Carmel
De Mme Martin à son frère Isidore Guérin CF 76 – 28 décembre 1871.

DE  
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin
À 
GUÉRIN Isidore

28/12/1871

 
Lettre de Mme Martin CF 76
A son frère Isidore Guérin
28 décembre 1871.
J'ai reçu, hier, la caisse contenant les étrennes, je ne puis te dire que j'ai été contente, parce que je mentirais. J'ai trouvé que tu avais dépensé au moins la moitié plus qu'il ne le fallait, enfin, tu es incorrigible et je voudrais de tout mon coeur que la mode des étrennes se passe. Cela n'em­pêcherait pas de se faire des cadeaux, mais du moins, il n'y aurait pas d'époque fixe, ce serait quand cela nous en dirait.
Cependant Léonie n'est pas de mon avis. Si tu l'avais vue, hier, elle était comme folle de joie, elle en tremblait. La petite Céline ouvrait de grands yeux. Elle était toute interdite, et est restée ainsi, longtemps, stupéfaite, serrant son lapin dans ses bras. Quand on lui a dit que c'était sa marraine qui lui envoyait cela, ainsi que la belle robe, elle a repris d'un ton de regret:  « La connais pas, moi, ma marraine... Elle est mignonne, dis ? »
J'ai envoyé chercher la couturière, ce matin, elle viendra, mardi, faire la robe; si c'est toi qui as choisi cette étoffe, je te félicite, tu as très bon goût, car elle est fort jolie.
Mon mari est allé trouver M. Leconte, directeur de la Pharmacie de l'Hospice, pour lui remettre ta lettre. Celui‑ci a répondu qu'il n'avait pas eu le temps d'examiner tes prix ­courants, puis qu'il ne pouvait changer ses fournisseurs s'il n'y voyait pas de bénéfice, enfin, il ferait ce qu'il croirait possible, mais il était approvisionné pour deux mois.
Louis a été désenchanté et moi encore davantage, cepen­dant, il n'est pas décidé à le laisser tranquille. Si tu ne fais pas d'affaires avec ce monsieur, c'est qu'il n'y aura pas moyen. Mais, je me dis qu'il est impossible que tu puisses fournir à prix égal, puisque tu achètes au même prix qu'eux. Ta Dro­guerie me tourmente autant que toi, je ne l'ai jamais vue avec plaisir. Plaise à Dieu que cela tourne mieux que je ne le pense !
Je suis désolée que ta pauvre chère femme en soit réduite à ne plus bouger; mais ce ne sera que passager, je le crois. Quand donc tous ses maux finiront‑ils ? Embrasse‑la bien pour moi, dis‑lui que je la remercie mille fois de la jolie toilette qu'elle a envoyée pour Céline, elle est trop bonne, c'était bien assez du beau petit lapin. Mais enfin, il n'y a rien à dire qu'à vous remercier.
Je te souhaite toutes les bénédictions du Ciel; si le bon Dieu m'exauce, tu seras le plus heureux des hommes, en ce monde et en l'autre...

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