Carmel
Soeur Marie du Sacré Coeur (Marie) à Soeur Françoise-Thérèse (Léonie) - 25 décembre 1939

DE  
MARTIN Marie, Soeur Marie du Sacré-Coeur
À 
MARTIN Léonie, Soeur Françoise-Thérèse

25/12/1939

J + M
Carmel de Lisieux 25 décembre 1939
Pax Christi
Ma petite soeur chérie
Bonne et sainte fête de Noël. J'ai bien prié pour toi cette nuit le divin Enfant Jésus car nous avons eu heureusement la Messe de Minuit, bien qu'il était décidé qu'elle serait supprimée cette année par prudence ! Dans quel triste temps nous vivons ! Il faut pourtant se réjouir parce que le bon Dieu se sert de tout pour sauver les âmes. Beaucoup reviennent à Lui, nous recevons des lettres touchantes des pauvres soldats qui sont à la guerre et comprennent enfin que toutes nos calamités sont le fruit de l'oubli de Dieu. Hâtons le triomphe final par nos prières et nos sacrifices et abandonnons-nous avec confiance à Celui qui ne nous abandonne jamais. Je viens pour ma part d'en avoir une preuve bien sensible. J'avais pour infirmière une petite soeur du voile blanc d'un dévouement sans bornes. A la fin de novembre elle a eu une telle crise dans les entrailles qu'il a fallu immédiatement l'opérer. On l'a transportée à la clinique de la Providence où elle est encore et j'ai bien cru ne jamais la revoir. J'ai été bien triste pendant quelques jours, enfin je me suis dit si le bon Dieu veut cette épreuve il faut que je fasse de bon coeur sa volonté. Alors je me suis résignée pleinement à voir mourir cette petite soeur que j'aime tant. Mais il s'est contenté de mon sacrifice, l'opération a très bien réussie et vers le 6 Janvier on espère la revoir parmi nous. En attendant j'ai une autre soeur du voile blanc, bien dévouée aussi. Oh ! comme nous avons le centuple !
Et toi, ma petite soeur, que deviens-tu ? Tes infirmités ont-elles diminué ou augmenté. Moi je suis toujours de même, je tâche de faire argent de tout pour payer la place au Ciel de tant de pauvres créatures qui ne pensent qu'à avoir de bonnes places sur la terre ! Et encore je n'arriverai pas à payer leur place ni la mienne si Jésus ne mettait dans la balance tous ses mérites.
Bonne et heureuse année, ma petite soeur. Passons-la dans l'action de grâces et la reconnaissance pour tous les bienfaits dont nous avons été comblées. Je prie pour ta si bonne Mère qui t'entoure de tant d'affection.
Ta pauvre aînée
Sr M. du Sacré Coeur
c.d.i.

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