Carmel
Correspondance de Thérèse LT 110 – A soeur Agnès de Jésus – 30-31 Août 1890

DE  
MARTIN Thérèse, Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus
À 
MARTIN Pauline, Mère Agnès de Jésus

31/08/1890

30-31 août 1890

J.M.J.T.

Jésus

                Petite Maman à moi, merci, oh ! merci !... si vous saviez ce que votre lettre dit à mon âme !...
                Mais il faut que la petite solitaire vous dise l'itinéraire de son voyage, le voici. Avant de partir son Fiancé a semblé lui demander dans quel pays elle voulait voyager, quelle route elle désirait suivre, etc., etc. La petite Fiancée a répondu qu'elle n'avait qu'un désir, celui de se rendre au sommet de la montagne de l'Amour. Pour y parvenir, bien des routes s'offraient à elle, il y en avait tant de parfaites qu'elle se voyait incapable de choisir, alors elle a dit à son divin guide : «Vous savez où je désire me rendre, vous savez pour qui je veux gravir la montagne, pour qui je veux arriver au terme, vous savez celui que j'aime et celui que je veux contenter uniquement, c'est pour Lui seul que j'entreprends ce voyage, menez-moi donc par les sentiers qu'il aime à parcourir, pourvu qu'Il soit content je serai au comble du bonheur. Alors Jésus m'a prise par la main, et Il m'a fait entrer dans un souterrain où il ne fait ni froid ni chaud, où le soleil ne luit pas et que la pluie ni le vent ne visitent pas, un souterrain où je ne vois rien qu'une clarté à demi voilée, la clarté que répandent autour d'eux les yeux baissés de la face de mon Fiancé !...
                Mon Fiancé ne me dit rien et moi je ne lui dis rien non plus sinon que je l'aime plus que moi, et je sens au fond de mon coeur que c'est vrai car je suis plus à Lui qu'à moi !... Je ne vois pas que nous avancions vers le terme de la montagne puisque notre voyage se fait sous terre, mais pourtant il me semble que nous en approchons sans savoir comment. La route que je suis n'est d'aucune consolation pour moi et pourtant elle m'apporte toutes les consolations puisque c'est Jésus qui l'a choisie, et que je désire le consoler tout seul, tout seul !... Ah ! c'est bien vrai que si je lui donne du raisin de mon cœur, c'est le B et l'A car je n'y comprends rien moi-même.
                Faut-il écrire à M. Le pelletier et à M. Révérony que je fais profession ?... 

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                Surtout n'oubliez pas d'aller dans la cave prendre votre petit vin, en le prenant vous penserez à votre petite fille qui, bien sûr, ne boit pas non plus du bon vin sucré d'Engaddi... Demandez qu'elle sache en donner à son Epoux en sauvant les âmes et elle sera consolée...

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