Carmel
Sr Marie du Sacré-Coeur (Marie) à Mère Agnès de Jésus (Pauline) - 24 octobre 1939

DE  
MARTIN Marie, Soeur Marie du Sacré-Coeur
À 
MARTIN Pauline, Mère Agnès de Jésus

24/10/1939

24 Oct. 39
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Ma petite Mère chérie,
Il y a 16 ans, quand j'ai été si malade que le pauvre Père Guesdon est venu à pied de Paris pour faire un pèlerinage à notre petite sainte afin d'obtenir ma guérison car on croyait que j'allais mourir. Mais je me disais : « Je n'ai jamais beaucoup souffert physiquement, c'est impossible que je meure sans avoir souffert, ce n'est pas l'heure. » Je ne me trompais pas, mais le bon Dieu m'a prise par le côté le plus sensible. Jamais je n'aurais cru rester dans l'état où je suis : être complètement arrêtée, jusqu'à ne pouvoir faire un pas, ni un mouvement dans mon lit. Il ne faut pas que j'approfondisse tout cela, car quelquefois je me trouve dans une telle détresse que je n'ose pas y penser. Et pourtant, combien peu sont entourés comme moi de dévouement et d'affection. J'en suis souvent bien émue sans le comprendre, je le mérite si peu ! Mais je sens bien que le bon Dieu a compassion de ma faiblesse. Je me dis quelquefois : où est le temps de ma liberté où enfilant de gros sabots, je m'en allais au jardin avec ma pelle et mon rateau ? J'ai défriché ainsi toute la plate-bande des pervenches près du pré, où il ne poussait que du chiendent. C'était difficile à détruire et le jardinier y avait renoncé. Le jardin et la provisoirerie c'était là tout mon travail de rien. Qu'ai-je donc fait au Carmel ? Rien ! Il était grand temps que le bon Dieu me donne un travail plus lucratif : celui que je fais dans ma vieillesse et qui consiste seulement à souffrir un peu pour sauver des âmes. Le Seigneur est trop bon de m'avoir choisi tout ce qu'il y a de plus opposé à mes goûts et je le remercie de tout mon coeur. C'est Lui qui sait ce qu'Il veut de moi et je me fie complètement à Lui. Voilà, ma petite Mère chérie, ce que vous m'avez demandé de vous écrire. Le bon Dieu tout seul peut donner des détails sur notre vie, parce que Lui seul sait ce qu'Il fait en chacun de nous. Nous l’ignorons nous-mêmes.
Je vais vous dire encore, ma petite Mère, quelque chose qui m'a consolée. Un soir j'étais très triste voyant le mal qu'on avait à me coucher. Un jour, Sr Louise de Jésus me dit : « Prenez courage, vous n'allez pas seule au Ciel. » Je désirais qu'elle me répète les mêmes paroles. Au même moment comme si elle répondait à ma pensée elle me dit : « Vous n'allez pas seule au Ciel ...»
J'ai pensé que c'était mon Jésus qui l'inspirait Lui à qui j'ai dit si souvent : « Jésus, mon tendre Epoux, hâtez-vous de me secourir ! »
Votre Marie qui ne voit rien de comparable à sa petite Mère.

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