes espérances seront comblées... oui le Seigneur fera pour nous des merveilles qui surpasseront infiniment nos immenses désirs !...
Petite Mère, Jésus fait bien de se cacher, de ne me parler que de temps en temps et encore «à travers les barreaux» (cant. des cant.) car je sens bien que je ne pourrais en supporter davantage, mon coeur se briserait étant impuissant à contenir tant de bonheur... Ah ! vous le doux Echo de mon âme, vous comprendrez que ce soir le vase de la miséricorde Divine a débordé pour moi !... Vous comprendrez que vous avez été et que vous serez toujours l'Ange chargé de me conduire et de m'annoncer les miséricordes du Seigneur !...

 Votre toute petite fille
 Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face rel.carm.ind.

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