Carmel
De soeur Marie‑Dosithée à M. et Mme Guérin – 31 mars 1873.

DE  
GUÉRIN Marie-Louise, Sr Marie-Dosithée
À 
GUÉRIN Isidore
GUÉRIN Céline née FOURNET

31/03/1873

De soeur Marie‑Dosithée à M. et Mme Guérin. 31 mars 1873.
           Source : autographe fd 20,5 X 13,2 cm.
 
V. + J.
                                                                                             De notre Mère du Mans
                                                                                               le 31 Mars 1873
 
Mon Cher Frère et ma chère soeur,
Je viens d'apprendre le malheur qui vient de vous arriver (le  27 mars, la droguerie de M. Guérin a été anéantie par un incendie) : Zélie a écrit à ses enfants et leur a envoyé votre lettre dans la sienne, ces pauvres enfants en étaient consternées, elles ont si bon coeur et aiment tant tout leur monde. Cette pauvre petite Pauline était si pâle que je l'ai crue malade, je les ai rassurées en leur disant que vous n'aviez point de mal et que personne n'était blessé. Il est vrai que dans votre malheur, nous avons bien des grâces à rendre à Dieu, car hélas il pourrait vous être arrivé des accidents, à vous ou vos enfants et ce serait bien une autre affaire ! Et j'ai encore une autre consolation c'est de [l v°] voir votre résignation: vous avez raison et croyez bien que vous serez bénis, le Seigneur se plaît quelquefois à éprouver les siens et à voir leur fidélité. C'est un spectacle qui le ravit comme autrefois se glorifiant de son serviteur Job. « As‑tu vu, dit‑il à Satan, Job mon serviteur, il n'y en a pas de pareil sur la terre Job 1, 8, et cet esprit envieux et superbe ose lui répondre : « est-ce étonnant que Job vous serve,  vous le comblez de richesses, il possède une belle et nombreuse famille tout lui prospère mais si vous appesantissiez votre main sur lui vous le verriez bientôt vous maudire. » Et il reçut permission de l'affliger comme vous le savez, la misère, l'indigence et les plaies furent son partage et au milieu de cet affreux désastre qui est certainement sans exemple il bénit Dieu, et il reçut au double même dès cette vie ce qu'il avait perdu.
     Ainsi mes chers amis vous avez raison continuez de recevoir comme de la main de Dieu tout ce qu'il vous enverra, rien ne sort de son coeur si bon et si miséricordieux que par un excès d'amour. Oh si nous étions bien convaincus de cette vérité, les maux [2r°] ne nous sembleraient plus maux, comme en effet ils ne le sont pas, car Dieu ne nous fait que du bien et ce qui contrarie tous nos désirs et nos petites vues humaines sont pour nous de grands biens qui plus tard nous feront bénir l'infinie miséricorde, croyez-le bien car je prévois bien des ennuis et des contretemps, recevez cela tout doucement, et réorganisez-vous du mieux que vous pourrez, vous abandonnant à la douce Providence de votre Père Céleste qui veille sur vous, ses chers et bien-aimés enfants : vous verrez qu'il fera encore prospérer vos petites affaires, je l'espère bien, car je vois bien qu'il vous aime; il vous a déjà sanctifiés par la maladie, par une perte qui vous a été bien douloureuse (La mort du petit Paul à la naissance), et maintenant c'est dans vos biens, donc toutes ces visites vous annoncent que vous serez bénis dans vos personnes, dans vos enfants et dans vos affaires, mais tout cela parmi les tracas de la vie vous savez que les épines viennent avant les roses, il faut qu'il en soit de même de notre vie, après le malheur vient le bonheur et le Seigneur ne manque jamais de bander lui-même la plaie qu'il a faite (Osée 6, 1). [2v°] Chers amis, vous savez que je partage bien tous vos bonheurs et vos malheurs, mais je ne suis pourtant pas trop triste de cet accident, parce que je sais que le bon Dieu vous aime et vous protègera, mais servez-le bien, et croyez-moi tout ira bien; je vais beaucoup prier pour vous comme vous le pensez. Voyez combien N. T. H. Mère (la supérieure Mère Marie de Chantal Fleuriot) est bonne, elle m'a enjoint aujourd'hui de vous écrire aussitôt la lettre reçue, quoiqu'en Carême.
Adieu et bon courage, profitez bien de cette croix c'est une occasion qui ne reviendra sans doute jamais, on peut dans ces grandes occasions s'élever à de grandes vertus. je vous embrasse de tout mon coeur.
Sr M. Dosithée Guérin
de la Von Ste Marie
        D ; S ;B

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