Carmel
Sr Geneviève (Céline) à Sr Françoise Thérèse – 4 février 1940

DE  
MARTIN Céline, Soeur Geneviève de la Sainte Face
À 
MARTIN Léonie, Soeur Françoise-Thérèse

04/02/1940

Sr Geneviève de la Ste Face à sa soeur Françoise Thérèse
J. + M.
P.C.                                                                                                          Carmel de Lisieux
le 4 février 1940

Ma bien chère petite Soeur,

Hier nous avons reçu les lettres de la Visitation, celle de ta si bonne Mère et la tienne avec celle de Sr. Marguerite-Agnès. Je suis bien contente que tu aies reçu tout mes courriers car j' avais fait en sorte de te tenir très au courant, ne laissant échapper aucun détail sur l'épreuve douloureuse qui nous atteignait toutes les 3 si profondément.
Maintenant, je n'ai plus rien à te dire si ce n'est qu'il faut s'efforcer de porter notre croix avec courage pour faire plaisir à Jésus et lui sauver des âmes. Cette occasion est bonne, il y avait longtemps que nous n'en avions eu une pareille, aussi il faut faire attention de ne pas en perdre un iota. Je ne te dirais pas que mon âme plane dans les hauteurs où notre Marie s'est élevée ; non, elle est sous le pressoir, mon pauvre coeur est meurtri profondément....
Pourtant il y a quelque chose en moi qui se réjouit de la voir délivrée des maux de ce monde. Je suis contente de voir ses fauteuils vides plutôt que de l'y voir immobilisée dans la souffrance, mais je ne croyais pas que je souffrirais autant... Tant mieux que l'amertume me soit laissée et que cette séparation exprime tout le baume qu'elle contient ; à tant faire que de l'avoir à supporter, mieux vaut qu'elle produise tout son fruit.
Notre Mère est bien forte : elle s'occupe encore de répondre aux lettres de condoléances et prépare sa circulaire qui ne sera pas imprimée avant Pâques.
A propos de circulaire elle ne pourra pas faire allusion au rôle de notre chère Marie à ton endroit. Ces affaires-là sont des détails intimes qui ne doivent pas sortir du cercle de la famille. Te dirai-je, ma Léonie, que je t'envie ! Cette page de ta vie est sublime et pour la juger ainsi, je ne veux point accuser les personnes : les martyrs n'avaient aucune rancoeur contre leurs bourreaux, ils savaient bien que les supplices qu'ils subissaient venaient de la rage de Satan contre les chrétiens. Toi, ma Léonie, tu as été victime aussi de la rage du démon contre notre famille. Sans doute voyait-il autour d'elle et de nos saints parents un mouvement d'anges indiquant une protection particulière du ciel. Alors, il a demandé à Dieu, comme autrefois pour le St homme Job de l'éprouver dans l'un de ses membres
/suivent 9 lignes raturées illisibles/
Mais console-toi, ta part est belle. Tu as souffert par avance pour notre Thérèse, que le démon prévoyait... D'ailleurs, ne l'a-t-il pas aussi tourmentée pendant sa maladie étrange à l'âge de 10 ans ? Oui, ma Léonie, tu as beaucoup travaillé pour la cause de Dieu, plus que nous qui avons vécu dans le labeur, parce que tu as souffert dans ta propre personne et tu brilleras au ciel d'un éclat incomparable... Et maintenant au revoir avant le Carême.
Je t'embrasse de tout mon coeur.
Ta petite soeur Geneviève de la Ste-Face c.d.i.
Mon affectueux et respectueux souvenir à ta bonne Mère.

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