Carmel
De soeur Marie-Dosithée Guérin à son frère Isidore – le 25 décembre 1866

DE  
GUÉRIN Marie-Louise, Sr Marie-Dosithée
À 
GUÉRIN Isidore

25/12/1866

De soeur Marie-Dosithée Guérin à son frère.
V + J
                                                                                          De notre Mère du Mans
                                                                                          le 25 décembre 66
Cher Frère
Je ne veux pas laisser passer ces belles fêtes de Noël sans venir m'entretenir quelques instants avec toi et en même temps répondre à ta lettre.
Je suis de plus en plus enchantée de notre chère Petite Céline (Mme Guérin), je trouve que tu es bien gâté du bon Dieu, quoique sans beaucoup le mériter ; j'ai été fort contente de ce que tu m'as dit qu'elle avait communié pour notre Mère (Mme Guérin mère, décédée le 9‑9‑1859) le jour des morts mais aussi cela m'a fait naître de tristes pensées en considérant que toi qui y es bien plus obligé tu ne le faisais pas. Et où sont donc toutes ces belles promesses que tu me faisais naguère, et moi j'avais encore la simplicité d'y croire ! Enfin cher frère il te faut *[l v°] pourtant décider et ne pas rester le seul de la famille éloigné du bon Dieu. Quoi donc, voudrais-tu pendant toute l'éternité être séparé de ta charmante petite compagne, de ta mère, de ton père et de tes soeurs, cela n'est pas admissible; tu attends peut-être à la mort, mais quand on n'en peut plus, il n'est guère possible de faire une chose si difficile; supposé que tu ne meures pas de mort subite.
Je pense que tu vas être bien ennuyé de mes sermons, et qu'un beau jour tu m'enverras paître, mais il en adviendra ce qu'il pourra, je ne puis me tenir de te le dire, cela me fait trop de peine.
On dit qu'il y a une nouvelle loi qui fait qu'on est soldat jusqu'à 50 ans; il ne nous manquait plus que cela, tu vas sans doute partir au premier jour (La situation est tendue en Europe depuis la défaite des Autrichiens par les Prussiens à Sadowa, 3‑7‑1866), dis-moi donc ce qu'il en est, nous vivons dans un siècle bien étrange.
Je crois que tu n'as pas de peine à te persuader que je te souhaite une bonne année. *[2 r°] Nous nous connaissons assez pour savoir qu'il ne peut en être autrement, mais je t'assure qu'elle sera bonne et très bonne si tu fais ce que je désire de toi.
 
Depuis ta visite (en septembre-octobre) nous avons perdu une de nos Srs elle a fini comme je désire que toi et moi finissions, dans la paix d'un ange; tout le monde en était dans l'admiration, lorsqu'on lui donnait les derniers sacrements, on aurait dit qu'il s'agissait d'une autre tant son calme était grand.
Adieu cher et très aimé frère, crois bien que tu es toujours le très cher benjamin.
Je t'embrasse de tout mon coeur
 
Ta Soeur affectionnée
Sr Marie Dosithée Guérin
De la Von Ste Marie
         D. S. B. 

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