Carmel

Du sourire de la Vierge à l'entrée au Carmel

13 mai 1883 - 9 avril 1888

Thérèse en oraison dans sa chambre

Oraison dans sa chambre

Thérèse prie près de son lit aux Buissonnets

Lavis de Charles Jouvenot

Oraison dans sa chambre

Brouillon commenté

Oraison dans sa chambre

Aquarelle tardive

"Un jour une de mes maîtresses de l'Abbaye me demanda ce que je faisais les jours de congé lorsque j'étais seule. Je lui répondis que j'allais derrière mon lit dans un espace vide qui s'y trouvait et qu'il m'était facile de fermer avec le rideau et que là «je pensais.»  Mais à quoi pensez-vous ? me dit-elle.  Je pense au bon Dieu, à la vie... à l'éternité, enfin je pense !... La bonne religieuse rit beaucoup de moi, plus tard elle aimait à me rappeler le temps où je pensais, me demandant si je pensais encore... Je comprends maintenant que je faisais oraison sans le savoir et que déjà le Bon Dieu m'instruisait en secret."

Ms A 33 v°

La Première Communion

Vue de la chapelle des Bénédictines de Lisieux, avec des petites filles renouvelant les promesses de leur baptême. Thérèse y a fait sa première communion le 8 mai 1884.

Première communion de Thérèse dans la chapelle des Bénédictines de Lisieux 8 mai 1884 

Tableau (grisaille à l'huile) de Blanchard retouchée par Céline Martin.

Première communion de Thérèse

Tableau de Soeur Marie du St Esprit, carmélite de Lisieux - 73 x 54 cm - d'après la grisaille précédente.

Première communion de Thérèse

Aquarelle de Soeur Marie du Saint-Esprit

Première communion de Thérèse

Lavis non retenu

Première communion de Thérèse

Fusain de Céline Martin

Voir ici une image réalisée plus tard avec cette oeuvre.

Première communion de Thérèse

Auteur non identifié

"Ah ! qu'il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme !... Ce fut un baiser d'amour."

Ms A 35 r°

Parloir avec Pauline

Parloir au carmel avec Pauline

Aquarelle de Soeur Marie du Saint-Esprit.

Le 8 mai 1884, Thérèse fait sa Première communion à l'Abbaye. Le matin-même, Pauline avait fait Profession au Carmel. Les deux soeurs se rencontrent au parloir.

Il existe deux brouillons, l'un où Thérèse est tournée vers la droite et sur le second, vers la gauche.

Des images souvenir ont également été réalisées à partir de cette aquarelle : Première image
Deuxième image

"Pauline et Thérèse devinrent le 8 Mai de plus en plus unies, puisque Jésus semblait les confondre en les inondant de ses grâces..."

Ms A 34 v°

Consécration à la Vierge Marie

Consécration à la Vierge Marie

Dessin de Charles Jouvenot

"L'après-midi ce fut moi qui prononçai l'acte de consécration à la Ste Vierge ; il était bien juste que je parle au nom de mes compagnes à ma Mère du Ciel, moi qui avais été privée si jeune de ma Mère de la terre... Je mis tout mon coeur à lui parler, à me consacrer à elle, comme une enfant qui se jette entre les bras de sa Mère et lui demande de veiller sur elle. Il me semble que la Sainte Vierge dut regarder sa petite fleur et lui sourire, n'était-ce elle qui l'avait guérie par un visible sourire ?... N'avait-elle pas déposé dans le calice de sa petite fleur, son Jésus, la Fleur des Champs, le Lys de la vallée ?..."

Ms A 35v°

La Confirmation

Confirmation de Thérèse

Aquarelle de Sœur Marie du Saint-Esprit

Confirmation avec Monseigneur Hugonin.

La main derrière l'épaule de Thérèse est celle de Léonie, sa marraine - voir les lettres du 24 janvier et du 26 janvier 1938.

"Peu de temps après ma première Communion, j'entrai de nouveau en retraite pour ma Confirmation. Je m'étais préparée avec beaucoup de soin à recevoir la visite de l'Esprit-Saint, je ne comprenais pas qu'on ne fasse pas une grande attention à la réception de ce sacrement d'Amour. Ordinairement on ne faisait qu'un jour de retraite pour la Confirmation, mais Monseigneur n'ayant pu venir au jour marqué, j'eus la consolation d'avoir deux jours de solitude. Pour nous distraire notre maîtresse nous conduisit au Mont Cassin et là je cueillis à pleines mains des grandes pâquerettes pour la Fête-Dieu. Ah ! que mon âme était joyeuse ! Comme les apôtres j'attendais avec bonheur la visite de l'Esprit-Saint... Je me réjouissais à la pensée d'être bientôt parfaite chrétienne et surtout à celle d'avoir éternellement sur le front la croix mystérieuse que l'Évêque marque en imposant le sacrement... Enfin l'heureux moment arriva, je ne sentis pas un vent impétueux au moment de la descente du Saint-Esprit, mais plutôt cette brise légère dont le prophète élie entendit le murmure au mont Horeb... "

Ms A 36 v°

La Grâce de Noël

La Grâce de Noël 1886

Dessin de Charles Jouvenot

"Il fallut que le Bon Dieu fasse un petit miracle pour me faire grandir en un moment et ce miracle il le fit au jour inoubliable de Noël ; en cette nuit lumineuse qui éclaire les délices de la Trinité Sainte, Jésus, le doux petit Enfant d'une heure, changea la nuit de mon âme en torrents de lumière... En cette nuit où Il se fit faible et souffrant pour mon amour, Il me rendit forte et courageuse, Il me revêtit de ses armes et depuis cette nuit bénie, je ne fus vaincue en aucun combat, mais au contraire je marchai de victoires en victoires et commençai pour ainsi dire, «une course de géant!...» [...]
Ce fut le 25 décembre 1886 que je reçus la grâce de sortir de l'enfance, en un mot la grâce de ma complète conversion."

MS A 44v°-45r°

Thérèse demande à entrer au Carmel

Thérèse demande à son père la permission d'entrer au Carmel (29 mai 1887, jour de Pentecôte)

Lavis de Charles Jouvenot

Thérèse demande à son père la permission d'entrer au carmel

Brouillon de Charles Jouvenot - non retenu

Thérèse demande à son père la permission d'entrer au carmel

Tableau de Blanchard retouché par Céline - 73 x 54 cm.

Thérèse demande à son père la permission d'entrer au carmel

Aquarelle tardive

"Ce ne fut que l'après-midi en revenant des vêpres que je trouvai l'occasion de parler à mon petit Père chéri ; il était allé s'asseoir au bord de la citerne et là, les mains jointes, il contemplait les merveilles de la nature, le soleil dont les feux avaient perdu leur ardeur dorait le sommet des grands arbres, où les petits oiseaux chantaient joyeusement leur prière du soir. La belle figure de Papa avait une expression céleste, je sentais que la paix inondait son coeur ; sans dire un seul mot j'allai m'asseoir à ses côtés, les yeux déjà mouillés de larmes, il me regarda avec tendresse et prenant ma tête il l'appuya sur son coeur, me disant : «Qu'as-tu ma petite reine?... confie-moi cela...» Puis se levant comme pour dissimuler sa propre émotion, il marcha lentement, tenant toujours ma tête sur son coeur. A travers mes larmes je lui confiai mon désir d'entrer au Carmel, alors ses larmes vinrent se mêler aux miennes, mais il ne dit pas un mot pour me détourner de ma vocation, se contentant simplement de me faire remarquer que j'étais encore bien jeune pour prendre une détermination aussi grave. Mais je défendis si bien ma cause, qu'avec la nature simple et droite de Papa, il fut bientôt convaincu que mon désir était celui de Dieu lui-même et dans sa foi profonde il s'écria que le Bon Dieu lui faisait un grand honneur de lui demander ainsi ses enfants ; nous continuâmes longtemps notre promenade, mon coeur soulagé par la bonté avec laquelle mon incomparable Père avait accueilli ses confidences, s'épanchait doucement dans le sien".

Ms A 50 r°

Louis Martin donne son accord et cueille une saxifrage

Dessin de Charles Jouvenot

Thérèse a collé cette fleur sur une image de Notre-Dame des Victoires au verso de laquelle figure le dernier texte écrit de sa main.

"Ce dont je me souviens parfaitement ce fut de l'action symbolique que mon Roi chéri accomplit sans le savoir. S'approchant d'un mur peu élevé, il me montra de petites fleurs blanches semblables à des lys en miniature et prenant une de ces fleurs, il me la donna, m'expliquant avec quel soin le Bon Dieu l'avait fait naître et l'avait conservée jusqu'à ce jour ; en l'entendant parler, je croyais écouter mon histoire tant il y avait de ressemblance entre ce que Jésus avait fait pour la petite fleur et la petite Thérèse... Je reçus cette fleurette comme une relique et je vis qu'en voulant la cueillir, Papa avait enlevé toutes ses racines sans les briser, elle semblait destinée à vivre encore dans une autre terre plus fertile que la mousse tendre où s'étaient écoulés ses premiers matins... C'était bien cette même action que Papa venait de faire pour moi quelques instants plus tôt, en me permettant de gravir la montagne du Carmel et de quitter la douce vallée témoin de mes premiers pas dans la vie.
Je plaçai ma petite fleur blanche dans mon Imitation, au chapitre intitulé : «Qu'il faut aimer Jésus par-dessus toutes choses», c'est là qu'elle est encore, seulement la tige s'est brisée tout près de la racine et le Bon Dieu semble me dire par là qu'il brisera bientôt les liens de sa petite fleur et ne la laissera pas se faner sur la terre !"

Ms A 50v°

Entretiens au Belvédère avec Céline

Entretiens au Belvédère avec Céline (été 1887)

Fusain de Céline Martin

Thérèse prie pour Pranzini

Thérèse prie pour Pranzini

Lavis de Charles Jouvenot

Thérèse prie pour Pranzini

Aquarelle tardive

"J'entendis parler d'un grand criminel qui venait d'être condamné à mort pour des crimes horribles, tout portait à croire qu'il mourrait dans l'impénitence. Je voulus à tout prix l'empêcher de tomber en enfer, afin d'y parvenir j'employai tous les moyens imaginables ; sentant que de moi-même je ne pouvais rien, j'offris au Bon Dieu tous les mérites infinis de Notre-Seigneur, les trésors de la Sainte Eglise, enfin je priai Céline de faire dire une messe dans mes intentions, n'osant pas la demander moi-même dans la crainte d'être obligée d'avouer que c'était pour Pranzini, le grand criminel."

Ms A 45 v° et suivant.

Demande à Isidore Guérin

Thérèse demande à son oncle Isidore Guérin d'entrer au Carmel

Dessin de Charles Jouvenot

Thérèse demande l'autorisation le 8 octobre 1887, il lui donne le 22 octobre.

Après avoir obtenu le consentement de Papa, je croyais pouvoir m'envoler sans crainte au Carmel, mais de bien douloureuses épreuves devaient encore éprouver ma vocation. Ce ne fut qu'en tremblant que je confiai à mon oncle la résolution que j'avais prise. Il me prodigua toutes les marques de tendresse possibles, cependant il ne me donna pas la permission de partir, au contraire il me défendit de lui parler de ma vocation avant l'âge de 17 ans. C'était contraire à la prudence humaine, disait-il, de faire entrer au Carmel une enfant de 15 ans, cette vie de carmélite étant aux yeux du monde une vie de philosophe, ce serait faire grand tort à la religion de laisser une enfant sans expérience l'embrasser...Tout le monde en parlerait, etc... etc... Il dit même que pour le décider à me laisser partir il faudrait un miracle. Je vis bien que tous les raisonnements seraient inutiles, aussi je me retirai, le cœur plongé dans l'amertume la plus profonde ; ma seule consolation était la prière, je suppliais Jésus de faire le miracle demandé puisqu'à ce prix seulement je pourrais répondre à son appel.

Un temps assez long se passa avant que j'ose parler de nouveau à mon oncle ; cela me coûtait extrêmement d'aller chez lui, de son côté il paraissait ne plus penser à ma vocation, mais j'ai su plus tard que ma grande tristesse l'influença beaucoup en ma faveur.

Manuscrit A, 50v-51r

Visite à Mgr Hugonin à Bayeux

Visite à Monseigneur Hugonin à Bayeux (31 octobre 1887)

Lavis de Charles Jouvenot

Visite à Monseigneur Hugonin à Bayeux

Aquarelle tardive

Derrière Louis Martin, on reconnaît l'abbé Révérony, vicaire général.

"J'espérais que Papa allait parler mais il me dit d'expliquer moi-même à Monseigneur le but de notre visite ; je le fis le plus éloquemment possible, sa Grandeur habituée à l'éloquence ne parut pas très touchée de mes raisons, au lieu d'elles un mot de Mr le Supérieur m'eût plus servi, malheureusement je n'en avais pas et son opposition ne plaidait aucunement en ma faveur...
Monseigneur me demanda s'il y avait longtemps que je désirais entre au carmel :  «Oh oui! Monseigneur, bien longtemps...»  «Voyons, reprit en riant Mr Révérony, vous ne pouvez toujours pas dire qu'il y a 15 ans que vous avez ce désir.»  «C'est vrai, repris-je en souriant aussi, mais il n'y a pas beaucoup d'années à retrancher car j'ai désiré me faire religieuse dès l'éveil de ma raison et j'ai désiré le carmel aussitôt que je l'ai bien connu, parce que dans cet ordre je trouvais que toutes les aspirations de mon âme seraient remplies. » Je ne sais pas, ma Mère, si ce sont tout à fait mes paroles, je crois que c'était encore plus mal tourné, mais enfin c'est le sens.
Monseigneur croyant être agréable à Papa essaya de me faire rester encore quelques années auprès de lui, aussi ne fut-il pas peu surpris et édifié de le voir prendre mon parti, intercédant pour que j'obtienne la permission de m'envoler à 15 ans. Cependant tout fut inutile [...]

Ms A 54 v°

Voyage à Rome (4 novembre - 2 décembre 1887)

Thérèse, Céline et Louis Martin à Notre-Dame des Victoires à Paris

Tableau de Jeanne Charpy (ici reproduit sur une image pieuse)

Thérèse à Notre-Dame des Victoires à Paris

Dessin de Charles Jouvenot

Pour moi, je n'en trouvai qu'une seule qui me ravit, cette merveille fut : «Notre-Dame des Victoires». Ah ! ce que j'ai senti à ses pieds, je ne pourrais le dire... Les grâces qu'elle m'accorda m'émurent si profondément que mes larmes seules traduisirent mon bonheur, comme au jour de ma première communion... La Sainte Vierge m'a fait sentir que c'était vraiment elle qui m'avait souri et m'avait guérie. J'ai compris qu'elle veillait sur moi, que j'étais son enfant, aussi je ne pouvais plus lui donner que le nom de «Maman» car il me semblait encore plus tendre que celui de Mère... Avec quelle ferveur ne l'ai-je pas priée de me garder toujours et de réaliser bientôt mon rêve en me cachant à l'ombre de son manteau virginal !... Ah ! c'était là un de mes premiers désirs d'enfant... En grandissant, j'avais compris que c'était au Carmel qu'il me serait possible de trouver véritablement le manteau de la Sainte Vierge et c'était vers cette montagne fertile que tendaient tous mes désirs...

Manuscrit A, 56v-57r

Thérèse, Céline et leur père à Venise

Lavis de Charles Jouvenot

"À Venise, la scène changea complètement ; au lieu du bruit des grandes villes on n'entend au milieu du silence que les cris des gondoliers et le murmure de l'onde agitée par les rames. Venise n'est pas sans charmes, mais je trouve cette ville triste."

Ms A 59 r°

La maison de Lorette

Dessin de Charles Jouvenot

"Je fus heureuse de prendre la route de Lorette. Je ne suis pas surprise que la Ste Vierge ait choisi cet endroit pour y transporter sa maison bénie, la paix, la joie, la pauvreté y règnent en souveraines ; tout est simple et primitif, les femmes ont conservé leur gracieux costume italien et n'ont pas, comme celles des autres villes, adopté la mode de Paris ; enfin Lorette m'a charmée ! Que dirai-je de la sainte maison ?... Ah ! mon émotion a été profonde en me trouvant sous le même toit que la Ste Famille, en contemplant les murs sur lesquels Jésus avait fixé ses yeux divins, en foulant la terre que St Joseph avait arrosée de sueurs, où Marie avait porté Jésus entre ses bras, après l'avoir porté dans son sein virginal... J'ai vu la petite chambre où l'ange descendit auprès de la Ste Vierge... J'ai déposé mon chapelet dans la petite écuelle de l'Enfant Jésus... Que ces souvenirs sont ravissants !..."

Ms A 59 v°

Thérèse et Céline au Colisée à Rome

Lavis de Charles Jouvenot

"Mon coeur battait bien fort lorsque mes lèvres s'approchèrent de la poussière empourprée du sang des premiers chrétiens, je demandai la grâce d'être aussi martyre pour Jésus et je sentis au fond de mon coeur que ma prière était exaucée !..."

Ms A 61 r°

Thérèse, Céline et Louis Martin arrivent à la salle d'audience pour rencontrer le pape Léon XIII

Dessin de Charles Jouvenot

Thérèse et Léon XIII

Fusain de Céline Martin

Thérèse et Léon XIII

Aquarelle de Soeur Marie du Saint-Esprit d'après le fusain de Céline

"Six jours se passèrent à visiter les principales merveilles de Rome et ce fut le septième que je vis la plus grande de toutes : « Léon XIII »... Ce jour, je le désirais et le redoutais en même temps, c'était de lui que ma vocation dépendait, car la réponse que je devais recevoir de Monseigneur n'était pas arrivée et j'avais appris par une lettre de vous, ma Mère, qu'il n'était plus très bien disposé pour moi, aussi mon unique planche de salut était la permission du St Père... mais pour l'obtenir, il fallait la demander, il fallait devant tout le monde oser parler : «au Pape»... "

Ms A 62 r° et suivant

Thérèse enseigne le catéchisme

Thérèse enseigne le catéchisme à deux petites filles

Lavis non signé

Thérèse enseigne le catéchisme à deux petites filles

Lavis non retenu. Nous en avons un brouillon.

"Avant de quitter le monde, le Bon Dieu me donna la consolation de contempler de près des âmes d'enfants ; étant la plus petite de la famille, je n'avais jamais eu ce bonheur, voici les tristes circonstances qui me le procurèrent : Une pauvre femme, parente de notre bonne, mourut à la fleur de l'âge laissant 3 enfants tout petits ; pendant sa maladie nous prîmes à la maison les deux petites filles dont l'aînée n'avait pas 6 ans, je m'en occupais toute la journée et c'était un grand plaisir pour moi de voir avec quelle candeur elles croyaient tout ce que je leur disais. Il faut que le saint Baptême dépose dans les âmes un germe bien profond des vertus théologales puisque dès l'enfance elles se montrent déjà et que l'espérance de biens futurs suffit pour faire accepter des sacrifices. Lorsque je voulais voir mes deux petites filles bien conciliantes l'une pour l'autre, au lieu de promettre des jouets et des bonbons à celle qui céderait à sa soeur, je leur parlais des récompenses éternelles que le petit Jésus donnerait dans le Ciel aux petits enfants sages ; l'aînée, dont la raison commençait à se développer, me regardait avec des yeux brillants de joie, me faisait mille questions charmantes sur le petit Jésus et son beau Ciel et me promettait avec enthousiasme de toujours céder à sa soeur ; elle disait que jamais de sa vie elle n'oublierait ce que lui avait dit «la grande demoiselle», car c'est ainsi qu'elle m'appelait... En voyant de près ces âmes innocentes, j'ai compris quel malheur c'était de ne pas bien les former dès leur éveil, alors qu'elles ressemblent à une cire molle sur laquelle on peut déposer l'empreinte des vertus mais aussi celle du mal... j'ai compris ce qu'a dit Jésus en l'Evangile : «Qu'il vaudrait mieux être jeté à la mer que de scandaliser un seul de ces petits enfants.»"

Ms A 52 v°

Le petit agneau

Un petit agneau en cadeau (février 1888)

Dessin de Charles Jouvenot

Céline a réalisé une peinture à l'huile de ce petit agneau.

Ma chère petite Marie, le Mercredi des Cendres papa m'a fait un cadeau ; j'aurais beau te le donner en cent et même en mille, je crois que tu ne le devinerais pas. Figure-toi, ma chère Marie, dans le fond du grand sac à Papa un petit Agneau ravissant et tout frisé. Ce bon petit Père m'a dit en me le donnant qu'il voulait, avant que j'entre au Carmel, que j'aie le plaisir d'avoir un petit agneau. Tout le monde était heureux, Céline était ravie que nous ayons un petit agneau d'un jour. Ce qui m'avait surtout touchée, c'était la bonté de Papa en me le donnant ; et puis un agneau c'est si symbolique, il me faisait penser à Pauline...
Jusqu'ici, tout va bien, tout est ravissant, mais il faut attendre la fin. Déjà nous faisions des châteaux en Espagne avec le petit agneau, nous nous attendions à le voir bondir autour de nous au bout de deux ou trois jours. Mais hélas ! la jolie petite bête est morte dans l'après-midi, elle avait eu trop froid dans la voiture où elle était née ; pauvre petite, à peine née elle a souffert, puis elle est morte.
Le petit agneau était si gentil, il avait l'air si innocent que Céline a fait son portrait sur une petite toile, puis papa a creusé une fosse dans laquelle on a mis le petit agneau qui semblait dormir ; je n'ai pas voulu que ce soit la terre qui le recouvre, nous avons jeté de la neige sur lui et puis tout a été fini...
Tu ne sais pas, ma chère Marraine, combien la mort de ce petit animal m'a donné à réfléchir, oh oui ! sur la terre il ne faut s'attacher à rien, pas même aux choses les plus innocentes car elles vous manquent au moment où on y pense le moins. Il n'y a que ce qui est éternel qui peut nous contenter.

Thérèse à Sœur Marie du Sacré-Cœur, 21 février 1888 (LT 42)

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