Carmel
Correspondance de Thérèse LT 130 – A Céline – 23 juillet 1891

DE  
MARTIN Thérèse, Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus
À 
MARTIN Céline, Soeur Geneviève de la Sainte Face

23/07/1891

J.M.J.T.

Jésus

Au Carmel le 23 Juillet 91

                Ma Céline chérie,

                C'est encore moi qui suis chargée de te répondre... Mère Geneviève a été bien touchée de ta lettre et elle a bien prié pour sa petite Céline ; quelle grâce d'avoir les prières d'une telle sainte et d'être aimée d'elle !... La fête d'hier était ravissante, c'était vraiment un avant-goût du Ciel... Tous les cadeaux nous ont fait grand plaisir, le poisson, les cerises, les gâteaux, remercie bien ma tante et dis-lui tout ce que tu voudras de plus gentil...
                Céline chérie, tes deux lettres en ont dit bien long à mon âme, elles ont fait couler mes larmes...
                L'avoué m'a bien fait rire, il faut avouer qu'il n'est pas gêné de venir chercher la fiancée du Roi du Ciel, mais le pauvre homme, il n'a pas vu sans doute «Le signe que l'époux a posé sur ton front», signe mystérieux que Jésus seul contemple, et aussi les anges qui forment sa royale cour... Céline, pourquoi ce privilège extraordinaire, pourquoi ?... Ah ! quelle grâce d'être vierge, d'être l'épouse de Jésus, il faut que ce soit bien beau, bien sublime, puisque la plus pure, la plus intelligente de toutes les créatures a préféré rester vierge plutôt que de devenir Mère d'un Dieu... Et c'est cette grâce que Jésus nous accorde. Il veut que nous soyons ses épouses et ensuite il nous promet d'être encore sa Mère et ses sœurs, car Il le dit dans son évangile : «Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est ma Mère, mes frères et mes sœurs.» Oui, celui qui aime Jésus est toute sa famille. Il trouve dans ce cœur unique qui n'a pas son semblable, tout ce qu'il désire. Il y trouve son Ciel !...
                Céline chérie, restons toujours les lys de Jésus, la grâce que je lui demande c'est qu'il les retire de ce monde avant que le vent pernicieux de la terre ait fait se détacher une seule des poussières de leurs étamines, poussière qui pourrait jaunir un peu l'éclat et la blancheur du lys. Il faut que Jésus puisse trouver dans ses lys tout ce qu'il désire y trouver, la pureté qui ne cherche que Lui ; ne se repose qu'en Lui...
                Hélas ! il n'est rien de si facile à ternir que le Lys... eh bien ! moi je dis que si Jésus a dit de Madeleine que celui-là aime plus à qui on a remis davantage, on peut le dire avec encore plus de raison, lorsque Jésus a remis d'avance les péchés !... Céline, comprends-tu ?... Et puis, quand les larmes de Jésus sont le sourire d'une âme, qu'a-t-elle à craindre ? Je pense que des perles mystérieuses ont le pouvoir de blanchir les Lys, de leur conserver leur éclat... Céline chérie, la figure de ce monde passe, les ombres déclinent, bientôt nous serons dans notre terre natale, bientôt les joies de notre enfance, les soirées du Dimanche, les causeries intimes... tout cela nous sera rendu pour toujours et avec usure, Jésus nous rendra les joies dont il nous a privées un instant !... Alors de la tête rayonnante de notre Père chéri nous verrons sortir des flots de lumière et chacun de ses cheveux blancs sera comme un soleil qui nous comblera de joie et de bonheur !... La vie est donc un songe ?... et dire qu'avec ce songe nous pouvons sauver les âmes !... Ah ! Céline, n'oublions pas les âmes mais oublions-nous pour elles, et un jour Jésus dira en nous regardant : «Quelle est belle la chaste génération des âmes vierges!»

                J'embrasse bien fort ma petite Marie, Léonie et tout le monde, pour toi Céline, tu sais où est ta place dans mon cœur !...

Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face rel.carm.ind.

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