Carmel
Sr Geneviève (Céline) à Sr Françoise Thérèse – 20 juin 1940

DE  
MARTIN Céline, Soeur Geneviève de la Sainte Face
À 
MARTIN Léonie, Soeur Françoise-Thérèse

20/06/1940

Sr Geneviève de la Ste Face à sa soeur Françoise Thérèse
J. + M.
P.C.                                                                                                                               Carmel de Lisieux
                                                                                                                                         le 20 Juin 1940
 
Ma Léonie mille fois chérie,
 
Cette lettre te parviendra-t-elle pour ta fête du 2 Juillet ? Je m'étais réjouie de t'écrire à cette occasion unique de tes 40 ans de Profession. Hélas ! en ce moment, tout est aux larmes et à l'épreuve. Que deviens-tu ? Pour nous, nous sommes toujours ici et n'avons pas envie d'en sortir. Plusieurs soeurs voulaient partir, mais notre Mère et moi étions bien résolues à rester garder notre Thérèse dans sa Châsse et nos Reliques précieuses. Finalement, elles n'ont pas voulu partir sans notre Mère et comme l'autorité militaire n'a pas parlé, tout le monde est resté. Maintenant, elles s'en félicitent.
Les Allemands sont à Lisieux, très corrects, plusieurs viennent prier à la châsse et se font photographier près de la Basilique pour envoyer à leurs femmes. Nous nous sommes laissé dire qu'un Aviateur aurait dit à un commerçant de la ville, chez qui il était allé acheter quelque chose, qu'ils avaient reçu l'ordre de ne pas bombarder Lisieux... En effet, ils ont attendu qu'un convoi militaire soit rendu à Beuvilliers pour lancer leurs bombes sur la route dans la campagne. Notre Mère va chercher à éclaircir l'affaire car ce serait vraiment providentiel, une vraie intervention de notre sainte.
Ah ! Petite soeur, faut-il que la France se soit attiré une telle punition, elle, la fille aînée de l'Eglise ! Mais, elle avait besoin d'être humiliée et cette humiliation lui est une grâce plus grande que la victoire qui l'aurait grisée. J'aime à penser, au milieu de tous ces cataclysmes, que tout tournera à son plus grand bien, que c'est une chose certaine. Et c'est justement à cause de ses élites qu'elle a mérité le regard divin, sa protection, qui se traduit en ce moment par l'épreuve qui lui sera une sauvegarde, un retour à l'ordre et au bien. "Les jugements du Seigneur sont plus doux que le miel, que du miel de rayon" (Ps) et c'est bien vrai. Même au sein de l'affliction on sent que son Coeur veille et qu'il est avec nous...
J'avais interrompu ma lettre ici. Je la reprends en te disant que le 2 Juillet notre Saint Père te bénira... Notre Mère m'avait fait demander cette faveur au Frère lointain, tu aurais reçu un télégramme, mais il n'y faut pas compter à présent.
Ce qui n'empêche nullement la bénédiction Papale de venir inonder de grâces l'âme de notre Léonie si aimée.
En ce moment le jardin est beau comme jamais, c'est un luxe de fleurs. Il fait un temps de Paradis. Ce n'est pas la faute du bon Dieu si notre pauvre coeur meurtri n'en jouit pas... Les bluets de la Visitation sont magnifiques. Il faut que j'aie attendue 71 ans pour les connaître, moi qui aime tant les bluets ! Merci ma Léonie.
Ta petite soeur t'embrasse avec une affection sans pareille.
Sr. Geneviève de la Sainte-Face.
c.d.i.
Mon affectueux souvenir à ta bonne Mère.
 
P.S. de Mère Agnès de Jésus
"Céline" n'avait pas vu Monseigneur quand elle t'a écrit.

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