Carmel
De Mme Martin à son frère Isidore CF 167 – Octobre 1876.

DE  
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin
À 
GUÉRIN Isidore

01/10/1876

 
Lettre de Mme Martin CF 167
 
A son frère Isidore Guérin
Début octobre 1876.
Voilà quinze jours, j'ai reçu une lettre de ma soeur, ainsi que de la Supérieure de la Visitation: on me priait de ne pas renvoyer Pauline à cause de la perspective de la mort prochaine de sa tante et, comme Pauline est très sensible, on voulait lui épargner cette peine.
Pauline a écrit à sa tante une lettre qui arrachait les larmes, enfin, elle est rentrée Pour moi, j'avais répondu à la Supé­rieure que, si elle croyait que ma soeur dût souffrir davantage de la présence de Pauline, je la garderais.
J'ai vu ma soeur mercredi; elle est bien malade, bien changée, ne marche qu'à l'aide d'un bâton et de l'infirmière qui la soutient. Cependant, elle a été deux heures avec nous à deux reprises différentes, elle avait même la voix très bonne, bien meilleure que je ne le pensais.
« Elle est, nous a‑t‑elle dit, la plus heureuse malade du monde. » Son visage respire la joie, elle attend l'heure de sa délivrance avec un calme céleste, je n'ai jamais rien vu de si édifiant.
Elle nous a beaucoup parlé de toi, j'ai cru voir qu'elle était un peu dans l'illusion au sujet de ta réussite. Je n'ai point voulu lui ôter sa quiétude, quoique ne partageant pas entièrement sa façon de penser.
Après votre départ d'Alençon, ta femme m'a écrit que vous aviez oublié d'expédier au Mans le vin de Malaga à cause de la grande quantité de commandes que vous aviez trouvées à votre retour. Ma soeur a su la chose, elle en a déduit tout de suite que la neuvaine pour vos affaires était exaucée d'une manière si miraculeuse qu'il fallait publier cette grâce dans les Annales de Notre‑Dame du Sacré­Coeur !
Je lui ai dit:  « Il faut encore attendre, peut‑être cela n'a‑t‑il pas continué ». Mais elle n'a pas l'ombre de doute que la chose soit certaine. Alors, je l'ai laissée dans sa convic­tion, n'étant pas moi‑même bien sûre qu'elle ne prophétisait pas et me promettant de vous en parler pour savoir si, oui ou non, il en était ainsi. Hélas ! je vois par ta lettre que c'est tout le contraire et cela m'a fait tomber de haut, car ma sainte soeur m'avait presque persuadée !
J'ai vu la Supérieure de la Visitation à part; elle m'a dit que le médecin croyait que notre chère malade n'irait pas jusqu'à la fin de l'année, mais qu'elle marcherait jusqu'au bout. Elle se lève à cinq heures du matin, après une nuit passée à tousser dans son lit; elle a les pieds toujours enflés, mais elle descend encore prendre ses repas avec la Commu­nauté; elle a une fièvre dévorante tous les jours à partir de deux heures de l'après‑midi.
Pauline doit m'écrire le 15; aussitôt sa lettre reçue, je te la communiquerai et ainsi, chaque fois que j'aurai des nouvelles. Je crois que tu peux encore attendre jusqu'à la Toussaint pour aller au Mans; mais plus tard, notre chère soeur serait trop malade et peut‑être morte. Toutes les Soeurs que j'ai vues—et elles sont venues presque toutes voir Marie — pensent qu'elle n'en a pas pour longtemps.
Elle passe pour une vraie sainte dans la Communauté, les religieuses m'ont dit que leur Supérieure la citait en exemple.
Si tu vas la voir, écris‑moi avant jeudi; je serais à ta place, je ne tarderais guère.

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