Carmel
De soeur Marie‑Dosithée à Mme Martin – 12 février 1872.

DE  
GUÉRIN Marie-Louise, Sr Marie-Dosithée
À 
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin

12/02/1872

De soeur Marie‑Dosithée à Mme Martin. 12 février 1872.
 
    Bonjour, chère petite soeur, et jusqu'à Pâques, Nous allons rentrer en Carême ( le 14 février) et je veux m'y enfoncer d'autant plus que mes jeûnes ne seront pas rigoureux, au moins faut-il plus de recueillement. Jusqu'à mes petites filles qui vont le faire, je ne leur donnerai pas de bonbons de tout le Carême; il faut les habituer de bonne heure à l'esprit de mortification; les premières habitudes et les souvenirs d'enfance restent toujours gravés dans l'esprit et on ne s'en déprend pas facilement. Puis il faut que Pauline se prépare à sa 1ère Communion; demande-lui donc de temps à autre ce qu'elle fait pour s'y préparer, cela la tiendra en éveil. Voilà quelque temps, à l'avant-der­nière lettre que tu as envoyée, nous la gardions pendant l'étude; elle avait mal au coeur, je lui dis de ne pas étudier si elle voulait, et la fis venir près de moi. Il y avait un quart d'heure que je lui avais donné ta lettre, elle l'avait mise dans sa poche; je lui demandai en la caressant pourquoi elle ne la lisait pas, elle me répondit en rougissant qu'elle voulait faire une pratique, qu'elle avait pourtant grande envie de la lire. Je l'embrassai et lui dis de la lire par obéissance, qu'elle aurait sa pratique de mortification et en plus celle d'obéissance : c'est bien cela ! Mais je voudrais qu'elle fût ouverte avec moi, comme Marie. Que je l'aime donc Marie ! Que c'est une bonne enfant ! Quelle candeur, quelle droiture et sincérité, c'est ravissant ! Presque tous les jours je la vois courir après moi et s'accuser de ses manquements et sans en être priée, bien entendue. A la fin de l'étude comme je m'en allais, elle arrive suivant son habitude et m'aborde en me disant: « Ma tante, j'ai fait une composition et je ne me suis pas appliquée au commencement; je n'étudie pas non plus au commencement des études »; elle me dit cela souvent. Je me tournais vers Pauline et lui dis: Vois donc ! Marie n'est pas comme toi, personne ne la prie de venir me dire toutes ces choses-là, aussi il n'y a pas de danger que je la gronde, et, quand en a fait une faute, le moyen de la réparer c'est de l'accuser; le bon Dieu demande de toi que tu ne sois pas toujours à t'excuser, et cela me fait une véritable peine de voir que tu fais tout ton possible pour tout cacher ; elle me promit d'imiter Marie.
Je tâche de l'amener à cela tant que je le puis et vraiment elle y paraît bien disposée. Elle a une extrême difficulté pour le calcul, elle ne sait pas faire les problèmes les plus simples; je lui donne des leçons, mais son grand malheur est de ne pas réfléchir, elle ne se donne pas même la peine de lire son problème en entier avant de poser des chiffres. Enfin je lui ai promis de lui donner un prix à Pâques si elle voulait s'y appliquer. Dis-lui que tu désirerais bien qu'elle le gagnât cela lui fera faire des efforts. Dis aussi à Marie de s'appliquer à ses lettres, elle me dit qu'elle ne s'applique qu'à ses devoirs de style et non à ses lettres.
      Je vous embrasse tous avec affection, les petites filles sont bien gaies et en somme, bonnes. 

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