Carmel
Sr Marie de l’Eucharistie à sa mère – 21 août 1898

DE  
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie
À 
GUÉRIN Céline née FOURNET

21/08/1898

Marie Guérin à sa Mère                                                          21 Août 98
                                                   J.M.J.T.
+ Jésus !
                                       Ma chère petite Mère,
   Je te remercie de ta bonne lettre et du joli petit mot de Papa. Ce pauvre petit Père me voit avec des yeux tout paternels, s'il connaissait bien toutes mes infidélités, il n'en dirait pas autant. Je désirerais bien avoir la rayonnante beauté qu'il aperçoit en moi, il est certain que par l'insigne honneur que j'ai d'être l'Epouse du bon Dieu, mon âme reflète cette beauté, mais combien de petits grains de poussière ne viennent-ils pas en ternir la pureté. Enfin, le bon Dieu est Père, et il juge en père miséricordieux et plein d'amour. Il est, de plus, Epoux tendre et compatissant, que peut-on donc craindre. On se figure le bon Dieu sans pitié, sans coeur, mais j'aime beaucoup à penser et à le juger d'après mes chers Parents. Si un père, si une mère ont un coeur si tendre, si bon, si miséricordieux, c'est le bon Dieu qui a déposé cet amour, cette bonté dans leur coeur, c'est une émanation de la sienne, ce n'en est qu'une petite partie, qu'est-ce donc, et que doit-on craindre de l'Amour infini. Si bien des personnes jugeaient le bon Dieu comme cela, elles jugeraient vrai, et seraient remplies de confiance à son égard ; mais non, elles aiment mieux contempler sa justice et trembler de frayeur.
   Oui, ma chère petite Mère, vous êtes tous les deux une image fidèle du bon Dieu, c'est vous qui m'aidez à m'élever vers Lui, et qui m'inspirez la confiance envers Lui. Toutes vos actions, vos pensées, vos sentiments pour votre petite fille sont autant d'échelons qui lui servent à connaître et à comprendre la bonté paternelle du bon Dieu. Vous êtes comme un livre ouvert où je lis l'Amour de Jésus pour ses créatures.
   Je te remercie bien, ma chère petite Mère, des bons cantaloups envoyés, je suppose à l'occasion de la fête de Jeanne. Ils étaient exquis. Sr M. du S.C. me prie de te dire que deux, quand ils sont aussi beaux que les derniers suffisent largement, quand il y en a trois, ils nous font deux repas, c'est de l'argent perdu. Quand Aimée apporte de bonnes choses de ta part, je voudrais bien qu'elle dise de la part de qui, ou l'écrive sur un bout de papier, bien souvent, je ne sais pas qui m'envoie ces gâteries, et je ne sais qui remercier. Ainsi pour ma fête, j'ai été très embarrassée, je ne savais si Bonne Maman me donnait q.q. chose, j'ai remercié en général.
   Quand tu écriras à ma petite Jeanne, veux-tu lui dire tous mes souhaits et voeux, c'est une grande privation de ne pouvoir le faire moi-même, mais c'est un sacrifice imposé par la règle, et il y en a de bien coûteux. Tu peux lui dire de ma part que c'est un des plus grands pour moi. Ah ! cela, je le dis du fond du coeur !
   Demain, je prends mes 28 ans ! Je deviens vraiment bien vieille, cela m'en fait à moitié peur, je ne puis croire à mon âge, surtout la raison et la sagesse le suivant en retardataire. Ici on ne me donne pas plus de 12 ou 15 ans. Mais c'est cela qu'on aime, ce sont les petits enfants. Si q.q.f. tu avais l'intention de me donner q.q. chose à cette occasion ce serait un paquet de bougies longues, des 16. Seulement celui acheté pr ma Sr Genev. n'était pas ce qu'il fallait. C'était des bougies très courtes et très grosses, c'est l'opposé qu'il faut, très longues et de la largeur du petit doigt. C'est chez Plantefon qu'on les trouve.
   Merci à l'avance, ma chère petite Mère. Je pense au double anniversaire de demain, il y aura dix ans que Mr Auguste est mort, car c'était le jour de mes dix-huit ans. Adieu, ma chère petite Mère, embrasse bien fort Papa et ma petite Léonie pour moi.
Ta petite fille chérie
       Marie de l'Eucharistie.                  
                           r.c.i.  
Merci pour les petites tablettes de chocolat, elles sont exquises.
Si tu pouvais me rapporter de la mousse, j'en serais bien contente, ainsi que des herbes sèches, comme tu en as l'habitude.
   Notre bonne Mère me charge de tous ses sentiments affectueux.

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