Carmel
De soeur Marie‑Dosithée à Marie Martin – 6 janvier 1876.

DE  
GUÉRIN Marie-Louise, Sr Marie-Dosithée
À 
MARTIN Marie, Soeur Marie du Sacré-Coeur

06/01/1876

 
De soeur Marie‑Dosithée à Marie Martin. 6 janvier 1876.
 
V. + J.
De notre Mère du Mans
                                                                       le 6 janvier 76
                       Chère Marie
Peut-être que ma Marie est bien fâchée contre sa tante qui ne lui a pas encore répondu, et qu'elle se dit: elle ne répond pas à mon affection. Non ma chère petite il n'en est pas ainsi, ta tante t'aime et t'aimera toujours et si je ne t'ai pas écrit, ta mère a dû te le dire, c'est que je voulais t'écrire une lettre plus tendre que celle que j'avais faite, car, à te dire vrai ma lettre était très affectueuse comme le sont mes sentiments à ton égard; mais il y avait un passage où je te parlais un peu ferme, et cela me tracassait; je craignais que cela te fasse de la peine alors j'ai pensé qu'il fallait mieux attendre.
Cela me fait de la peine, tu dis que tu es triste, nulle part le bonheur, le vide partout ! Cela est étonnant surtout à ton âge, tu devrais trouver le bonheur partout, c'est l'âge [v°] de l'espérance, de l'illusion même; moi j'étais comme toi je n'aimais pas le monde et quoique ma position était loin d'être comme la tienne j'étais heureuse et très heureuse; mes aspirations n'étaient pas pour le monde mais elles étaient pour Dieu et je me berçais dans de douces illusions pour l'avenir, je voulais être sainte et c'étaient des projets magnifiques, je ne comptais pas avec ma faiblesse, alors je gravissais sans fatigue les hauteurs escarpées de la per­fection, enfin c'était le printemps avec ses prairies émaillées de mille fleurs; il est vrai que par la suite les fleurs sont tombées et la réalité a fait place ; cependant le souvenir de ce temps-là ranime ma ferveur et m'excite à atteindre le but que je m'étais proposé; non plus en comptant sur mes faibles efforts, mais uniquement sur Dieu, car sans lui nous ne pouvons rien (Jn 15, 5). J'aimais aussi la lecture, mais la Vie des Saints par dessus tout, cela m'a fait un bien immense, Dieu s'en est servi pour me faire persévérer car j'étais livrée à moi-même pour la direction, et l'exemple des Saints m'éclairait et me fortifiait en même temps; puis j'avais une faim insatiable de m'instruire de tout ce qui concernait la religion et j'étais toujours en quête pour me procurer soit l'histoire de l'Eglise soit d'autres livres instructifs.
[1r° tv] Ta Mère m'a dit qu'elle était contente de toi, que tu étais une bonne fille. Cela m'a fait bien plaisir. Je désire extrêmement que tu sois respectueuse envers tes parents, après nos devoirs envers Dieu, le respect et l'obéissance dus aux parents est notre plus grande obligation. Si tu savais, chère enfant, le désir que j'ai de te voir servir le Seigneur dès ton adolescence ! Si tu voulais tout de bon travailler à te corriger, tu trouverais une joie et un bonheur que tu ne soupçonnes pas.
[V° tv] je termine en t'embrassant, ma chère enfant. Si cela te fait du bien, je t'écrirai souvent j'ai tant à coeur ta perfection et ton bonheur. Ainsi quand je vois tes bons désirs et tes progrès, je ne me tiens pas de bonheur, si je pouvais faire les efforts et les sacrifices qu'il faut pour cela je le ferais, mais cela ne se peut, il faut que ce soit toi ! Je t'embrasse avec affection .

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