Marie Guérin à sa Mère + Jésus ! J.M.J.T. 19 Nov. 98 Ma petite Mère bien chérie, Grande fête aujourd'hui au Ciel et sur la terre : au Ciel, deux petits Anges intercèdent pour une mère chérie, ils savent qu'en ce jour, rien ne va leur être refusé, aussi vont-ils faire pleuvoir sur la terre des torrents de grâces. et sur la terre quatre petites Carmélites dont le coeur déborde d'amour filial font retentir les airs des actions de grâces les plus vives, les plus amoureuses. Lorsqu'on possède une telle mère comme celle que nous chérissons, notre vie doit être un acte de louange perpétuel. Mais je m'aperçois au milieu de ma dissertation que j'oublie la chose principale, celle d'offrir mes voeux. Ah ! ma chère petite Mère, les paroles de la terre peuvent-elles redire ce qui se passe à l'intérieur de l'âme. Non certes, et j'en ai la preuve bien souvent. Aussi lorsque mon petit coeur veut déborder, il est triste, très triste, parce qu'il ne peut rendre ce qu'il ressent, du reste, plus les sentiments qu'il veut dire sont profonds, moins ils trouvent d'expressions, c'est âme à âme, coeur à coeur que cela se comprend. Et c'est ce qui arrive aujourd'hui, n'est-ce pas, ma chère petite Mère, tu comprends les bégaiements de ton enfant comme lorsque toute petite, je bégayais sur tes genoux, tu comprenais mon langage, eh ! bien maintenant c'est à ton coeur que je parle et tu devines les moindres battements du mien. Il ne faut pas grand-chose pour émouvoir mon coeur, une seule parole suffit. Celle d'aujourd'hui plonge mon âme dans une telle profondeur que je suis forcée d'en éloigner de temps en temps ma pensée. Il est des sentiments si profonds que le coeur ne peut les contenir, et qu'il semble que s'il continuait sa rêverie, il éclaterait, étant trop faible, trop petit, pour renfermer q.q. chose de si grand. Cette parole qui me ravit tant l'âme est celle-ci : la fête d'une Mère ! Qui dira ce que pour moi ces quatre mots renferment. Mais je me tais, mon coeur s'emballerait et ne saurait le redire. Ah ! ma petite Mère, que je t'aime ! comprends-tu cela. Oui , sans doute, plus je vais, plus je t'aime ! Je me demande jusqu'où cela ira. Tu me demandes souvent comment il faut faire pour imiter la petite Thérèse dans sa vie d'amour, eh ! bien, écoute mon petit secret, il ne faut pas le divulguer : Un jour, je me plaignais à ma petite Thérèse qu'elle semblait m'abandonner, je la priais de me prendre de nouveau par la main et de me faire marcher dans la voie du pur amour, mais je lui disais qu'il était impossible que mon amour devînt aussi fort que le sien. Le lendemain à l'oraison, je ne me souvenais plus de ma prière de la veille, tout en pensant à l'amour ardent de ma petite Soeur du Ciel , et tout d'un coup je pensai que toute âme a dans son coeur une étincelle de l'Amour qu'elle possédait, qu'elle-même n'avait eu aussi pour commencer que cette même petite étincelle d'amour, mais qu'elle avait su la faire fructifier, la raviver, et qu'ainsi elle était devenue un immense brasier. Ah ! me suis-je dit, j'ai trouvé mon affaire. J'ai comme elle, en mon coeur, une étincelle de l'Amour divin, mais à une petite étincelle il faut faire grande attention pour qu'elle ne s'éteigne pas, il faut lui donner de la nourriture, il faut approcher près d'elle de la petite braise bien fine, pour donner de temps en temps des petits coups de soufflet, pas trop violents cependant pour ne pas éteindre tout à fait, puis quand la braise est bien prise, on met du menu bois, ensuite du plus gros et le brasier devient éclatant, mais tout feu quel qu'il soit se conserve sous la cendre. Voilà la petite histoire d'une étincelle . Je me suis donc mise en devoir de trouver tous les ustensiles nécessaires pour alimenter mon étincelle, de la braise, du menu bois, du gros bois, cela représente d'abord les petits sacrifices, tout ce qu'il y a de plus petit souvent même la bonne volonté toute seule : le plus gros bois représente les grosses pièces, les gros sacrifices, mais avant d'en arriver là, il faut du temps et de la patience. On commence donc par des petits riens, si l'on mettait de trop grosses pièces, cela étoufferait la petite étincelle, donc les plus petits sacrifices, les petits riens alimenteront ma petite étincelle d'amour. Maintenant il me faut un soufflet. Qui plus que les actes d'amour les soupirs d'amour peuvent raviver ma petite étincelle, voilà donc mon soufflet : des petits actes d'amour Mon Dieu, je vous aime ! Le lendemain de cette oraison, je demandais au bon Dieu comment il se faisait que, puisque chaque matin, notre coeur était une fournaise d'amour au moment de la communion, comment se faisait-il que le feu s'éteigne petit à petit. Ah ! ce n'est pas étonnant, le feu se conserve sous la cendre, me fit sentir le bon Dieu. Et je me suis mise en quête de trouver de la cendre pour conserver de l'amour et je trouvai bien vite que ma cendre serait figurée par mes petites immolations de chaque jour qui seront consumées par l'amour et dans l'amour. Voilà mon bouquet de fête, ma chère petite Mère, c'est un bouquet tout spirituel, mais je sais qu'il va te faire plaisir. Voilà comment Jésus et la petite Thérèse se plaisent à instruire ta petite fille. Je te quitte bien vite, en te redisant tout mon coeur, mon affection et mes voeux. Ta petite fille Marie de l'Eucharistie r.c.i. Notre bonne Mère me charge de tous ses voeux affectueux et religieux Qui dira ce qu'elle est bonne et comme elle t'aime ! Mes filles me chargent tout particulièrement de leurs voeux tout filials (sic !), me disent-elles. Les fleurs du bouquet ont été réservées à ton intention par une bonne soeur du voile blanc, Sr Vincent de Paul. Merci pour les gâteaux de ce matin, ils étaient exquis. Ma Sr St Stanislas me charge de tous ses bons voeux, elle me dit de te dire que ton souvenir est fortement gravé dans son coeur. Ma Sr Marthe me charge de tous ses voeux et baisers pour sa Maman. Elle fera la communion pour elle demain, ainsi que ma Sr Béatrix de l'Enf. Jésus.
