Carmel
Lettre de Mme Martin à son frère Isidore CF 50 – 8 février 1870.

DE  
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin
À 
GUÉRIN Isidore

08/02/1870

 
Lettre de Mme Martin à son frère Isidore CF 50
8 février 1870.
...Je n'ai pas été surprise d'apprendre la nouvelle que tu m'annonces. J'accepte avec beaucoup de plaisir d'être mar­raine, je suis toute prête à vous rendre de bien plus grands services; mais je crois que tu auras l'embarras de faire ondoyer l'enfant, car probablement, je ne pourrai pas aller à Lisieux à cette époque, parce que, moi aussi, j'attends un bébé pour le courant d'août. Tu ne seras pas parrain de celui‑là, je tâcherai de trouver un petit garçon dans nos connaissances, qui aura cet honneur, et Pauline sera marraine.
Me voilà donc retardée dans mon voyage. De cette manière, je n'irai pas vous voir à Pâques, les petites filles seront bien attrapées, mais elles viendront avec moi au mois de septembre.
La petite Céline pousse comme un champignon; elle n'est jamais malade, a très bon appétit et mange ce qu'on veut lui donner. Quant à Hélène, elle est très délicate et, depuis deux jours, elle a la fièvre, ce qui lui arrive d'ailleurs fréquemment; elle apprend avec beaucoup de facilité et lit couramment.
Les deux aînées du Mans vont très bien. Marie a eu la croix d'Excellence, le ruban d'Application, la croix d'Ordre et le ruban de Travail manuel. Louis ira les voir le mardi‑gras.
La tante religieuse se porte aussi très bien, elle n'a été que quatre jours à l'infirmerie cet hiver. Elle m'a écrit dimanche et m'a parlé de toi, à propos d'un témoignage de reconnaissance que j'ai reçu d'Issoudun, pour la « Petite Œuvre du Sacré‑Coeur . » Elle m'a dit s'être fait de la peine que tu t'en sois retirée, d'autant plus que tu lui avais avoué ne pas avoir beaucoup d'occasions de faire l'aumône, et cependant, il faut faire l'aumône pour aller au Ciel.
Je vois que ta petite fille est toujours bien gentille et bien
avancée, sois sûr que cela continuera et qu'elle sera très intelligente. Le seul inconvénient que j'y trouve, c'est l'orgueil que cela pourrait lui donner; les enfants qui sont les idoles de tout le monde ont, plus que d'autres, ce défaut à combattre, s'il n'est pas réprimé par les parents.
Tu ne me dis pas si tu as toujours la bonne que vous aviez lorsque vous êtes venus à Alençon ?
Je suis fâchée que tu n'aies pas l'Hospice dans ta clientèle, car tu as besoin de gagner, tout est si cher à Lisieux, et les enfants arrivent. Si vous en avez autant que moi, cela exigera beaucoup d'abnégation et le désir d'enrichir le Ciel de nouveaux élus.
J'ai bien reçu le mouchoir de Marie; il est trop beau, ce n'est pas comme cela que je l'entendais; je me suis promis de ne jamais dire ce que je désirais, parce qu'on ne me donne pas ce que je voudrais, c'est toujours moitié plus beau ! C'est comme la robe de la petite Céline, j'en tremble d'avance; on en vend de très jolies, à Alençon, pour 10 ou 12 francs, en piqué et garnies, je suis sûre que c'est le double à Lisieux. Laissez‑moi acheter cette robe à mon idée, ce sera une course de moins pour ta femme, qui a déjà trop de soucis, et un port de moins à payer. Vous me la rembourserez, dites‑moi si cela vous va ?
Embrasse bien ta chère petite femme pour moi et assure‑la que je serai enchantée d'être marraine d'un gros garçon ou d'une belle petite fille. En attendant, je désire vivement qu'elle se porte mieux, je ne serai tranquille que lorsqu'elle m'aura donné elle‑même de ses nouvelles.
Mille baisers à la petite Jeanne. Dis‑lui que sa tante d'Alençon l'aime de tout son coeur. Mon mari vous fait mille amitiés à tous.

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