Carmel

CJ Juin 1897

CJ019

La santé de Thérèse

C'est le 4 juin 1897 que Thérèse commence la rédaction du manuscrit C après que Mère Agnès ait découvert ses hémoptysies (crachements de sang) d'avril 1896.

Au début du mois de juin, la maladie fait de rapides progrès : Thérèse commence à avoir des douleurs au côté ainsi que des vomissements, des angoisses. Les quintes de toux se poursuivent. Son appétit disparaît, elle s'affaiblit, est épuisée. Le 6 juin, jour de la Pentecôte, on lui donne le fameux sirop de limaçon. Elle commence également un régime lacté. Après une amélioration au milieu du mois, consécutive à une neuvaine à Notre-Dame des Victoires effectuée par la communauté du 5 au 13 juin, la fièvre et un grand mal au côté font leur retour le 25 juin.

Le 4 juin

1

Elle nous fit ses adieux dans la cellule de Sr Geneviève de la Ste Face qui se trouvait celle donnant sur la terrasse du côté du Chapitre. Elle était couchée sur la paillasse de Sr Geneviève. Ce jour-là, elle paraissait ne plus souffrir et avait un visage comme transfiguré. Nous ne nous lassions pas de la regarder et d'écouter ses douces paroles.

J'ai demandé à la Sainte Vierge de n'être plus assoupie et absorbée comme je me trouvais tous ces jours ; je sentais bien que je vous faisais de la peine. Ce soir, elle m'a exaucée.

Oh ! mes petites soeurs, que je suis heureuse ! Je vois que je vais bientôt mourir, j'en suis sûre maintenant.

Ne vous étonnez pas si je ne vous apparais pas après ma mort, et si vous ne voyez aucune chose extraordinaire comme signe de mon bonheur. Vous vous rappellerez que c'est «ma petite voie» de ne rien désirer voir. Vous savez bien ce que j'ai dit tant de fois au bon Dieu, aux Anges et aux Saints :

Que mon désir n'est pas
De les voir ici-bas...

Les Anges viendront vous chercher, dit Sr Geneviève. Oh ! pourtant que nous voudrions bien les voir !

Je ne crois pas que vous les voyiez, mais ça ne les empêchera pas d'être là...

Je voudrais pourtant bien avoir une belle mort, pour vous faire plaisir. Je l'ai demandé à la Sainte Vierge. Je ne l'ai pas demandé au bon Dieu, parce que je veux le laisser faire comme il voudra. Demander à la Sainte Vierge, ce n'est pas la même chose. Elle sait bien ce qu'elle a à faire de mes petits désirs, s'il faut qu'elle les dise ou ne les dise pas... enfin, c'est à elle de voir pour ne pas forcer le bon Dieu à m'exaucer, pour le laisser faire en tout sa volonté.

Ce soir j'ai obtenu de pouvoir vous consoler un peu et d'être bien gentille, mais il ne faut pas s'attendre à me voir ainsi au moment de la mort... Je ne sais pas ! Tout de suite, la Sainte Vierge a peut être fait cela d'elle-même, sans le dire au bon Dieu, alors ça ne prouve rien pour plus tard.

Je ne sais pas si j'irai en purgatoire, je ne m'en inquiète pas du tout ; mais, si j'y vais je ne regretterai pas de n'avoir rien fait pour l'éviter. Je ne me repentirai jamais d'avoir travaillé uniquement pour sauver des âmes. Que j'ai été heureuse de savoir que N. M. Sainte Thérèse pensait cela !

Ma petite Mère, si vous êtes de nouveau prieure un jour, ne vous inquiétez pas ; vous verrez que vous ne vous ferez plus les mêmes peines qu'autrefois. Vous serez au-dessus de tout. Vous laisserez penser et dire ce qu'on voudra, vous ferez votre devoir en paix... etc... etc.

Ne faites jamais rien pour l'être, et rien non plus pour ne pas l'être... D'ailleurs, je vous promets que je ne vous y laisserai pas mettre si c'est préjudiciable à votre âme.

Quand je l'ai embrassée :

J'ai tout dit ! en particulier à ma petite Mère, pour plus tard...

Ne vous faites pas de peine mes petites soeurs, si je souffre beaucoup et si vous ne voyez en moi, comme je vous l'ai déjà dit, aucun signe de bonheur au moment de ma mort. Notre-Seigneur est bien mort Victime d'Amour, et voyez quelle a été son agonie !... Tout cela ne dit rien.

2

Un peu plus tard, étant seule avec elle, et la voyant de nouveau beaucoup souffrir, je lui dis : »Eh bien, vous désiriez souffrir, le bon Dieu ne l'a pas oublié. »

Je désirais souffrir, et je suis exaucée. J'ai beaucoup souffert depuis plusieurs jours. Un matin pendant mon action de grâces, après la communion, j'ai ressenti comme les angoisses de la mort... et avec cela aucune consolation !

3

J'accepte tout pour l'amour du bon Dieu, même toutes sortes de pensées extravagantes qui me viennent à l'esprit.

Le 5 juin

1

(Pendant Matines)

Ma petite Mère, j'ai vu que vous m'aimez d'un amour désintéressé. Eh bien ! si je sais que vous êtes ma petite mère, vous saurez un jour que je suis votre petite fille ! Oh ! que je vous aime !

2

J'ai relu la pièce de Jeanne d'Arc que j'ai composée. Vous verrez là mes sentiments sur la mort ; ils sont tous exprimés ; cela vous fera plaisir. Mais ne croyez pas que je ressemble à Jeanne d'Arc quand elle a eu peur un moment... Elle se tirait les cheveux !... moi je me tire pas les «petits» cheveux...

3

Ma petite mère, c'est vous qui m'avez préparée à ma première Communion, préparez-moi maintenant à mourir...

4

Si vous me trouviez morte un matin, n'ayez pas de peine : c'est que Papa le bon Dieu serait venu tout simplement me chercher. Sans doute, c'est une grande grâce de recevoir les Sacrements ; mais quand le bon Dieu ne le permets pas, c'est bien quand même, tout est grâce.

Le 6 juin

1

Je vous remercie d'avoir demandé que l'on me donne une parcelle de la sainte Hostie. J'ai eu encore beaucoup de mal à l'avaler. Mais que j'étais heureuse d'avoir le bon Dieu dans mon coeur ! J'ai pleuré comme le jour de ma première Communion.

2

Mr Youf m'a dit pour mes tentations contre la foi : «Ne vous arrêtez pas à cela, c'est très dangereux.» Ce n'est guère consolant à entendre, mais heureusement que je ne m'en impressionne pas. Soyez tranquille, ne vais pas casser ma «petite» tête à me tourmenter.

Mr Youf m'a dit encore : «Êtes-vous résignée à mourir?» Je lui ai répondu : «Ah! mon Père, je trouve qu'il n'y a besoin de résignation que pour vivre. Pour mourir, c'est de la joie que j'éprouve.»

3

Je me demande comment je ferai pour mourir. Je voudrais pourtant m'en tirer avec «honneur» ! Enfin, je crois que cela ne dépend pas de soi.

(Elle pensait à nous.)

4

Dans mon enfance, les grands événements de ma vie me paraissaient comme des montagnes insurmontables. Quand je voyais les petites filles faire leur première Communion, je me disais : Comment est-ce que je ferai à ma première Communion ?... Plus tard : Comment est-ce que je ferai pour entrer au Carmel ?... Et après : pour prendre l'Habit ? pour faire Profession ? A présent, c'est pour mourir !

5

« Je vais vous faire photographier pour faire plaisir à Notre Mère. » Elle sourit d'un air malin :

Dites plutôt que c'est pour vous !... «Petit vent de bise, cesse de souffler! Ce n'est pas pour moi, c'est pour mon camarade qui n'a pas de veste...»

Elle me rappelait ainsi une petite histoire d'auvergnats que papa nous racontait. Elle y mettait le ton, et c'était très bien appliqué, car le camarade si charitable en apparence, plaidait pour lui en réalité.

6

On ne voulait pas lui dire, de peur de la dégoûter, que le sirop qu'elle prenait était du sirop de limaçon, mais elle s'en aperçut et rit de nos craintes;

Qu'est-ce que cela me fait de prendre du sirop de limaçon, pourvu que je ne voie pas les cornes ! Maintenant je mange des limaçons comme les petits canards ! Hier, je faisais comme les autruches, je mangeais des oeufs crus !

7

Je vous aime beaucoup, beaucoup !

8

Je lui dis : »Les Anges vous porteront dans leurs mains, de peur que vous ne heurtiez le pied contre la pierre. » Elle répondit :

Ah ! ça c'est bon pour tout de suite ; car plus tard, après ma mort, je ne serai pas embarrassée ! ! !

9

Après la visite de M. de Cornière qui la trouvait mieux, je lui dis : « Etes-vous triste ? »

Oh ! non... J'ai tiré dans l'Evangile : «Bientôt vous verrez le Fils de l'homme assis sur les nuées du Ciel.»

J'ai répondu : «Seigneur, quand?» Et en face de la page, j'ai lu ces mots : «Aujourd'hui même.»

Mais tout cela... c'est de ne s'inquiéter de rien, de ne vouloir ni vivre ni mourir...

Quelques intants après :

J'ai pourtant bien envie de m'en aller ! Je le dis à la Sainte Vierge qui en fait ce qu'elle veut.

Le 7 juin

1

Dimanche

Sur le banc, au fond du cimetière, elle resta quelque temps assise près de moi. À la fin, elle appuya tendrement sa tête sur mon coeur et chanta à demi-voix :

Moi t'oublier, Mère chérie,
Non, non, jamais ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En descendant les marches, elle vit, à droite, sous le néflier, la petite poule blanche qui avait tous ses poussins sous ses ailes. Quelques-uns montraient seulement leur petite tête. Elle s'arrêta toute pensive à les considérer. Au bout d'un moment, je lui fis signe qu'il était temps de rentrer. Elle avait les yeux pleins de larmes. Je lui dis : « Vous pleurez ! » Alors elle mit sa main devant ses yeux en pleurant davantage et me répondit :

Je ne puis pas vous dire pourquoi en ce moment ; je suis trop émue...

Le soir, dans sa cellule, elle me dit avec une expression céleste :

J'ai pleuré en pensant que le bon Dieu a pris cette comparaison pour nous faire croire à sa tendresse. Tout ma vie, c'est cela qu'il a fait pour moi ! Il m'a entièrement cachée sous ses ailes !... Tantôt, en vous quittant, je pleurais en montant l'escalier, je ne pouvais plus me contenir, et j'avais hâte d'être rendue dans notre cellule ; mon coeur débordait d'amour et de reconnaissance.

2

Aujourd'hui 10 ans que papa m'a donné cette petite fleur blanche, quand je lui ai parlé pour la première fois de ma vocation.

(Elle me montra la petite fleur)

3

Si vous ne m'aviez pas bien élevée, vous auriez vu de tristes choses... Je n'aurais pas pleuré aujourd'hui en voyant la petite poule blanche...

Le 8 juin

1

Vous viendrez bientôt toutes avec moi, ça ne sera pas long, allez !

A Sr Marie de la Trinité qui lui demandait de penser à elle au Ciel :

Vous n'avez vu encore que la coque ; vous verrez bientôt le petit poulet.

2

Je lui disais que je n'avais pas d'appui sur la terre.

Mais si, vous avez un appui, c'est moi !

[3 Voir Paroles Retrouvées

Nous avions parlé des longues maladies qui souvent fatiguent les infirmières, ce qui est une grande souffrance pour les malades qui s'en aperçoivent.

Je veux bien rester comme cela jusqu'à la fin d'une très longue vie ; si cela plaît au bon Dieu, je veux même bien être «prise en grippe.»]

Le 9 juin

1

Il est dit dans l'Evangile que le bon Dieu viendra comme un voleur. Il viendra me voler tout plein gentiment. Oh ! que je voudrais bien aider au Voleur !

2

Que je suis heureuse aujourd'hui !

- Votre épreuve est donc passée ?

Non, mais c'est comme quelque chose de suspendu. Les vilains serpents ne sifflent plus à mes oreilles...

3

Avec quelle paix je laisse dire autour de moi que je vais mieux ! La semaine dernière, j'étais debout et l'on me trouvait bien malade. Cette semaine, je puis plus me soutenir, je suis épuisée et voilà qu'on me juge sauvée ! Mais qu'est-ce que cela fait !

- Vous espérez donc bientôt mourir quand même ?

Oui, j'espère bientôt m'en aller ; je ne vais pas mieux certainement ; j'ai très mal au côté. Mais, je le dirai toujours, si le bon Dieu me guérit, je n'aurai aucune déception.

A Sr Marie du Sacré Coeur qui lui disait : »Quelle peine nous aurons quand vous nous quitterez! »

Oh ! non, vous verrez, ce sera comme une pluie de roses.

4

Je ne crains pas le Voleur... Je le vois de loin, et je me garde bien de crier : Au voleur ! Au contraire, je l'appelle en disant : Par ici ! par ici !

5

Je suis comme un petit enfant, sur la voie du chemin de fer, qui attend son papa et sa maman pour le mettre dans le train. Hélas ! ils ne viennent pas, et le train part ! Mais il y en a d'autres, je ne les manquerai pas tous...

Le 10 juin

1

Elle allait mieux et cela l'étonnait ; elle était obligée de réagir pour ne pas s'en attrister.

... La Sainte Vierge fait bien mes commissions, je lui en donnerai une autre fois !
Je lui répète bien souvent :
«Dis-lui de ne jamais se gêner avec moi.»
Il a entendu, et c'est ce qu'il a fait. Je ne comprends plus rien à ma maladie. Voilà que je vais mieux ! Mais je m'abandonne et je suis heureuse quand même. Qu'est-ce que je deviendrais si je nourrissais l'espoir de bientôt mourir ! Que de déceptions ! Mais je n'en ai aucune, parce que je suis contente de tout ce que le bon Dieu fait, je ne désire que sa volonté.

Le 11 juin

1

Elle avait jeté des fleurs au St Joseph du jardin, (au fond de l'allée des marronniers) en disant d'un ton enfantin et gracieux :

«Tiens!»

Pourquoi jetez-vous des fleurs à St Joseph ? Est-ce pour obtenir quelque grâce ?

Ah ! mais non ! C'est pour lui faire plaisir. Je ne veux pas donner pour recevoir.

2

Pour écrire ma «petite» vie, je ne me casse pas la tête ; c'est comme si je pêchais à la ligne ; j'écris ce qui vient au bout.

Le 12 juin

1

On ne me croit pas aussi malade que je le suis. C'est plus pénible alors d'être privée de la communion, de l'Office. Mais, tant mieux que personne ne se tourmente plus. J'en souffrais beaucoup et j'avais demandé à la Sainte Vierge d'arranger les choses pour qu'on n'ait plus de peine. Elle m'a exaucée.

Pour moi, qu'est-ce que cela me fait qu'on pense et qu'on dise n'importe quoi. Je ne vois pas pourquoi je m'en affligerais.

2

Demain, je ne ferai pas la Communion ! Et tant de petites filles recevront le bon Dieu !

(C'était la première Communion à St Jacques.)

Le 13 juin

1

(Dans le jardin)

Je me fais l'effet d'une étoffe tendue sur le métier pour être brodée ; et puis personne ne vient pour la broder ! J'attends, j'attends ! C'est inutile !... Enfin, ce n'est pas étonnant, les petits enfants ne savent pas ce qu'ils veulent !

Je dis cela parce que je pense au petit Jésus, c'est lui qui m'a tendue sur le métier de la souffrance pour avoir le plaisir de me broder et puis de me détendre pour aller montrer là haut son bel ouvrage.

Quand je parle du Voleur, je ne pense pas au petit Jésus, je pense au «grand» bon Dieu.

Le 14 juin

Dernier jour de la neuvaine. Elle était beaucoup mieux, nouveau sujet de déception pour elle qui me dit pourtant avec un sourire :

Je suis une petite fille guérie !

En êtes-vous triste ?

Oh ! non... de moment en moment, on peut beaucoup supporter.

Le 15 juin

1

Le 9, je voyais bien clairement de loin le phare qui m'annonçait le port du Ciel ; mais maintenant, je ne vois plus rien, j'ai comme les yeux bandés. Ce jour-là, je voyais le Voleur, à présent, je ne le vois plus du tout. Ce que l'on me dit sur la mort ne peut plus pénétrer, ça glisse comme sur une dalle. C'est fini ! l'espoir de la mort est usé. Le bon Dieu ne veut pas sans doute que j'y pense comme avant d'être malade. À ce moment-là, cette pensée m'était nécessaire et très profitable, je le sentais bien. Mais aujourd'hui c'est le contraire. Le bon Dieu veut que je m'abandonne comme un tout petit enfant qui ne s'inquiète pas de ce que l'on fera de lui.

2

Êtes-vous fatiguée de votre état qui se prolonge ? Vous devez bien souffrir !

Oui, mais cela m'«agrée».

Pourquoi?

Parce que cela «agrée» au bon Dieu.

(Elle employait ce mot et plusieurs autres qui n'allaient pas avec sa manière simple de s'exprimer habituellement, quand elle voulait couvrir sa pensée d'une forme distrayante pour nous.

Elle avait encore adopté certaines expressions naïves dont elle se servait dans l'intimité et qui, dans sa bouche, avaient beaucoup de charmes.)

3

Je ne sais pas quand je mourrai ; je n'ai plus aucune confiance en la maladie. Quand même je serais administrée, je croirais encore que je peux en revenir. Je ne serai vraiment sûre de mon coup que lorsque j'aurai passé le pas et que je me verrai dans les bras du bon Dieu.

4

(Le soir)

Que je voudrais bien vous dire quelque chose de gentil !

Dites-moi seulement si vous m'oublierez quand vous serez au Ciel.

Ah ! si je vous oubliais, il me semble que tous les saints me chasseraient du Paradis comme un vilain hibou. Ma petite Mère, quand je serai là-haut, «je viendrai vous prendre avec moi, afin que, là où je serai, vous soyez aussi».

5

Je suis heureuse, je n'offense pas du tout le bon Dieu pendant ma maladie. Tantôt j'écrivais sur la charité (dans le cahier de sa Vie) et, bien souvent, on est venu me déranger ; alors j'ai tâché de ne point m'impatienter, de mettre en pratique ce que j'écrivais.

[Voir Paroles Retrouvées

Le 19 juin

Notre cousine, la Mère Marguerite (Supre Gle à Paris des religieuses Auxiliatrices de l'I..C. garde-malades) m'avait envoyé une jolie corbeille remplie de lys artificiels, pour le 21, fête de Mère Marie de Gonzague. Je lui apportai cette corbeille en disant toute joyeuse : » C'est la Supérieure Générale des Auxiliatrices qui m'envoie cela ! »

Elle me répondit tout à coup avec élan et affection :

Eh ! bien, c'est vous qui êtes la Supérieure Générale de mon coeur.]

Le 20 juin

Je lui montrais les petites photographies de la Vierge-Mère que j'avais peintes pour la fête de Notre Mère. Elle mit les mains sur les miniatures étalées devant ses yeux, et, écartant les doigts, fit en sorte de toucher toutes les petites têtes de l'Enfant Jésus. Alors elle me dit :

Je les tiens tous sous ma domination.

Le 22 juin

Elle était au jardin, dans la voiture. Lorsque je vins à elle dans l'après-midi elle me dit :

Comme je comprends bien la parole de Notre Seigneur à N.M. Ste Thérèse : «Sais-tu, ma fille, ceux qui m'aiment véritablement? Ce sont ceux qui reconnaissent que tout ce qui ne se rapporte pas à moi n'est que mensonge.»

O ma petite Mère, comme je sens que c'est vrai ! Oui, tout en dehors du bon Dieu, tout est vanité.

Le 23 juin

Je lui disais : Hélas ! je n'aurai rien à donner au bon Dieu, à ma mort, j'ai les mains vides ! Cela m'attriste beaucoup.

Eh bien ! vous êtes comme «bébé» (elle se donnait ce nom quelquefois) qui se trouve pourtant dans les mêmes conditions... Quand même j'aurais accompli toutes les oeuvres de St Paul, je me croirais encore «serviteur inutile» mais c'est justement ce qui fait ma joie, car n'ayant rien, je recevrai tout du bon Dieu.

Le 25 juin

1

Fête du Sacré-Coeur.

On l'avait installée à la bibliothèque, à cause du soleil qui donnait dans sa cellule. Pendant le sermon, elle avait pris un livre de la Propagation de la Foi. Elle me montra ensuite un passage où il est parlé de l'apparition d'une belle Dame, vêtue de blanc, auprès d'un enfant baptisé, et elle me dit :

Plus tard, j'irai comme cela autour des petits enfants baptisés...

2

Pendant le sermon, j'ai fait l'école buissonnière, je sentais que c'était fête. Tous les jours, je ne me permettrais pas cela. Je considère mon cahier (sa vie) comme mon petit devoir.

Le 26 juin

Hier, grand mal de côté ! puis... fini ce matin ! Ah ! quand est-ce que je m'en irai avec le bon Dieu ! Que je voudrais bien m'en aller au Ciel !

Le 27 juin

Quand je serai au Ciel, je dirai tant de belles choses de ma petite Mère à tous les saints, qu'ils auront grande envie de la prendre. Je serai toujours avec ma petite Mère ; je demanderai aux saints de venir avec moi dans les vilaines caves pour la protéger, et, s'ils ne veulent pas, eh bien, j'irai toute seule.

Cela se rapporte à une petite aventure qui m'était arrivée ce jour-là dans la cave de la sacristie.

Le 29 juin

1

... Voilà ce qui c'est passé : Comme j'étais pour mourir, les petits anges ont fait toutes sortes de beaux préparatifs pour me recevoir ; mais ils se sont fatigués et endormis. Hélas ! les petits enfants, ça dort longtemps ! on ne sait pas quand ils se réveilleront...

(Elle nous racontait souvent de petites histoires de ce genre pour nous distraire de ses souffrances d'âme et de corps.)

2

Que je serai malheureuse au Ciel, si je ne puis faire de petits plaisirs sur la terre à ceux que j'aime !

3

Le soir elle sentait davantage son épreuve d'âme et certaines réflexions lui avaient fait de la peine. Elle me dit :

Mon âme est exilée, le Ciel est fermé pour moi et du côté de la terre, c'est l'épreuve aussi.
... Je vois bien qu'on ne me croit pas malade, mais c'est le bon Dieu qui permet cela.

4

Je serai contente au Ciel si vous composez pour moi de jolis vers ; il me semble que cela doit faire plaisir aux saints.

Le 30 juin

1

Je lui parlais de certains saints qui ont mené une vie extraordinaire, comme St Siméon stylite. Elle me dit :

Moi, j'aime mieux les saints qui n'ont peur de rien, comme Ste Cécile qui se laisse marier et qui ne craint pas...

2

Mon oncle l'avait demandée au parloir avec nous et, comme d'habitude elle n'avait presque rien dit.

Comme j'étais intimidée au parloir avec mon oncle ! En revenant, j'ai beaucoup grondé une novice, je ne me reconnaissais pas. Quels contrastes il y a dans mon caractère ! Ma timidité vient d'une gêne extrême que j'éprouve quand on s'occupe de moi.

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