Carmel
Sr Geneviève (Céline) à Sr Françoise-Thérèse - 26 janvier 1936

DE  
MARTIN Céline, Soeur Geneviève de la Sainte Face
À 
MARTIN Léonie, Soeur Françoise-Thérèse

26/01/1936

Sr Geneviève de la Ste Face à sa soeur Françoise Thérèse
J. M.
Pax Christi                                                                                          Carmel de Lisieux
le 26 Janvier 1936
Ma chère petite Léonie, ou plutôt ma chère petite Françoise Thérèse
Je viens te souhaiter une bonne fête. Que le doux St François de Sales reporte sur toi le patronage qu'il avait sur notre petite Thérèse et dont il s'est si bien acquitté ! Prie-le un peu pour ta pauvre petite Céline, car elle aurait grand besoin de son secours, il est si difficile d'être doux et patient toujours...
Ma lettre d'aujourd'hui est peut être mon adieu d'avant le Carême, car je ne sais comment je pourrais faire pour écrire avant le mercredi des Cendres. Je pars en grande retraite le mercredi 12 février pour sortir le matin du 24 (le lundi gras) car, en ce jour, il y aura 40 ans que j'ai fait ma Profession et on veut me fêter un peu, très peu (Non, il n'y aura rien du tout et je serai en retraite ce 24, ce qui me fait beaucoup plus de plaisir. Tu prieras pour moi...) Si on avait vraiment fêté Sr Marie du Sacré Coeur c'est parce qu'on n'espérait pas qu'elle ferait sa Cinquantaine. Mais, ici, ce n'est pas l'usage de fêter les 40 ans, bien que ce soit "Noces de Vermeil". Alors, je n'aurais plus que le mardi gras pour t'écrire et j'ai peur d'être bien prise. Figure-toi que plusieurs amis de notre sainte ont calculé cela et d'Allemagne même, on veut me fêter ! On va répondre que je ne désire rien, en effet, ce sont les prières et la "paix" qui me font le plus de plaisir.
En attendant, le 11 février, nous fêterons pour de bon, les "Noces d'Argent" de Mère Sous- Prieure, tu vois que nous ne chômons pas.
La fête de notre Mère a été belle et touchante. J'offrais les bijoux de notre Thérèse arrangés dans un reliquaire pour les Buissonnets. Et aussi le livre des Évangiles qu'elle portait sur son coeur et sur lequel elle avait écrit le Credo avec son sang, pendant sa grande épreuve. Celui-ci est presque effacé. J'ai fait faire un triptyque, les petites portes le préserveront, cet objet est lourd et encombrant, l'autre aussi.
Chère petite soeur, je te parle de fête et toi tu es dans le deuil. Si tu savais comme la perte d'une de tes chères Mères de Boulogne a eu de répercussion dans nos coeurs.....et comme nous pensons à vous toutes, à toi... qu'elle est heureuse d'avoir quitté la terre, oh ! comme je désire ce jour bienheureux qui semble fuir à mes voeux ardents ! Je crois que cette attente prolongée doit être bien méritoire et grandement glorifier le bon Dieu, car il n'est pas habitué à être ainsi désiré : tant d'êtres resserrent les vis qui les retiennent à la terre et les visitent sans cesse pour les maintenir en bon état. Etrange inconséquence, nous le faisons aussi quand nous sommes malades ou quand nous craignons de l'être. La vérité, c'est que nous voudrions bien nous en aller, mais sans souffrir.
Au revoir, ma petite soeur chérie, Bonne bonne fête !!! Je t'embrasse de tout mon coeur et si tu savais comme c'est fort ! Ta petite Céline,
Sr Geneviève de la Ste Face
r.c.i.

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