Carmel
De Soeur Marie‑Dosithée Guérin à Mme Martin – le 25 Août 1868.

DE  
GUÉRIN Marie-Louise, Sr Marie-Dosithée
À 
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin

25/08/1868

De Soeur Marie‑Dosithée Guérin à Mme Martin.

De notre Monastère du Mans
le 25 Août 1868.

Ma chère Soeur,

Combien ton coeur doit être brisé de ce nouveau coup (le 24 août, Mme Martin a perdu son deuxième garçon); oh ! oui les desseins de Dieu sont impénétrables ! Je croyais qu'Il te laisserait cet enfant mais il sait mieux que nous ce qu'il nous faut, laissons-le faire. Cette vie est si remplie de misères. . toi, chère amie, tu en sais quelque chose, car depuis ton enfance jusqu'à présent que de peines de tout genre, n'as-tu pas souffertes! Mais la fin viendra et la mesure de ta joie sera celle de tes afflictions.
Crois-le donc sans aucun doute ‑ tu sèmes maintenant dans les larmes, mais tu recueilleras dans l'abondance de la joie du Seigneur, lorsqu'à la fin de cette misérable vie tu verras tes deux beaux petits Anges venir à ta rencontre et te dire les miséricordes du Seigneur à leur
égard, car ne les a-t-il pas retirés de la boue et de la corruption du monde avant qu'ils n'en fussent souillés ?
Chère Soeur, je voudrais bien te dire  quelques paroles de consolation mais cela ne m'est pas possible. . . Quoique je trouve très bien fait ce que le Seigneur a fait et que j'adore de tout mon coeur sa sainte volonté, ma pauvre âme est bien angoissée, je regrette ce cher petit ! Et puis, ta douleur et celle de mon beau-frère pèsent lourdement sur mon coeur, je voudrais la prendre tout entière et ne vous en pas laisser, mais il n'y a pas moyen, nous garderons chacun la nôtre. Je voudrais qu'Isidore aille vous consoler.
Chers amis, il m'est revenu à la pensée cette parole de notre saint Fondateur : ‑ « Lorsque le maître du colombier, dit-il va prendre les petits des colombes, elles ne font point de résistance, mais si c'était un autre elles se lamenteraient » Or, c'est bien le Maître du colombier qui est venu prendre son petit colombeau pour le mettre en son Paradis, alors acquiesçons de toutes nos forces à ses volontés. .
Je te conseille, pauvre chère Soeur, de rien jamais demander au bon Dieu; s'il te donne d'autres enfants tu les prendras, s'il te les ôte, tu t'y soumettras. Tâche seulement de si bien élever  tes filles, qu'elles donnent autant de gloire à Dieu que les plus grands Saints. Crois-tu, par exemple, que notre Bse Marguerite-Marie n'a pas sauvé plus d'âmes que bien des missionnaires ? Dieu se sert de ce qu'il y a de plus faible pour servir à ses desseins.
Enfin, peut-être encore que le Seigneur content de ta résignation te donnera ce que tu désires. Mais en attendant, tâche de ne point mettre d'obstacle à la grâce; sois fidèle à tout ce que Dieu demandera de toi.
(.... ) plus grande affection et dévouement s'il est possible,.
Je t'embrasse chère petite soeur
Ta Soeur affectionnée
Sr Marie Dosithée Guérin
De la Von Ste Marie
D. S. B.

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