Carmel
Sr Marie du Sacré Coeur à Mère Agnès de Jésus - 21 janvier 1936

DE  
MARTIN Marie, Soeur Marie du Sacré-Coeur
À 
MARTIN Pauline, Mère Agnès de Jésus

21/01/1936

+ Jésus
Ma petite Mère chérie,
Vous m'avez demandé de vous écrire plusieurs petites chose que je vous ai dites, je le fais pour votre fête.
Je sais que lorsque j'entrerai au Ciel, je m'écrirai dans un transport de reconnaissance, en voyant ce que m'a valu mon épreuve : « Merci, mon Dieu, de n'avoir pas écouté mes gémissements lorsque je vous suppliais de venir à mon secours. » Mais, puisque je sais cela, je voudrais avoir une confiance audacieuse et je ne sens pas cette confiance. Vous m'avez dit, ma petite Mère, que mon désir suffisait et cela m'a fait tant de bien ! Vous avez toujours des paroles de consolation, comme si vous jouissiez au milieu des épreuves de la vie de la vue de Dieu. Quelquefois, c'est comme si j'en jouissais aussi ; je me surprends à dire : « O mon Dieu, que vous êtes bon de m'avoir gratifiée de cette croix qui me paraît par moments si lourde que je suis comme désespérée de n'en pas voir la fin et désespérée, me demandant comment en sera la fin. Elle est pourtant si petite en réalité. Aussi tous les matins je dis : Mon Jésus, je vous offre ma petite épreuve en union avec ce que vous avez souffert pour nous, selon vos désirs et ceux de la Ste Vierge. Ainsi je suis sûre qu'elle acquiert quelque valeur pour le salut des âmes. Autrement que sont nos maux, pauvres petites créatures que nous sommes ? Rien du tout. C'est à ne pas y faire plus d'attention qu'aux maux d'une fourmi. Mais notre Dieu a voulu lui-même nous ressembler et se faire si misérable pour notre amour que le prophète a pu dire de Lui : « Il était sans éclat, sans beauté, son visage était comme caché et nous ne l'avons pas reconnu. »
Ma petite Mère, quand la fourmi n'en peut plus, elle dit intérieurement « O mon Dieu, venez à mon aide, hâtez-vous de me secourir. » Elle le répète combien de fois par jour ! Il n'y a que cela qui lui donne la force de poursuivre son petit chemin de fourmi. Une fourmi ne peut pas concevoir beaucoup de choses dans sa petite tête, c'est pourquoi elle ne donne pas beaucoup d'explications sur les intentions pour lesquelles elle offre ceci ou cela ; elle demande à Jésus d'arranger tout selon ce qu'Il désire, Lui seul sait ce qui est le plus pressé à secourir sur cette terre de cataclysmes. C'est une si triste terre que je voudrais la quitter pour ne plus voir ce qui s'y passe ; et, d'un autre côté, je pense que c'est de la lâcheté de désirer aller au Ciel pour être dans la paix.
N'est-ce pas glorifier le bon Dieu de souffrir pour Lui ? Quelquefois je suis si indignée de ce que j'entends, par exemple qu'on enlève les crucifix dans les hôpitaux ou si on l'a laissé sur une statue de notre petite Thérèse c'est parce qu'ils ne l'ont pas aperçu ! Mais, au lieu de m'indigner, croyant peut-être par là prouver quelque amour au bon Dieu, je me suis dit : c'est le cas d'offrir mon impuissance, de l'accepter sans pleurer comme cela m'arrive quelquefois, ainsi la petite fourmi fera beaucoup plus qu'en exaltant en vain son petit esprit.
Ma petite Mère chérie, que Celui qui est tout-puissant transforme en colombe la pauvre fourmi et la fasse reposer sur son coeur, car Il l'aime en vérité, comme si elle était seule l'objet de son amour. Et pour chacune de ses créatures il en est ainsi, c'est pourquoi Il nous dit qu'il y a plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre vingt dix neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence. Il ne pense plus à ses crimes, s'il se repent. Quel inconcevable amour d'un Dieu si parfait ! Enfin Il est infini dans sa miséricorde comme dans sa sainteté.
Petite Maman chérie, que d'âmes vous avez jetées dans l'abîme de sa miséricorde ! Qu'est-ce qui vous attend là-haut ?... Vous pouvez bien dire avec celle pour qui vous travaillez sans vous lasser jamais : « Et après... » Oui, après cette vie que verrons-nous ?
Votre Marie toujours dans la nuit de la foi, mais éclairée quand même par une céleste Etoile qui s'appelle : sa Petite Mère !
Sr Marie du Sacré Coeur
r.c.i.
21 Janvier 1936

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