Carmel
De soeur Marie de l’Eucharistie à Mr. Guérin. 17 août 1897.

DE  
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie
À 
GUÉRIN Isidore

17/08/1897

 
17 Août 97
Mon cher petit Père,
C'est à chacun votre tour d'avoir une lettre de votre petite fille ; c'est donc à toi, mon cher petit Père que je viens aujourd'hui donner des nouvelles. Elles ne sont pas bonnes., du reste Francis t'a peut-être écrit à ce sujet car il est venu voir notre petite malade. Jeanne m'avait écrit me demandant de lui dire au juste s'il fallait prendre des billets pour le pèlerinage Nous étions bien embarrassées, voyant l'état s'aggraver. Alors notre Mère a eu la bonté de proposer à Francis de venir voir par lui-même s'il y avait inconvénient à partir au pèlerinage. Ma lettre venait de partir lorsque Francis, venu à Lisieux pour voir Bonne maman (Fournet) qui désirait le voir ayant eu quelques battements de coeur, arrive me demander au parloir. Alors notre Mère l'a fait entrer et il a vu notre petite malade ; cette visite l'a bien ému. Il l'a trouvée bien mal et ne lui donne guère que quinze jours avant de partir au Ciel. Depuis Dimanche, la Ste Vierge semble avoir précipité la marche de la maladie, car le soir de sa fête, elle a souffert d'une douleur très violente dans l'autre poumon ; il commençait à se prendre avant le départ de Mr de Cornière, et Francis a constaté que depuis huit jours le mal avait fait des progrès aussi dans ce second poumon. Il nous a dit que la tuberculose était arrivée au dernier degré, que peut-être vous auriez le temps de finir votre cure à Vichy, mais que c'était tout juste ; maintenant il dit que cela pourrait être encore plus bref, que l'on ne peut savoir. Il a trouvé notre petite malade soignée admirablement, et il a dit qu'avec tous les soins que Mr de Cornière lui avait fait donner, si elle ne s'était pas rétablie c'est que le bon Dieu vou­lait la prendre pour Lui malgré tout.
Oh ! si tu savais, mon cher petit Père, comme ta petite Reine est gentille et comme elle vous aime tous les deux; quand elle me parle de vous, on sent qu'elle a une si grande affection, et que lorsqu'elle sera au Ciel elle veillera si filialement sur vous. Il ne faut pas croire que son désir d'aller au Ciel soit un enthou­siasme, oh ! non c'est bien paisible. Elle me disait ce matin : « Si l'on me disait que je vais guérir ne croyez pas que je serais attrapée ; je serais contente tout autant que de mourir. J'ai un grand désir du Ciel, mais c'est surtout parce que je suis dans une grande paix que je suis heureuse, car pour ressentir une joie immense comme quelquefois lorsque le coeur vous bat de bonheur, oh ! non... je suis en paix, voilà pourquoi je suis heureuse. » Francis l'a trouvée bien gentille et bien angélique.
Quant à Bonne Maman ne vous tracassez pas, il paraît que ce n'est rien, Francis doit revenir demain la voir, mais rien que pour lui faire plaisir. Il passera au parloir prendre des nouvelles.
Ma Sr Th. de l'Enf. Jésus ne peut plus se lever, elle est par trop faible et ne peut plus se remuer toute seule ; depuis hier ses jambes commencent à enfler, je crois que c'est bien mauvais signe, mais les crachements de sang n'ont pas reparu. Aujour­d'hui elle semblerait peut-être un peu mieux, elle est moins abat­tue, moins fiévreuse, mais ce soir l'oppression recommence. Je vous redonnerai demain matin les nouvelles de la nuit avant de clore cette lettre.
Je te dis Adieu mon cher petit Père, tu sais combien je t'aime et combien j'aime maman ; je pense beaucoup beaucoup à vous, si vous pouviez le comprendre. Je n'ai pas dit dans cette lettre tout mon coeur, mais il fallait bien que je donne des nouvelles. Je regrette bien que Léonie vous ait dit que Mère Agnès de Jésus était faible. C'est vrai, mais il n'y a vraiment pas trop de mal, elle est comme à son habitude et ne souffre que de migraines de temps en temps : c'est une petite santé qui peut aller longtemps malgré tout.
Ta petite fille qui te chérit Marie de l'Eucharistie r.ci.
P.S. (18 Août) La nuit n'a pas été mauvaise, il n'y a pas de nouveau dans l'état de sa santé.

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