J. M. J. T. Mai 1897 (Air: Pourquoi m'avoir livré l'autre jour, ô ma Mère) 1. Oh ! je voudrais chanter, Marie, pourquoi je t'aimePourquoi ton nom si doux fait tressaillir mon coeurEt pourquoi la pensée de ta grandeur suprêmeNe saurait à mon âme inspirer de frayeur.Si je te contemplais dans ta sublime gloireEt surpassant l'éclat de tous les bienheureuxQue je suis ton enfant je ne pourrais le croireO Marie, devant toi, je baisserais les yeux !... 2. Il faut pour qu'un enfant puisse chérir sa mèreQu'elle pleure avec lui, partage ses douleursO ma Mère chérie, sur la rive étrangèrePour m'attirer à toi, que tu versas de pleurs !....En méditant ta vie dans le saint EvangileJ'ose te regarder et m'approcher de toiMe croire ton enfant ne m'est pas difficileCar je te vois mortelle et souffrant comme moi.... 3. Lorsqu'un ange du Ciel t'offre d'être la MèreDu Dieu qui doit régner toute l'éternitéJe te vois préférer, ô Marie, quel mystère !L'ineffable trésor de la virginité.Je comprends que ton âme, ô Vierge ImmaculéeSoit plus chère au Seigneur que le divin séjourJe comprends que ton âme, Humble et Douce ValléePeut contenir Jésus, l'Océan de l'Amour !... 4. Oh ! je t'aime, Marie, te disant la servanteDu Dieu que tu ravis par ton humilitéCette vertu cachée te rend toute-puissanteElle attire en ton coeur la Sainte TrinitéAlors l'Esprit d'Amour te couvrant de son ombreLe Fils égal au Père en toi s'est incarné....De ses frères pécheurs bien grand sera le nombrePuisqu'on doit l'appeler : Jésus, ton premier-né !... 5. O Mère bien-aimée, malgré ma petitesseComme toi je possède en moi Le Tout-PuissantMais je ne tremble pas en voyant ma faiblesse :Le trésor de la mère appartient à l'enfantEt je suis ton enfant, ô ma Mère chérieTes vertus, ton amour, ne sont-ils pas à moi ?Aussi lorsqu'en mon coeur descend la blanche HostieJésus, ton Doux Agneau, croit reposer en toi !... 6. Tu me le fais sentir, ce n'est pas impossibleDe marcher sur tes pas, ô Reine des élus,L'étroit chemin du Ciel, tu l'as rendu visibleEn pratiquant toujours les plus humbles vertus.Auprès de toi, Marie, j'aime à rester petite,Des grandeurs d'ici-bas je vois la vanité,Chez Sainte Elisabeth, recevant ta visite,J'apprends à pratiquer l'ardente charité. 7. Là j'écoute ravie, Douce Reine des angesLe cantique sacré qui jaillit de ton coeur.Tu m'apprends à chanter les divines louangesA me glorifier en Jésus mon Sauveur.Tes paroles d'amour sont de mystiques rosesQui doivent embaumer les siècles à venir.En toi le Tout-Puissant a fait de grandes chosesJe veux les méditer, afin de l'en bénir. 8. Quand le bon Saint Joseph ignore le miracleQue tu voudrais cacher dans ton humilitéTu le laisses pleurer tout près du TabernacleQui voile du Sauveur la divine beauté!.....Oh ! que j'aime, Marie, ton éloquent silence,Pour moi c'est un concert doux et mélodieuxQui me dit la grandeur et la toute-puissanceD'une âme qui n'attend son secours que des Cieux..... 9. Plus tard à Bethléem, ô Joseph et Marie !Je vous vois repoussés de tous les habitantsNul ne veut recevoir en son hôtellerieDe pauvres étrangers, la place est pour les grands.....La place est pour les grands et c'est dans une étableQue la Reine des Cieux doit enfanter un Dieu.O ma Mère chérie, que je te trouve aimableQue je te trouve grande en un si pauvre lieu !.... 10. Quand je vois l'Eternel enveloppé de langesQuand du Verbe Divin j'entends le faible criO ma Mère chérie, je n'envie plus les angesCar leur Puissant Seigneur est mon Frère chéri !...Que je t'aime, Marie, toi qui sur nos rivagesAs fait épanouir cette Divine Fleur !........Que je t'aime écoutant les bergers et les magesEt gardant avec soin toute chose en ton coeur !... 11. Je t'aime te mêlant avec les autres femmesQui vers le temple saint ont dirigé leurs pas Je t'aime présentant le Sauveur de nos âmesAu bienheureux Vieillard qui le presse en ses bras,D'abord en souriant j'écoute son cantiqueMais bientôt ses accents me font verser des pleurs.Plongeant dans l'avenir un regard prophétiqueSiméon te présente un glaive de douleurs. 12. O Reine des martyrs, jusqu'au soir de ta vieCe glaive douloureux transpercera ton coeurDéjà tu dois quitter le sol de ta patriePour éviter d'un roi la jalouse fureur.Jésus sommeille en paix sous les plis de ton voileJoseph vient te prier de partir à l'instantEt ton obéissance aussitôt se dévoileTu pars sans nul retard et sans raisonnement. 13. Sur la terre d'Egypte, il me semble, ô MarieQue dans la pauvreté ton coeur reste joyeux,Car Jésus n'est-Il pas la plus belle Patrie,Que t'importe l'exil, tu possèdes les Cieux ?...Mais à Jérusalem, une amère tristesseComme un vaste océan vient inonder ton coeurJésus, pendant trois jours, se cache à ta tendresseAlors c'est bien l'exil dans toute sa rigueur !... 14. Enfin tu l'aperçois et la joie te transporte,Tu dis au bel Enfant qui charme les docteurs :«O mon Fils, pourquoi donc agis-tu de la sorte?»«Voilà ton père et moi qui te cherchions en pleurs.»Et l'Enfant Dieu répond (oh quel profond mystère !)A la Mère chérie qui tend vers lui ses bras :«Pourquoi me cherchiez-vous?... Aux oeuvres de mon Père»«Il faut que je m'emploie; ne le savez-vous pas?» 15. L'Evangile m'apprend que croissant en sagesseA Joseph, à Marie, Jésus reste soumisEt mon coeur me révèle avec quelle tendresseIl obéit toujours à ses parents chéris.Maintenant je comprends le mystère du temple,Les paroles cachées de mon Aimable Roi.Mère, ton doux Enfant veut que tu sois l'exempleDe l'âme qui Le cherche en la nuit de la foi. 16. Puisque le Roi des Cieux a voulu que sa MèreSoit plongée dans la nuit, dans l'angoisse du coeur ;Marie, c'est donc un bien de souffrir sur la terre ?Oui souffrir en aimant, c'est le plus pur bonheur !...Tout ce qu'Il m'a donné Jésus peut le reprendreDis-lui de ne jamais se gêner avec moi.....Il peut bien se cacher, je consens à l'attendreJusqu'au jour sans couchant où s'éteindra ma foi..... 17. Je sais qu'à Nazareth, Mère pleine de grâcesTu vis très pauvrement, ne voulant rien de plusoint de ravissements, de miracles, d'extasesN'embellissent ta vie, ô Reine des Elus !....Le nombre des petits est bien grand sur la terreIls peuvent sans trembler vers toi lever les yeuxC'est par la voie commune, incomparable MèreQu'il te plaît de marcher pour les guider aux Cieux. 18. En attendant le Ciel, ô ma Mère chérie,Je veux vivre avec toi, te suivre chaque jourMère, en te contemplant, je me plonge ravieDécouvrant dans ton coeur des abîmes d'amour.Ton regard maternel bannit toutes mes craintesIl m'apprend à pleurer, il m'apprend à jouir.Au lieu de mépriser les joies pures et saintesTu veux les partager, tu daignes les bénir. 19. Des époux de Cana voyant l'inquiétudeQu'ils ne peuvent cacher, car ils manquent de vinAu Sauveur tu le dis dans ta sollicitudeEspérant le secours de son pouvoir divin.Jésus semble d'abord repousser ta prière«Qu'importe», répond-Il, «femme, à vous et à moi?»Mais au fond de son coeur, Il te nomme sa MèreEt son premier miracle, Il l'opère pour toi... 20. Un jour que les pécheurs écoutent la doctrineDe Celui qui voudrait au Ciel les recevoirJe te trouve avec eux, Marie, sur la collineQuelqu'un dit à Jésus que tu voudrais le voir,Alors, ton Divin Fils devant la foule entièreDe son amour pour nous montre l'immensitéIl dit : «Quel est mon frère et ma soeur et ma Mère,»«Si ce n'est celui-là qui fait ma volonté?» 21. O Vierge Immaculée, des mères la plus tendreEn écoutant Jésus, tu ne t'attristes pasMais tu te réjouis qu'Il nous fasse comprendreQue notre âme devient sa famille ici-basOui tu te réjouis qu'Il nous donne sa vie,Les trésors infinis de sa divinité !...Comment ne pas t'aimer, ô ma Mère chérieEn voyant tant d'amour et tant d'humilité ? 22. Tu nous aimes, Marie, comme Jésus nous aimeEt tu consens pour nous à t'éloigner de Lui.Aimer c'est tout donner et se donner soi-mêmeTu voulus le prouver en restant notre appui.Le Sauveur connaissait ton immense tendresseIl savait les secrets de ton coeur maternel,Refuge des pécheurs, c'est à toi qu'Il nous laisseQuand Il quitte la Croix pour nous attendre au Ciel. 23. Marie, tu m'apparais au sommet du CalvaireDebout près de la Croix, comme un prêtre à l'autelOffrant pour apaiser la justice du PèreTon bien-aimé Jésus, le doux Emmanuel...Un prophète l'a dit, ô Mère désolée,«Il n'est pas de douleur semblable à ta douleur!»O Reine des Martyrs, en restant exiléeTu prodigues pour nous tout le sang de ton coeur ! 24. La maison de Saint Jean devient ton seul asileLe fils de Zébédée doit remplacer Jésus.....C'est le dernier détail que donne l'EvangileDe la Reine des Cieux il ne me parle plus.Mais son profond silence, ô ma Mère chérieNe révèle-t-il pas que Le Verbe EternelVeut Lui-même chanter les secrets de ta viePour charmer tes enfants, tous les Elus du Ciel ? 25. Bientôt je l'entendrai cette douce harmonieBientôt dans le beau Ciel, je vais aller te voirToi qui vins me sourire au matin de ma vieViens me sourire encor... Mère... voici le soir !..Je ne crains plus l'éclat de ta gloire suprêmeAvec toi j'ai souffert et je veux maintenantChanter sur tes genoux, Marie, pourquoi je t'aimeEt redire à jamais que je suis ton enfant !...... La petite Thérèse (Les mots soulignés doivent s'écrire en italique) Datation: mai 1897Destinataire: Thérèse elle-même, encouragée par Marie du Sacré-Cœur.J'ai toujours rêvé d'exprimer dans un chant à la Sainte Vierge tout ce que je pense d'elle, confie Thérèse à Céline. (PO 667)