Carmel
De soeur Marie‑Dosithée à Marie Martin – 19 mars 1876.

DE  
GUÉRIN Marie-Louise, Sr Marie-Dosithée
À 
MARTIN Marie, Soeur Marie du Sacré-Coeur

19/03/1876

 
De soeur Marie‑Dosithée à Marie Martin. 19 mars 1876.
V. + J.
De notre Mère du Mans
                                                                      le 19 Mars 1876
                      Ma chère Marie
           Suivant ma promesse je vais t'écrire, quoique en carême : mais je le ferai plus courtement. Courage donc, ma chère enfant je vois que cela va beaucoup mieux; dans la lettre de Pauline, ta mère admire ta patience et dit que tu ne réponds rien à tout ce qui peut t'être dit de désagréable. Je t'avoue que cela m'a fait un singulier plaisir, j'espère que le bon Dieu bénira tes efforts, et que bientôt tu seras une sainte fille ! Crois-moi, tu ne seras heureuse que lorsque tu te seras entièrement livrée à la grâce, les autres peuvent trouver une certaine satisfaction dans les choses du monde, toi jamais ! le Seigneur t'a fait plus de grâces qu'au commun des âmes, il y faut répondre, et alors tu seras dans la joie: ton coeur est plus grand que les choses d'ici-bas, c'est pour cela qu'elles ne te peuvent contenter.
Je t'engage à aller trouver le Père Capucin (prédicateur de Carême à Alençon et spécialement à Notre-Dame) [v°] dans un moment où il aura peu de monde, afin qu'il puisse s'occuper de toi, et lui faire une bonne direction, c'est cela qu'il te faut : prie St Joseph afin que ce bon Père sache ce qu'il te faut dire, car vois-tu, tu n'es pas faite pour le monde, ne crois pas que je veuille te dire que tu seras religieuse, oh non, je ne vois même rien qui l'indique, mais il faut que tu sois à Dieu dans la vocation que N. S. te destine et que nous ne connaissons pas.
Souviens‑toi, ma chère enfant de cette maxime de notre saint Fondateur: Ce n'est pas la tranquillité qui approche Dieu de nos âmes, mais la fidélité de notre amour (Saint François de Sales, lettre d'avril 1611 à la Présidente Brûlart) ; ne te plains donc pas du tracas des enfants, il a bien fallu en prendre pour t'élever, il faut rendre aux autres ce que tu as reçu, et cela avec grand dévouement, joie et patience.
Je pense que tu es fidèle à ta méditation, tu ne m'en parles pas; il faut pourtant bien la faire. je t'assure que c'est toujours pour moi une énigme que vous ne pouvez pas trouver dans la journée une demi-heure pour faire votre lecture; j'avais toujours cru que tu irais charitablement faire la lecture à ta mère à qui cela ferait grand bien, et voilà que pas du tout !. . . il ne faut point avoir des dévotions de travers, et lorsqu'on voit que cela fait plaisir à sa mère de lire un livre on laisse le sien pour satisfaire les personnes avec qui nous vivons et ensuite on tâche de regagner du temps pour satisfaire légitimement nos petits désirs. Je vois en lisant la Vie de nos [v°tv] Soeurs que dans leurs familles, qui sont très chrétiennes, tout est réglé presque comme dans un monastère, la lecture se fait exactement et les soins du ménage n'en vont pas moins bien. Si tu veux cela se fera, avec un peu d'adresse et d'activité on vient à bout de tout.
Je t'embrasse, chère Marie, j'ai bien prié St Joseph aujourd'hui pour toi, il est juste que je te rende ce que tu m'as fait. Sois bonne, chère petite, c'est la passion dominante de mon âme de savoir que tu fais des progrès dans la dévotion.
Sr Marie Dosithée Guérin
De la Von Ste Marie
D. S. B.

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