J + M Carmel de Lisieux 20 Novembre 1938 Pax Christi Ma petite soeur chérie, A l'instant je relisais ta lettre du 13 Octobre dans laquelle tu parles de tes résolutions de retraite et de ta trop grande sensibilité dans les rapports mutuels. Oui, il faut essayer de vaincre cette trop grande sensibilité non seulement pour notre propre bonheur mais pour celui des autres. C'est si beau de s'oublier toujours. Comme tu le dis, il n'y a qu'à jeter un regard d'amour sur notre Seigneur et Il viendra à notre secours. Tu as horreur dis-tu de l'assujettissement. Mais c'est pour cela que la vie religieuse est si méritoire. Chacun aime sa liberté elle est pourtant la source de bien des maux et nous ne remercierons jamais le bon Dieu de nous avoir appelées à son service, à la vraie liberté des enfants de Dieu. Au Ciel seulement nous comprendrons à quel point nous avons été privilégiées. Si maintenant les sacrifices nous coûtent, la récompense sera si belle Aujourd'hui nous avons eu la visite du R.P. Général des Carmes, il était accompagné de trois autres religieux Carmes avec leurs pieds nus par ce temps froid, j'admirais leur mortification et leur humilité. Lundi 21 - Nous venons de renouveler nos voeux devant le St sacrement exposé à l'oratoire. Quelle pieuse et touchante cérémonie. Nous sommes véritablement comblées de grâces. Que rendrons-nous au Seigneur pour tous les biens que nous avons reçus de Lui ? Rendons-lui amour pour amour, en lui offrant avec générosité tous les sacrifices qu'il nous demande. Je te quitte, chère petite soeur, car j'ai toujours beaucoup de peine à écrire, j'ai les doigts enflés, enfin je deviens de plus en plus infirme et je sens qu'il faut m'abandonner complètement à la volonté du bon Dieu sans penser au lendemain, si je ne veux pas me décourager. - Je t'embrasse tendrement, ma petite soeur chérie, soyons dans la joie malgré tout car il faut bien acheter un peu ce beau ciel qui nous attend. Ton aînée Sr Marie du S. Coeur c.d.i.
