Carmel
De Mme Martin à sa fille Pauline CF 143 – Octobre 1875.

DE  
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin
À 
MARTIN Pauline, Mère Agnès de Jésus

01/10/1875

 
Lettre de Mme Martin CF 143
 
A sa fille Pauline
Octobre 1875.
Ma chère Pauline,
Ta lettre m'a fait un bien grand plaisir; je l'ai lue plusieurs fois, je l'aurais encore relue, mais Marie l'a emportée comme une relique !
Je voulais écrire aujourd'hui, à Lisieux, pour envoyer les billets d'Association que ta tante avait mis dans ta lettre. Aussitôt que je les ai reçus, je les ai soigneusement replacés dans l'enveloppe et ramassés dans mon tiroir. Un moment après, Marie les a retirés et éparpillés sur la table, sans que je m'en aperçoive, car j'étais tout absorbée dans mon ouvrage.
C'était le soir, Céline et Thérèse passaient la veillée avec moi. Céline, qui n'a de plaisir qu'à couper tout ce qui lui tombe sous la main, a pris deux billets de saint Joseph et les a morcelés. Je n'étais pas contente, et Louise voyant cela, l'a bien vite prise sous sa protection et l'a emmenée se coucher. I1 n'y a pas de mal aux autres bulletins; celui pour mon frère peut encore se lire en entier Si ma soeur veut en donner deux autres, je les enverrai de suite à Lisieux.
La petite Thérèse est guérie; ce malaise ne lui a fait que du bien; maintenant elle mange mieux que d'habitude Céline apprend très bien et je m'en réjouis. En peu de temps, elle sait une leçon de catéchisme par coeur, ou un point d'Histoire Sainte, et pourtant elle ne s'y donne pas trop de mal. Elle lit couramment. Je la voyais tantôt, bien sérieuse, lire à mi‑voix:  « Les petites filles modèles.» Elle croyait que je ne l'entendais pas, et elle donnait à chaque personnage le ton qui convenait.
Marie s'en occupe beaucoup, aussi elle n'a pas le temps de faire grand travail; elle n'a que ses veillées qui ne sont pas aussi longues que les miennes. Je ne m'en plains pas, je suis si heureuse quand je me vois débarrassée de tout ce petit monde. Au moins, je puis travailler sans être obligée de parler sans cesse. Puis, je pense à ma Pauline, je fais des châteaux en Espagne, je rêve de bonheur et de paix !
Mais, j'ai trop de préoccupations pour être absolument tranquille: des soucis de toilette qui n'en finissent point ! Hier, toute la matinée a été consacrée à acheter un costume complet pour Marie: une belle robe, un manteau bien à
son goût. I1 faut que je recommence pour Léonie; je pensais lui donner ta robe, mais Marie serait trop belle à côté; il faut que tout soit dans la même note.
Enfin, je ne fais que d'acheter tous les jours; ton père dit plaisamment que c'est une passion chez moi ! J'ai beau lui expliquer que je ne puis faire autrement, il a de la peine à le croire. Mais, il me fait confiance, il sait bien que je ne vais pas le ruiner ! Je t'écris cela pour te faire rire !
Adieu, ma chère Pauline, j'ai du chagrin de savoir que ta tante souffre d'un mal au pied, mais j'en aurais bien davantage encore si je ne l'avais vue si résignée, à mon dernier voyage au Mans. J'ai bien regretté de n'avoir pu rester plus longtemps avec elle. Quand j'irai, au premier de l'An, nous partirons, Marie et moi, à sept heures du matin.

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