Carmel
De Mme Martin à Mme Guérin CF 161 – 4 juin 1876.

DE  
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin
À 
GUÉRIN Céline née FOURNET

04/06/1876

 
Lettre de Mme Martin CF 161
 
A Mme Guérin
4 juin 1876.
J'ai bien tardé à répondre à votre bonne lettre et à vous remercier de la boîte de bonbons que vous m'avez envoyée et qui a fait le bonheur complet de Thérèse !
J'ai appris avec plaisir la naissance de la petite fille de Mme Maudelonde, j'espère que vous m'en donnerez des nouvelles. Jeanne a dû être bien contente d'être marraine ?
Je m'inquiète beaucoup de la santé de mon frère. Que lui a dit ce médecin de Paris ? Comment aussi vont les affaires ? Mon Dieu ! que je voudrais donc que vous réussissiez dans la Droguerie ! I1 viendra un moment, où Dieu aidant, vos espérances seront peut‑être dépassées, mais en atten­dant, on se tourmente malgré soi; il faudrait être des saints pour qu'il en soit autrement.
Marie est toujours bonne fille, mais un peu sauvage et trop timide; elle a des idées particulières. Un jour qu'elle étrennait une toilette, n'est‑elle pas allée pleurer dans le Jardin, disant qu'on l'habillait comme une jeune fille qu'on veut marier à tout prix, et que certainement nous serions cause qu'elle serait demandée ! Rien que cette pensée la mettait hors d'elle‑même, car pour le moment, elle aimerait mieux avoir le cou coupé !
Dernièrement, Louise racontait qu'une bonne du quartier lui avait dit que sa maîtresse connaissait un jeune homme dont Melle Martin ferait bien l'affaire. Marie a entendu cela, elle s'est mise à fondre en larmes, on ne pouvait la consoler. Jugez un peu s'il y a sa pareille ! Je crois bien que jamais elle ne se mariera; elle n'a pourtant pas l'air d'avoir de vocation religieuse, et cependant, ce n'est pas une nature à rester seule.
Tous les jours elle parle de vous et de votre voyage à Alençon. Si je l'écoutais, je ferais bien des frais pour vous recevoir, elle m'en demande trop à la fois, je ne pourrais pas la contenter.
Il faudrait que je fasse tapisser, cirer, acheter des rideaux neufs pour tous les lits, mettre des treillages partout dans le jardin. Cela est fait en partie, il y a aussi une balançoire pour que les petites cousines de Lisieux s'amusent et un petit jardin pour Jeanne.  « Enfin, comme dit Marie, quand mon oncle et ma tante viendront, il faut que tout soit en ordre. » Mais j'ai bien à faire pour cela, trop, pour que tout soit exécuté la même année, puis j'ai tant de choses sur l'esprit !
Mais j'ai assez bavardé, pour ne pas dire grand'chose, il est temps que je finisse, car voilà l'heure des vêpres. Bon, voici la grand'mère Martin qui arrive. Heureusement que
j'ai terminé car, tout à l'heure, je vais avoir fort à faire à répondre à tout !
Adieu, mes chers amis, que ma lettre vous trouve tous heureux et bien portants, c'est là le plus cher de mes souhaits.

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