Carmel
De Mme Martin à Mme Guérin CF 132 – 19 mai 1875.

DE  
GUÉRIN Zélie, Madame Louis Martin
À 
GUÉRIN Céline née FOURNET

19/05/1875

 
Lettre de Mme Martin CF 132
 
A Mme Guérin
19 mai 1875.
...Je ne me préoccupe plus que d'une chose, c'est de savoir ce pauvre Isidore si souffrant, je crains que ce ne soit dangereux. Quant à venir, il ne faut pas y penser, je trouve, comme vous, ma chère soeur, que ce serait très imprudent, quand même il serait mieux, à moins qu'il ne soit tout à fait guéri, ce qui n'est pas probable. Je me faisais une grande fête de vous voir tous deux, j'en étais si contente que cela m'empêchait de dormir, hier soir; cela prouve qu'il ne faut jamais trop se réjouir.
Je projetais une partie de campagne pour le lundi. J'aurais invité Mme Y., tout cela est tombé à l'eau. Mon mari vient d'arriver pour déjeuner; il a été comme moi bien attristé de votre lettre J'ai vu qu'il tenait beaucoup à vous avoir, lui aussi; enfin, c'est une joie manquée pour nous tous.
Ma petite Thérèse est malade, elle a une toux opiniâtre avec la fièvre; cela ne me fait point l'effet d'un simple rhume, je crains qu'elle n'ait la rougeole. Décidément, tout se prépare pour que la première Communion de Léonie soit un jour de deuil.
Je viens d'interrompre ma lettre pour recevoir une dépêche. J'étais si troublée que je ne pouvais la lire, je croyais qu'elle venait de chez vous. Mais non, c'est encore un ennui pour une commande de dentelle qui m'arrive. Enfin, la journée y est et nous ne sommes encore qu'à midi. Si cela continue, je vais être morte ce soir ! Voyez‑vous, en ce moment‑ci, la vie me paraît si lourde à porter que le courage me manque, parce que je vois tout en noir. Si je savais seulement quelle maladie a mon frère et si c'est grave ou non.
Je suis plus contente de Léonie, elle fait ce qu'elle peut pour bien faire; elle répond bien aux explications quand on l'interroge et elle sait son catéchisme dans la perfection. Elle nous dit tous les jours qu'elle se fera Clarisse, j'ai autant confiance en cela que si c'était la petite Thérèse qui me le disait.
Je viens de lui lire la lettre de mon frère; je l'ai prise à part et, moi qui ne pleure jamais, j'ai fondu en larmes. Elle a l'air bien décidée à se corriger de ses défauts.

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