Carmel
Sr Geneviève (Céline) à Sr Françoise-Thérèse - 16 avril 1938

DE  
MARTIN Céline, Soeur Geneviève de la Sainte Face
À 
MARTIN Léonie, Soeur Françoise-Thérèse

16/04/1938

Sr Geneviève de la Ste Face à sa soeur Françoise Thérèse
J. + M.
P.C.                                                                                                       Carmel de Lisieux
le 16 Avril 1938
Ma petite soeur chérie,
Les licences de Pâques sont ouvertes et j'accours vers toi pour te souhaiter abondance de grâces en cette glorieuse fête, en ces jours bénis tout pleins d'allégresse.
L'épreuve a cependant élu domicile chez nous. Tu sais, sans doute, que nous avons eu la grippe un peu avant le Carême et que celui-ci a dû être adouci, mais on aurait été moins fatiguées (sic) de le faire tout entier dans son austérité, en bonne santé. Enfin, le voilà achevé, il n'y a plus que cette nuit qui est un peu dure à passer pour la nature, car pour l'âme elle est remplie de douces émotions.
Il en est toujours ainsi sur la terre où nous traînons notre misérable corps qui se fait lourd avec la vieillesse. Le 28, j'aurai 69 ans, je verrai mon jour de naissance pour la 70ème fois puisque je suis née à 6 h. du matin, cela commence à compter ! Et puis je rapetisse sous tous rapports, le corps a été jaloux de l'âme et il la suit. Maintenant, je ne suis pas plus grande que notre Mère. Je me tasse, je me tasse. Je suis obligée d'avoir des escabeaux pour attraper des affaires que j'avais fait arranger pour moi. C'est fort incommode, mais sans doute si méritoire.
Notre aînée est toujours sur son éternel fauteuil, sans bouger, les mains seules sont demi-libres, car elles sont toutes déformées. Cependant, elle travaille sans lever les yeux elle arrange de petites reliques dans de petits cadres, cela l'intéresse et lui fait passer le temps. Elle est bien édifiante... Tantôt elle disait avec un soupir mais si résigné : "dire que je ne puis pas marcher, je ne puis me lever de là ni faire un seul pas !" Comme ce doit lui être pénible en effet, elle qui ne tenait pas en place, qui était toujours au jardin et jamais là où l'on croyait la trouver.
Mais le bon Dieu le sait bien et notre petite Thérèse aussi, c'est cela qui me console et me donne du courage dans les épreuves de la vie. Ce que nous nous efforçons de faire toujours c'est de bénir le bon Dieu et de ne jamais nous plaindre quoi qu'il arrive. On prend bien garde de ne lui faire de reproche en rien.
Une autre grande épreuve est qu'une de nos jeunes soeurs un Ange de douceur et de bonté a depuis quelques jours, une hernie étranglée. Elle la porte paraît-il, depuis l'âge de 19 ans où elle était tombée à Paris dans un escalier du métro. Elle l'avait sans le savoir. Le Docteur a pu obvier à un accident, mais elle ne s'en tirera peut être pas sans une opération. En ce moment elle est couchée sans faire un mouvement, elle qui était un pilier de Règle et si utile dans les emplois. Nous sommes si peu nombreuses et presque toutes sont patraques pour ne pas dire toutes. Mais le bon Dieu est avec nous, il ne nous abandonnera pas et notre petit Carmel verra encore des jours prospères.
Ma Léonie, je pense t'intéresser en te disant tout cela. Je t'aime, tu sais et j'espère au jour où nous serons toutes les quatre réunies à notre Thérèse, à nos petits Anges, à nos parents chéris! Au jour où nous verrons la Ste Vierge et notre doux Jésus. Cela viendra bientôt. Je t'embrasse de tout mon coeur. Ta petite soeur
Sr Geneviève de la Ste Face
c.d.i.
J'ai bien pensé à ma Léonie le 11 avril

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