Carmel

Règle du Carmel et Constitutions

Avertissement

Lettres apostoliques

Acte de confirmation

Lettres du Père Gratien à Thérèse d'Avila et aux religieuses carmélites déchaussées

Règle primitive d'Albert, Patriarche de Jérusalem

Constitutions des religieuses carmélites déchaussées

Règle primitive et constitutions des religieuses
de l'Ordre de Notre‑Dame du Mont‑Carmel - 1865
selon la réformation de SAINTE THÉRÈSE
pour les monastères de son Ordre en France

POITIERS : IMPRIMERIE DE HENRI OUDIN - Rue de l'Éperon, 4.  1865

Édition que sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus avait à son usage, un format de poche mesurant 11 cm par 7 cm. La pagination est suivie d'un astérisque.
Quelques corrections mineures ont été effectuées sur la transcription des verbes (lorsque désuets) et les traits-d'union.

Mes Filles, je vous conjure dans le Seigneur d'observer en toute in­tégrité et perfection vos Règles et Constitutions primitives.

Paroles de sainte Thérèse à son lit de mort.

Extrait de sa vie par Ribera, liv. III, ch. 7. Act. sanct. BOLL.

APPROBATION DE MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE DE POITIERS.

Sur le rapport de M. l'abbé Gay, chanoine théologal de notre Église Cathédrale, l'un de nos Vicaires généraux et Supérieur des Carmélites de Poitiers et de Niort ; assuré que la présente édition de la Règle et des Cons­titutions des Carmélites est la reproduction exacte de toutes les éditions publiées en France de­puis plus de deux siècles; sa­chant en outre que cette traduc­tion française est conforme au texte espagnol qu'on réédite d'ailleurs intégralement en même temps que le texte français; nous en avons permis et approuvé l'impression.

Poitiers, le 26 mars 1865, Qua­trième Dimanche de Carême.         + L.E. év. De Poitiers

I*                    

AVERTISSEMENT SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION

En publiant cette nouvelle Édition de la Règle et des Consti­tutions des Carmélites, nous faisons droit aux demandes réi­térées de la plupart des Monas­tères de France. Les Éditions précédentes sont épuisées. Non-­seulement les maisons nouvelle­ment fondées ne peuvent pas se procurer ce livre indispen­sable, mais plusieurs Monastères II* anciens n'en ont point le nombre d'exemplaires nécessaires.

I. Voulant apporter le plus grand soin à cette oeuvre im­portante, nous avons dû colla­tionner les unes avec les autres les traductions Françaises suc­cessivement publiées. La plus ancienne que nous possédions porte la date de 1607 et a paru chez Rulger Velpius à Bruxelles . C'est sans doute celle que la Vénérable Mère Anne de Jésus fit imprimer quand, cette année-­là même, elle alla fonder en Flandre. La seconde est de 1616 et a été publiée à Dôle en Franche-Comté. On y lit à la dernière page : « Imprimé par Antoine- III* Dominique sur la copie imprimée à Bruxelles . La troisième a été imprimée à Lyon en 1626. Nous en avons une autre qui porte le millésime de 1643, sans nom de lieu ni d'imprimeur ; une de 1704, imprimée à Paris, et que reproduisent exactement celles de Toulouse en 1834, et celle de Montpellier en 1854 . Il y a bien de l'apparence qu'avant 1626, on fit une édition à l'usage des monastères de France mais nous n'avons pu, ni en retrouver un exemplaire, ni même en cons­tater certainement l'existence .

Les Couvents de la Flandre ayant toujours du être sous le gouvernement des Carmes, l'édi­tion IV* de Bruxelles en fait natu­rellement mention, encore que les démarches faites par Anne de Jésus pour obtenir des Pères aient échoué auprès des Carmes Espa­gnols, et n'aient abouti auprès de ceux d'Italie que par l'interven­tion du Pape Paul V, trois ans après l'impression des Constitu­tions, c'est‑à‑dire en 1610.

Quant à Dôle, cette fondation ne fut régularisée qu'en 1620 par un bref du même Pape en date du 25 janvier. Dôle faisant partie de la Franche‑Comté, province alors étrangère à la France, à laquelle elle ne fut réunie que vers la fin de ce siècle, le Pape pourvut ce monastère d'un gouvernement V* particulier, qui n'était ni celui d'Espagne, ni celui de France, mais qui tenait des deux.

Imprimées en 1616, les Consti­tutions de Dôle n'indiquent pas ce régime, mais bien celui qu'on avait sans doute en projet au début de la fondation, et qui était celui des PP. Carmes. Mais parce que pour être étrangère à la France, la Franche‑Comté en était cependant limitrophe; par­ ce qu'on y parlait le Français et que les Religieuses fondatrices de ce nouveau couvent étaient venues de France ; de peur qu'en parlant des PP. Carmes comme devant le gouverner, on parût infirmer en quoi que ce soit le VI* régime particulier auquel, dès 1603, Clément VIII avait authen­tiquement soumis les Monastères de France, le rédacteur inconnu de ces Constitutions prit sur lui d'intercaler dans le premier chapi­tre un second article ainsi conçu : « Les Couvents qui sont gouvernés par Messieurs Jacques Gallemant et André du Val et Pierre de Bérulle, docteurs en théologie, leur sont sujets ; et ont (ces Messieurs ) le même pouvoir sur les dicts Monastères de leur gouvernement que a le Général de l'Ordre sur ceux d'Espagne, lequel leur a été donné et à leurs successeurs, par la Bulle de VII* N.S P le Pape Clément, huitième du nom, l'an de grâce : mil six cent et trois, le trei­zième du mois de Novembre ».

En dehors des différences que nous signalons et que nous expliquons ici, il y a une conformité parfaite entre ces premières traductions publiées à l'étranger et celles qui depuis ont été imprimées en France. Pour celles-ci, à part les changements d'orthographe que le mouvement de la langue a naturellement amenés, et la substitution faite, ici et là de mots plus modernes, à quelques termes par trop vieillis, elles sont tellement, semblables 1es unes aux autres, VIII* qu'elles ne représentent en réalité qu'une seule et même traduction constamment reproduite. C'est là un signe certain que jamais, depuis l'établissement des Carmélites en France, aucune modification n'a été apportée à ces Constitutions, et qu'elles sont par là même au­thentiques et primitives.

Mais nous avons fait plus encore que constater la limpidité du ruisseau, nous sommes re­monté à la source. Nous devons à la charitable obligeance du premier monastère de Paris, la communication de l'exemplaire unique qui leur reste de la Règle et des Constitutions apportées IX* par les premières Mères espagnoles en 1604. Ce livre a été imprimé à Madrid en 1588, c'est-à‑dire sept ans après le chapitre, tenu à Alcala et six ans après la mort de sainte Thérèse. Sauf un léger changement touchant les heures de l'oraison mentale, du souper et des Complies, il reproduit exactement l'édition mère imprimée à Salamanque en 1581, sous les yeux des Pères d'Alcala et du vivant de la Sainte. C'est le témoignage unanime des auteurs les plus dignes de foi Espagnols ou Français, Carmes, séculiers ou même laïques. Au reste un exemplaire de cette précieuse édition se trouve X* en­core dit-on, au Couvent des Carmélites déchaussées de Bru­xelles.

Or ayant confronté phrase par phrase, ce texte de 1588 et notre traduction française, nous avons trouvé que, hormis le point du gouvernement dont nous parle­rons ci‑après, il y a entre l'Espagnol et le Français une con­formité parfaite. Les très rares différences qu'on y rencontre ne portent que sur des détails qu'on peut appeler insignifiants. D'ail­leurs pour que chacun pût mieux s'en rendre compte, nous les avons tous indiqués en note.

Le même esprit de fidélité et de conservation nous a fait XI* rétablir dans leur intégrité le pro­logue et la conclusion de la Rè­gle de saint Albert, comme aussi un paragraphe qui termine les Constitutions. Les deux premiers n'ont qu'un intérêt purement historique; l'autre ne regarde que les pays où les Carmélites sont régulièrement soumises au gouvernement des PP. Carmes. On les avait donc omis comme superflus pour ne pas trop gros­sir un volume qu'avant tout on voulait faire petit. Nous avons cru devoir également reproduire plusieurs pièces fort précieuses qui précèdent dans l'Espagnol la Règle et les Constitutions et qui, si elles ont été traduites en XII* français, ce que nous ignorons, ne figurent du moins dans au­cune des éditions que nous avons pu nous procurer. Nous avons cru devoir, il est vrai, omet­tre la première de ces pièces qui, outre qu'elle est fort lon­gue, n'intéresse point directe­ment les Carmélites de France. C'est la bulle de Grégoire XIII (22 juin 1580) séparant les Carmes réformés des mitigés, et attribuant aux premiers le gou­vernement immédiat des Car­mélites d'Espagne. Mais nous avons fait traduire et imprimer toutes les autres pièces, à savoir les lettres Apostoliques de Gré­goire XIII autorisant le Chapitre XIII* d'Alcala, la Confirmation par le Nonce D. César Spéciano des Constitutions rédigées dans ce Chapitre et deux lettres du P. Jé­rôme Gratien adressées l'une à sainte Thérèse, l'autre aux Mo­nastères des Carmélites de la réforme, et toutes deux relatives à leurs récentes Constitutions.

Enfin considérant qu'il n'y a rien de plus important ni de plus doux à conserver dans une famille que les titres authenti­ques de son origine ; que le texte Espagnol des Constitutions d'Alcala est devenu si rare qu'à notre connaissance il n'en existe en France qu'un exemplaire et qu'en Espagne même on ne le XIV* retrouve plus en dehors des grandes bibliothèques ; que la nécessité de réimprimer les Constitutions en français, et la facilité que Dieu nous donne de le faire est une occasion très­ favorable et peut‑être unique d'assurer la conservation d'un texte si précieux ; nous nous sommes décidés à le faire réimprimer à la suite de la traduction française ; non pas, il est vrai, dans l'édition commune destinée aux religieuses à qui ce texte serait manifestement inutile, mais dans l'Édition plus grande dont nous avons l'intention de faire hommage à Nosseigneurs les Évêques de France et dont XV* nous enverrons quelques exem­plaires à chaque Monastère afin qu'on les y puisse garder.

A part ces adjonctions, l'É­dition que nous offrons aux Car­mélites de France est la simple reproduction de celles qu'elles ont reçue de leurs ancêtres dans la Religion, et qu'elles ont toutes entre les mains.

Encore que non seulement les personnes désignées dans le premier article du premier chapitre pour régir le Carmel de France soient mortes depuis plus de deux siècles, mais que le mode même du gouvernement de ce Carmel soit actuellement changé, nous n'a­vons pas modifié ce début des XVI* Constitutions, nous contentant de renvoyer à la présente préface, pour qu'on se le pût expliquer. Outre que nous n'avions pas qualité pour faire ce changement, ce texte ancien a cet avantage de constater le régime particulier auquel, dès l'origine, il a plu au Saint-Siège de soumettre tout le carmel français. Du reste, comme le gouvernement des Carmélites n'a pas été le même à toutes les époques et dans tous les pays, même hors de France, ce premier article a nécessairement subi des variations nombreuses. C'est ce qui explique les diffé­rentes manières dont on le trouve rédigé même dans les XVII* Constitutions imprimées par les soins des RR. PP. Carmes pour les Monas­tères soumis à leur juridiction, soit en Italie, soit en Espagne.

II. Nous croyons nécessaire de dire ici un mot sur les Cons­titutions en usage dans ces deux pays afin qu'on sache en quoi et pourquoi, en dehors même du point qui concerne le gouverne­ment, elles diffèrent du texte français et partant des Constitutions primitives. Quel qu'ait été 1e nombre des modifications que, sur la demande des Pères Carmes, le Saint‑Siège a successivement apportées aux Constitutions d'Alcala, il n'y a présentement que deux textes authentiques et faisant XVIII*loi, l'un dont on se sert en Italie et dans toutes les provinces soumises aux Carmes de la Congrégation de Saint‑Elie ; l'autre qui est d'usage en Espagne. Le premier date du pontificat d'Urbain VII et fut officiellement proposé à tous les Monastères relevant de la susdite Congrégation par R.P. Ferdinand de Sainte‑Marie qui en était alors le Préposé général. Sa lettre circulaire est de 1630, c'est‑à‑dire postérieure de vingt-six ans à l'établissement du premier monastère de France. Cette lettre reproduite dans toutes les éditions publiées depuis en Italie, spécialement dans celle en date de 1858, est presque XIX* toute entière employée à prouver que les différences, apportées par le Saint‑Siège aux Constitutions primitives, ont trait à des points si secondaires qu'elles n'en chan­gent

aucunement le fond ; si bien que ces Constitutions restent substantiellement identiques à celles de sainte Thérèse, c'est‑à­-dire à celles d'Alcala. Il y est dit que « les présentes Constitutions ont été observées dans la Congré­gation de Saint‑Elie depuis l'an 1590, époque où quatre Mères vinrent d'Espagne pour fonder à Gênes le premier monastère d'Italie ; qu'elles sont celles-là même que sainte Thérèse a composées, enseignées et XX* observées, depuis qu'elle mit, la main à l'oeuvre de la réforme ; qu'elle ne les a pas, il est vrai, proposées sous son nom et n'a pas non plus permis que le Chapitre d'Alcala, où elles furent rédigées y fit la moindre mention d'elle ; mais que ce fut par humilité et afin que des règlements si importants parussent plus obligatoires et dignes de respect, étant donnés par un Chapitre qui avait autorité apostolique ; autorité qui d'ailleurs les confirma, d'abord en 1585, puis en 1590.» De quoi il tire cette conclusion que : « Comme Dieu a donné la loi ancienne XXI* aux Hébreux par la main de Moyse, il a donné ces règles aux Religieuses du Carmel par les mains de la sainte Réformatrice : de sorte que ces Religieuses les doivent tenir comme chose sacrée, comme un second Évangile et comme le livre dont Dieu se servira pour les juger ». Et en effet, il suffit de lire le texte Italien pour se convaincre qu'en affir­mant. cette identité des Constitutions, le Père Ferdinand dit simplement la vérité.

Quant aux Constitutions ac­tuelles des Carmélites d'Espagne, elles diffèrent très notablement de celles d'Italie et de France, XXII* et partant des Constitutions Es­pagnoles primitives. Entre beau­coup de changements tout à fait essentiels qui s'y rencontrent, nous nous bornerons à citer les articles où sont réglées les com­munions des Soeurs. Au Cha­pitre V portant ce titre : Des Confesseurs et Chapelains et de la sainte Communion, après avoir rappelé dans l'article 4 que toutes les Soeurs communieront ordinairement les Dimanches et Fêtes de Notre‑Seigneur et de la sainte Vierge et de plusieurs Saints désignés, on dit à l'article 5, qu'elles pourront aussi com­munier tous les jeudis si elles sont en esprit et en dévotion XXIII* pour le faire, et encore que cette communion ne soit pas d'obli­gation, on les exhorte à ne pas l'omettre. Après quoi on ajoute: « et parce que pour ne se point unir à ce Divin Sacrement l'âme reçoit beaucoup de dommages, et qu'aussi d'autres résultent pour elle si elle le reçoit plus souvent que ne le veut la prudence, nous déclarons que quand il se rencontrera dans la semaine une des fêtes ci‑dessus désignées pour la Communion obligatoire, ou d'autres fêtes, comme celles des Apôtres ou autres semblables, dans ce cas les Soeurs omettront la Communion soit XXIV* du Jeudi, soit du Dimanche selon que l'un ou l'autre de ces jours sera plus rapproché de celui où elles auront communié : de manière qu'en aucun cas elles ne devront communier plus de deux fois la semaine, et qu'entre chaque Communion, on garde an moins un intervalle de deux ou trois jours. »

On fait cependant une exception pour le jour anniversaire de l'entrée en Religion et de la Profession. Après quoi on reprend : art. 6 : « Si pour des causes particulières très graves et urgentes, il arrive qu'une religieuse veuille faire XXV* une communion de plus que les deux ordonnées ou permises, elle ne la fera point sans une permission expresse et ordonnance de notre Père Général, à qui nous recommandons d'accorder cela très rarement. »

Nous traduisons ceci du texte imprimé en 1850 à Barcelone, et qui reproduit exactement l'é­dition de 1787 imprimée à Madrid.

Nul ne peut avoir la pensée de blâmer ce régime ; car de même qu'au seizième et dix-septième siècles, le Saint‑Siège a approu­vé pour la congrégation d'Italie les Constitutions qui y sont en XXVI* usage, de même au dix‑huitième il a approuvé celles‑ci pour l'Es­pagne. C'est ce qu'on lit dans le bref apostolique qui les précède et que Pie VI accorda aux Carmes le 12 de mai 1786.

Pour la France, il est incon­testable que les Mères Espagno­les y apportèrent, très volontairement, non l'un des textes révisés de 1590 à 1592, mais le texte primitif de 1588. L'ont‑elles fait indûment, c'est‑à‑dire sans conseil et contre l'obéissance, c'est ce qu'il est impossible de supposer de la part de personnes telles que les Vénérables Mères An­ne de Jésus, Anne de Saint‑Barthé­lemy et Isabelle des Anges, XXVII* mortes toutes trois en odeur de sain­teté ; d'autant que quand Anne de Jésus alla fonder en Flandre, ce fut encore ce texte qu'elle y emporta et y fit imprimer: et tel était l'attachement qu'y avaient les Carmélites, que quand, en 1610, le Saint‑Siège confia celles de Flandre aux Carmes d'Italie, ces Pères eurent toutes sortes de peine à y faire accepter les Constitutions révisées, encore que pour les monastères qui leur étaient soumis ces Constitutions fussent réellement obligatoires. Mais de plus comment eût‑il pu se faire que les hommes si gra­ves, si doctes et véritablement si saints que le Saint‑Siège chargea XXVIII* de pourvoir au laborieux établis­sement des Carmélites en France n'eussent pas su découvrir l'irrégularité prétendue de ce choix des Constitutions ; ou, ce qui est pire encore, l'eussent soufferte, s'ils l'avaient constatée, don­nant ainsi pour fondement à une oeuvre si importante et si sacrée un acte, coupable et anti‑canoni­que? Et si, par impossible, ils l'avait fait, comment compren­dre que le Saint‑Siège, au vu et su de qui tout s'était fait dès l'origine et qui avait mis un soin si particulier à régler tout ce qui regardait la fondation de France, n'eût fait sur un point de cette conséquence ni injonction, ni XXIX* observation, ni réclamation d'au­cune sorte, gardant ce silence durant deux siècles, encore que tant de bulles et de brefs qu'il a successivement écrits durant ce long espace de temps pour les divers besoins des Monastères français lui en aient fourni des occasions si nombreuses et si naturelles ? Comment comprendre enfin que cela n'ait soulevé aucune difficultés dans le procès de Béatification de la B. Marie de 1'Incarnation qui, non seulement avait vécu sous ces Constitutions, mais qui avait été engagée si di­rectement et de tant de manières dans l'établissement des Carmé­lites de France? Rien ne semble XXX* donc plus légitime qu'une pos­session si ancienne, si générale et si paisible ; et il n'est point douteux que le fond des Constitu­tions du Carmel restant partout le même, surtout en Italie et en France, le Saint‑Siège n'a pas plus prétendu soumettre notre pays aux quelques modifications qu'il a accordées aux Carmes pour gouverner en la manière qu'ils croyaient la meilleure les religieuses de leur Congrégation de Saint‑Elie, qu'il n'a voulu soumettre les Monastères rele­vant de cette Congrégation aux changements ultérieurement au­torisés par lui pour l'Espagne. Il en résulte que présentement les XXXI* Carmélites de France ne sont pas plus fondées à quitter leurs Cons­titutions près de trois fois séculai­res pour prendre les Italiennes de 1630 qui en diffèrent si peu, que pour adopter les Espagnoles de 1786 qui, par certains endroits, y sont si peu semblables. Et du reste il est clair qu'un pareil change­ment ne pourrait régulièrement se faire qu'avec l'assentiment de l'ordinaire et l'approbation du Souverain Pontife.

III. Il ne nous reste plus qu'à résumer brièvement l'histoire du gouvernement des Carmélites de France.

Chacun sait que, par sa bulle du 13 novembre 1603, le Pape XXXII* Clément VIII ordonna qu'elles fussent régies par MM. Gallemant, Du Val et de Bérulle, sous la visite du Commissaire général des Carmes et, en attendant que les Carmes fussent établis en France, sous celle du P. Général des Chartreux. La charge des trois Supérieurs était perpétuelle en ce sens que les survivants devaient toujours pourvoir an remplacement de celui qui serait décédé. .Le Général des Chartreux ayant cru devoir décliner cette charge de visiteur, le pape Paul V, confirmant d'abord les pouvoirs donnés par Clément VIII aux trois premiers Supérieurs, régla provisoirement que, sur XXXIII* présentation faite par eux, son Nonce en France nommerait tous les trois ans un Visiteur général et « cela encore que les PP. Carmes eussent des Couvents à Paris, ou en France, ou même vinssent à en avoir, ce qui impliquait déjà la révo­cation du droit de visite attribuée en principe par Clément VIII au Commissaire général des Carmes, droit qui en fait n'avait d'ailleurs jamais été exercé. Le bref de Paul V est du 8 septembre 1606. Par un autre bref du 17 avril 1614 le même Pape établit qu'au lieu d'être élu tous les ans, le Visi­teur général serait désormais perpétuel et révoquant la XXXIV* commission donnée précédemment au Nonce, il attribua définitivement cette charge au R. P. de Bérulle, Général de la récente Congrégation de l'Oratoire et a ses successeurs . Ce bref fut confirmé par Grégoire XV, le 21 mars 1621, et le douze septembre 1622.

En 1630, le R.P. de Condren second supérieur de l'Oratoire, ayant renoncé pour lui et pour ses successeurs à la charge de Visiteur des Carmélites de France, celles-ci s'adressèrent de nouveau au Saint-Siège, et le Pape Urbain VIII alors régnant, rétablit par un bref du 11 avril le règlement de Paul V, chargeant de nouveau son Nonce XXXV* de nommer tous les trois ans un ou plusieurs visiteurs, selon que 1'exigeraient les besoins de l'Ordre déjà fort étendu en France.

Quelques troubles excités en 1658, par deux Supérieurs qui s'arrogeaient à tort le droit de visite, amenèrent le pape Alexandre VII à autoriser chaque monastère de France à se choisir tous les trois ans un Supérieur immédiat, avec faculté de le réélire tant que besoin serait.

Le Nonce ou l'ordinaire du lieu à titre de délégué du Saint-Siège, devait confirmer cette élection. Le bref d'Alexandre VII est du 28 septembre 1661. Le Pape y réserva de nouveau le droit de visite aux deux XXXVI* visiteurs perpétuels alors existant et à leurs successeurs ; le Visiteur survivant devant en présenter un au Nonce à qui il appartenait de le confirmer.

Ce régime a duré sans interruption jusqu'à l'époque de la Révolution française où tous 1es Monastères furent supprimés et les Religieuses dispersées.

Toute exemption des couvents de femmes ayant cessé par suite du régime général canoniquement établi en France par le Concordat, chaque monastère de Carmélites est rentré de droit sous la juridiction de l'évêque du diocèse où il est établi. C'est aux Evêques qu'il appartient XXXVII* désormais de visiter et de gouverner ces monastères ; ce qu'ils font ou par eux‑mêmes ou par les prêtres soit séculiers soit même réguliers qu'il leur plaît de délé­guer à cet effet. Ils nomment d'office les Visiteurs; et quant aux Supérieurs, les religieuses qui les ont élus après chaque triennat en la forme prescrite ­par le Pape Alexandre VII, les proposent à la confirmation de l'Ordinaire dont elles dépendent. Le Saint‑Siège peut certaine­ment changer ce mode de gouver­nement, mais il n'y a que lui qui puisse le faire.

LETTRES APOSTOLIQUES DE NOTRE TRÈS‑SAINT PÈRE GREGOIRE XIII ACCORDÉES EN FORME DE BREF

sous l'anneau du pêcheur, pour l'exécution d'autres lettres apostoliques émanées de sa Sainteté, à l'effet d'ériger la province des religieux carmes déchaussés, et de la séparer des provinces de l'Ordre mitigé.

A Notre bien‑aimé fils le Père Jean de las Cuevas, Prieur du monastère de Saint‑Ginès de Talavera, diocèse de Tolède, de l'Ordre de St Dominique

                                               GRÉGOIRE PP. XIII

Cher fils, salut et bénédiction apostolique Il y a peu de jours que déterminé par de justes motifs, nous avons séparé et 2* détaché nos bien-aimés fils les Religieux Déchaussés de l'Ordre de la très glorieuse Vierge Marie du Carmel, résidant dans les royaumes d'Espagne, ainsi que les Religieuses du même Ordre qui suivent aussi la même Règle primitive et leurs maisons, couvents, monastères et autres lieux, que nous les avons, dis‑je, séparés et détachés des provinces des Religieux et Religieuses du même ordre qui observent la Règle mitigée par notre prédécesseur Eugène IV, d'heureuse mémoire, qui pour cela se nomment Carmes Mitigés. Nous avons exempté et délivré les dits Religieux Déchaussés de toute juridiction, visite, correction et supériorité que les Prieurs, Provinciaux et autres Supérieurs de l'ordre 3* mitigé avaient le droit d'exercer sur eux. Nous avons érigé et fondé de toutes les maisons, monastères et tous autres lieux appartenant aux Carmes Déchaus­sés une province à part qui por­tera leur nom, et qui comprend aussi bien les fondations déjà existantes que celles qui se feront à l'avenir, tant de Religieux que de Religieuses Déchaussés. La dite province sera dirigée et gou­vernée par un Provincial élu dans le Chapitre provincial, comme nous l'avons expliqué plus au long dans nos précédentes lettres. Et, comme il nous a été rapporté qu'il était urgent de procéder au plus tôt à la tenue de ce Chapitre provincial et qu'on y traite et délibère de l'état de l'ordre tout entier, des maisons et monastères des Religieux Déchaussés de la nouvelle Province, et qu'on y procède à l'élection du Provincial et des autres Supérieurs, nous, plein de confiance en toi dont la prudence, la bonté et l'expérience nous sont connues, nous espé­rons avec l'aide du Seigneur que tu pourras être très utile par des conseils salutaires et des secours opportuns à l'institution et au gouvernement de cette province et de ses maisons. Et voulant condescendre sur ce point aux prières de notre cher fils en Jésus-Christ, Philippe, roi catho­lique d'Espagne, par l'autorité apostolique et selon la teneur des présentes, nous te constituons et députons Président du Chapitre Provincial qui doit se tenir, t'investissant de toute l'autorité, 5* juridiction et des facultés nécessaires pour que tu puisses procéder promptement aux élections qui se feront en ce chapitre faisant choix de sujets propres et capables, selon la forme déterminée dans nos lettres précédentes. De plus, nous te donnons le pouvoir de convoquer le dit chapitre au lieu et dans le temps qui te paraîtront convenables, et d'y appeler ceux des religieux de la dite province que tu jugeras à propos ; enjoignant à tous et chacun des religieux déchaussés et à tous les autres auxquels il appartient, que sans aucune hésitation, ils te reconnaissent comme Président dudit Chapitre, et qu'ils se soumettent avec tout le respect, l'obéissance et l'humilité convenables à toi et à tes 6* prescriptions salutaires : qu'ils se rendent au Chapitre provincial au temps et au lieu que tu leur auras indiqué : l'élection du sus-dit provincial étant faite, toi et le Provincial élu vous présiderez le Chapitre, et tu pourras y être présent et donner les conseils et les secours opportuns et néces­saires pour faire et promulguer les ordonnances, les réformes et les statuts auxquels le Chapitre doit procéder s'il vous paraît convenable à l'un et à l'autre d'en faire quelqu'un pour le bon gou­vernement de la province. Nous voulons aussi, qu'aussitôt après la tenue dudit Chapitre provin­cial, la juridiction et les facultés, qui te sont accordées par les pré­sentes lettres, cessent d'avoir leur effet et valeur et demeurent 7* annulées pour l'avenir : et cela nonobstant les Constitutions, or­donnances apostoliques, statuts et coutumes dudit Ordre, lors même qu'elles auraient été con­firmées par serment et auraient reçu la sanction apostolique ou toute autre garantie contraire.

Donné à Rome, à Saint‑Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le vingt de novembre de l'an mil cinq cent quatre-vingt, la neu­vième année de notre pontificat.

CAES. GLORIERIUS.

8*                                      

ACTE DE CONFIRMATION


PAR LEQUEL L'ILLUSTRISSIME ET RÉVÉRENDISSIME DON CÉSAR SPECIANO, NONCE DE SA SAINTETÉ, APPROUVE ET SANCTIONNE LES CONSTITUTIONS DES CARMÉLITES DÉCHAUSSÉES.

Don César Spéciano, par la grâce de Dieu et du Saint‑Siège, évêque de Novarre et Nonce de Sa Sainteté Sixte V dans les royaumes d'Espagne, avec les pouvoirs d'un légat a Latere : à nos bien-aimées filles en Jésus-Christ, les Abbesses, Prieures et autres Religieuses Carmélites Dé­chaussées établies dans les Royau­mes d'Espagne, salut au nom du Seigneur.

                 La pureté de l'Ordre religieux 9* dans lequel vous servez le Sei­gneur avec un esprit d'humilité, de dévotion et de ferveur ; la sainteté et régularité de la vie que vous professez, méprisant les pompes mondaines et embras­sant volontairement et de grand coeur les rigueurs et austérités de votre Règle pour arriver à la jouissance des choses célestes et éternelles qui font toute votre étude, comme aussi l'excellence de vos mérites, nous portent, eu égard à la sollicitude que nous impose la charge dont nous som­mes revêtu par l'autorité du Saint‑Siège, à vous octroyer gra­cieusement tout ce qui peut con­tribuer à l'exacte et parfaite ob­servance de votre Règle : de plus, nous désirons vous affranchir de tout ce qui pourrait vous 10* détour­ner de son but ou être un obsta­cle à son développement, en sorte qu'il vous devienne plus facile de vaquer à la contemplation des biens célestes et de les acquérir.

Dans une supplique qui tout ré­cemment nous a été présentée de votre part, vous exposez qu'en outre de la Règle donnée à votre Ordre par Albert, d'heureuse mé­moire, Patriarche de Jérusalem, le Vicaire ou Commissaire apos­tolique et le Provincial, ainsi que les Définiteurs de l'Ordre des Carmes Déchaussés avaient ordonné et publié pour le bon gouvernement de vos monastères quelques Cons­titutions particulières au nombre de vingt chapitres. Le premier :De l'obéissance et Election des Supérieurs. ‑ Le second : De la Réception des Novices, de leur Profession, et du nombre des Re­ligieuses qu'il doit y avoir en chaque couvent‑ Le troisième : De la Clôture. ‑ Le quatrième : Du Dîner et Réfection. ‑ Le cinquième : Des Heures canoniales et choses spirituelles. ‑ Le si­xième : De la Communion. ‑ Le septième : De la Pauvreté et du Temporel ‑ Le huitième : Des Jeûnes et Habits. ‑ Le neuvième : Du travail et labeur des mains. ‑Le dixième : Du Silence et Retraite aux cellules. Le onzième : De l'humilité et Pénitence. ‑ Le douzième : Des Malades. Le treizième : Des Trépassés. Le quatorzième : Exhortation de ce à quoi sont obligées, tant la mère Prieure, comme les autres en leurs Offices. Le quinzième : Du Chapitre 12* des Coulpes. Psaumes pour le Chapitre. ‑ Le seizième : De la Coulpe légère. ‑ Le dix‑septième : De la Coulpe moyenne. ‑Le dix‑huitième : De la Coulpe griève. ‑ Le dix‑neuvième : De la Coulpe plus griève. ‑ Le Vingtième : De la Coulpe très ­griève.

Ces Constitutions, vous les ob­servez présentement comme c'est votre devoir, et par la grâce du Seigneur, vous désirez conti­nuer à les observer d'une manière ferme et stable, tant pour vous avoir été données par vos Supérieurs que parce qu'elles ont été divinement inspirées à la Fondatrice et Institutrice de votre Ordre, feue Thérèse de Jésus. Quant aux heures des complies, bien qu'elles soient marquées dans vos 13* Constitutions, néanmoins à cause de l'observation du silence, l'u­sage a prévalu, tant dans vos mai­sons que dans celles de vos frères les Carmes Déchaussés, de les réciter après le souper ou la col­lation, et cette coutume doit être maintenue comme vous le désirez. Et quoique, ainsi que le disait vo­tre requête elle‑même, ce que l'on sait avoir été fait par des Supérieurs aptes et munis de fa­cultés légitimes ait toute la force et valeur nécessaire, cependant, les prescriptions dans lesquelles intervient l'autorité du Siège Apostolique ayant encore plus de force, vous nous avez supplié d'approuver et confirmer les dites Constitutions, afin d'y ajouter ainsi une sanction perpétuelle. Quant à nous, voulant que votre 14* désir ait son plein effet, et don­ner une entière sanction aux choses pieusement et saintement établies pour l'intégrité et l'hon­neur dudit Ordre et sa pureté qui nous tient fort à coeur (après avoir préalablement, par les pré­sentes Lettres et seulement pour qu'elles aient leur effet, absous et déclarées absoutes, vous toutes en général, et chacune de vous en particulier, de toutes sentences d'excommunication, censures, peines ecclésiastiques prononcées ou infligées en quelque occasion, ou par quelque individu que ce soit, supposé que vous les ayez encourues, pourvu qu'au mépris d'icelles, vous n'ayez pas passé l'année sans vous en faire relever): mû par vos instances, et considérant comme 15* suffisamment expliquée la teneur desdites Constitutions insérée dans les présentes lettres, nous en approuvons et confirmons le con­tenu en vertu de l'autorité Apos­tolique qui nous a été déléguée à cet effet, et voulons leur donner à perpétuité force de loi. Nous entendons de même suppléer aux défauts ou irrégularités de droit comme de fait qui pour­raient s'y être glissées et obligeons tous les membres de l'Ordre pour le présent et pour l'avenir à s'y conformer. Et s'il se faisait que les Carmes Déchaussés eussent obtenu par le passé quelques concessions ou privilèges déro­geant aux dites Constitutions, (cela ayant été fait contre notre intention), nous les cassons et annulons, déclarant les Religieux 16* tenus à l'observance de la Règle actuellement en vigueur. Néan­moins, nous n'entendons point déroger à l'usage et coutume de réciter les Complies après le sou­per ou la collation, comme aussi nous n'entendons déroger en aucune façon à nos lettres du treize février de l'an mil cinq cent quatre‑vingt‑sept, par les quelles nous avions statué, que tout ce qui concerne la direction, le gouvernement et l'administration des monastères de femmes dépendit uniquement du Vicaire général et des Conseillers et que ce qu'ils auraient décidé eût son exécution. (Cette précédente décision conserve toute sa force et son effet). De plus nous décrétons, comme cela avait été accordé, que les Vicaires et 17* Conseillers conservent la direction et le gouvernement des Religieuses en tout ce qui n'est pas contrai­re à l'observance de la Règle, leur refusant le droit de rien changer aux dites Constitutions, ni d'en accorder la dispense sur aucun point, leur enjoignant au con­traire de les faire observer complètement et dans toute leur inté­grité. A cette fin, nous mandons et ordonnons à nos Vénérables Frères les Archevêques de To­lède et de Séville et à l'Evêque d'Avila, ou aux hommes sages, leurs Officiers ou Vicaires, que publiant avec solennité les pré­sentes lettres, soit conjointement soit individuellement ou par des délégués, que les publiant en tout ou en partie, où et toutes et quantes fois ils en seront requis 18* par vous et qu'il sera jugé né­cessaire, toujours assisté de notre puissante protection, ils fassent en sorte qu'en vertu de cette au­torité, vous usiez et jouissiez paci­fiquement de tout ce qui vous est octroyé par la teneur des présentes, ne permettant point qu'à cet égard vous soyez aucu­nement molestées ; bien plus, réprimant par sentences, cen­sures, peines ecclésiastiques et autres modes de répression, les contradicteurs, rebelles et oppo­sants à icelles Constitutions : sans avoir égard aux Constitutions ou Ordonnances Apostoliques pu­bliées dans les Conciles provin­ciaux ou dans les Synodes, ni aux statuts, coutumes, privilèges, indults quelconques con­cédés, approuvés et ratifiés même 19* par serment, qui seraient en op­position avec les Présentes.

Donné à Madrid, diocèse de Tolède, l'an de grâce mil cinq cent quatre‑vingt-sept, le treize d'octobre, la quatrième année du Pontificat de Notre Très‑Saint Père le Pape Sixte‑Quint.

Signé :CÉSAR, Évêque de Novarre, Nonce apostolique.

Félix NOVELLO, Abréviateur.

20*  

LETTRES DU PERE GRATIEN


A LA RÉVÉRENDE MÈRE THÉRÈSE DE JÉSUS, fondatrice des Monastères des Religieuses Carmélites Déchaussées

Le père Jérôme Gratien de la Mère de Dieu, Provincial de la province du même Ordre, grâce et consolation dans l'Esprit-Saint.

Celui qui est la vraie lumière qui illumine tout homme venant dans ce monde, dont le divin coeur renferme tous les trésors de la science et de la sagesse ne voile pas les connaissances sublimes à l'entendement des femmes, et il ne dédaigne pas de leur donner sa lumière pour qu'elles 21* atteignent la perfection de la vie chrétienne, et qu'elles brillent comme des astres dans le firma­ment et le ciel de l'Eglise catho­lique. C'est ainsi que ce souve­rain Seigneur a donné son esprit de prophétie (sans parler des anti­ques sibylles) à la prophétesse Hulda, à Débora et à la valeu­reuse Judith la science pour juger et gouverner son peuple; la pru­dence à Abigaïl ; la sagacité à la femme de la ville d'Abela, d'où est né le proverbe « que celui qui ne sais aille s'instruire à Abela », la finesse à la femme de Thécua, qui par son industrie, obtint du roi David le pardon pour son fils Absalon. Voilà ce qu'on lit de toutes ces femmes dans l'Ecriture sainte. C'est lui qui a donné aux 22* glorieuses saintes Brigitte, Ger­trude, Angèle de Foligno, Ma­thilde, Catherine de Sienne et Catherine de Gènes ce langage spirituel, intérieur et fervent qu'on trouve dans leurs écrits, et il le leur a donné pour qu'elles écrivissent des conseils à leurs Religieuses ; c'est ce qu'il a fait aussi pour la glorieuse sainte Mélanie, ancienne religieuse de notre Ordre, et pour sainte Hil­degarde, religieuse de l'Ordre de Saint Bernard, sa contemporaine : et finalement, n'est‑ce pas lui qui, après que Sa Majesté fut montée au ciel, a donné pour guide et maîtresse aux apôtres sa très sainte Mère la plus sage et la plus prudente de toutes les créatures du monde : c'est ce que rapporte Saint Denis, 23* l'Aéropagite . Voyant donc que ce divin Seigneur, qui vent que tous se sauvent et arrivent à la connais­sance de la vérité, a choisi Votre Révérence pour donner la lu­mière à ses filles des monastères des Carmélites Déchaussées que vous avez fondés, vous douant à cet effet de tant d'intelligence, d'esprit, de prudence, de discer­nement, de sagacité, tout cela joint à cinquante ans d'expé­rience de la vie religieuse, pen­dant lesquels vous avez conféré avec les hommes les plus doctes et les plus versés dans la science de la vie intérieure qui aient existé de nos jours, les prenant pour guides, et vous tenant cons­tamment sous leur obéissance : du concours de toutes ces choses, il est résulté que vous avez donné 24* à vos filles des conseils et des avis si salutaires, que si elles les observent et se laissent guider par eux, elles atteindront le com­plément de la perfection reli­gieuse qu'elles désirent vivement, que vous voulez avec fermeté et que je suis obligé de procurer en ma qualité de Supérieur.

Le conseil principal et en même temps le plus ordinaire que j'ai su que vous leur donnez, c'est qu'elles ne laissent jamais tomber de leurs mains la loi de Dieu, la Règle et les Constitu­tions de l'Ordre ; qu'elles les lisent tous les jours, qu'elles les conservent toujours en leur es­prit pour les comprendre, en leur mémoire pour les méditer, et dans leur coeur pour les gar­der et s'y soumettre.

25* Comme très assurément il n'y a pas de chemin plus clair, plus uni, plus sûr et plus certain pour ar­river à la perfection que l'obser­vance de la loi de Dieu, l'obéis­sance à la Règle, aux Constitu­tions et aux ordres des Supé­rieurs ; pour cette raison, mon avis a été de les faire imprimer, afin que toutes puissent les avoir, et dans ce petit format pour qu'il soit plus facile de le porter avec soi et de le manier.

La Règle remonte à celle d'Al­bert, patriarche de Jérusalem ; elle avait d'abord été écrite par le grand Basile ; c'était un résumé des coutumes et de la méthode de vie qu'observaient les anciens Moines du désert. Quant aux Constitutions, elles sont divisées en vingt Chapitres qui suivent 26* le même Ordre que les Chapitres de la Règle; de fait, les Consti­tutions ne sont autre chose qu'une explication de la Règle. Les Chapitres sont subdivisés en paragraphes pour obtenir plus de clarté et pour que les articles se fixent mieux dans la mémoire. Ces Constitutions furent d'abord tirées des anciennes Constitu­tions de l'Ordre données par notre Révérendissime Père Maître Jean‑Baptiste Rubeo de Ravenne, Prieur général. Ensuite le Très­ Révérend Père Pedro Fernandez, Visiteur apostolique de cet Ordre pour N. S. P. le Pape Pie V, ajouta quelques clauses et éclair­cissements à quelques‑unes des Constitutions, et enfin, moi aussi, j'ai fait de petites additions, lorsque j'ai visité par commission 27* apostolique cette Congrégation des Carmélites Déchaussées, et la province des Carmes Chaussés d'Andalousie. Et finalement dans notre Chapitre Provincial qui se tint à Alcala, le Révérend Père Jean de las Cuevas qui le présidait, les définiteurs et moi­-même, nous fûmes d'avis qu'il convenait de réunir tous les actes et les Constitutions dans l'ordre où elles se trouvent maintenant, expliquant, ajoutant et retran­chant quelques choses, quoique en petit nombre. En rédigeant le premier Chapitre dans lequel, par commission apostolique, on porta des lois pour les Religieux, il convenait de déterminer aussi les lois pour les Religieuses ; on détacha donc la province des Déchaussés de celle des Carmes 28* Chaussés, et on réunit dans une seule main le gouvernement des Religieux et des Religieuses.

Que Votre Révérence prie Notre‑Seigneur et la Vierge Notre‑Dame, pour que ses filles gardent cette Règle et ces Cons­titutions comme elles y sont obli­gées, et pour que j'obtienne la grâce de vous être toujours utile et agréable en toutes choses ; de mon côté je ne négligerai jamais de supplier Sa Divine Majesté de vous conserver à nous aussi long­temps et avec autant de santé et de vigueur d'esprit que je le désire, et que nous en avons be­soin. Amen.

AUX RELIGIEUSES MÈRES ET SŒURS CARMÉLITES DÉCHAUSSÉES

Le Père Jérôme Gratien de la Mère de Dieu, Provincial, grâce et salut dans le Seigneur.

Le glorieux Saint Clément, disciple du Prince de l'Église, Saint Pierre, explique ce que la Reli­gieuse doit être par les paroles suivantes : « Que la vierge con­sacrée soit sainte d'âme et de corps, comme étant le temple de Dieu, la maison du Christ, et le séjour du Saint Esprit ; qu'elle montre par ses oeuvres la sincérité de sa 30* profession, en l'accomplissant di­gnement, dans le seul but de l'exercice de la piété ». Il pa­raîtrait par ces paroles que Saint Clément impose aux Religieuses une grande obligation, puisqu'il exige d'elles, non seulement qu'elles observent en toute vérité dans leurs actions la règle et les constitutions, mais encore qu'el­les atteignent la perfection finale, qui est l'exercice de la piété, par lequel Saint Clément entend le désir de la gloire et de l'honneur de Dieu ; mais si l'on fait atten­tion aux grands avantages qu'il leur attribue, le prix auquel il met ce gain paraîtra peu de chose.

Elle est grande, Mères et Soeurs, la dignité des Religieuses. Saint Ignace, disciple de Saint Jean l'Évangéliste, dit qu'elles 31* sont les joyaux les plus précieux que Jésus‑Christ possède dans le trésor de son Église, formés de l'or de la sagesse, dans lequel sont enchâssées les perles et les pierres précieuses des vertus, et qui est tout émaillé des bons dé­sirs d'une plus grande perfection. Et le grand Basile les appelle Anges de la terre, parce que, quoiqu'elles soient dans ce mon­de, leur conversation est dans les cieux, et leurs pensées sont célestes. Le bienheureux Saint Jean Chrysostome fait une lon­gue comparaison entre le Reli­gieux et le Roi, et il donne la supériorité au Religieux. Le glo­rieux Jérôme les appelle colom­bes sans fiel qui suivent dans le réseau de différents monastères, la colombe sans tache la très ­32* sainte Vierge, laquelle (au dire de Saint Barthélemy cité par Abdias de Babylone) fut la première qui fit voeu de chasteté ; et en suivant cette colombe argentée, elles volent dans les trous du rocher, dans les fentes de la muraille, qui sont les plaies du Christ, d'où sortent la rosée et le lait de la dévotion pour alimenter les eaux abondantes des ruisseaux de la sagesse divine. Et parce qu'elles persévèrent sans cesse dans cette vie toute spirituelle et qu'elles se donnent si sincèrement à l'oraison : ce même glorieux Saint Clément les appelle encen­soirs d'or, et très suave encens de l'autel de l'Agneau lequel, mis sur les braises de l'amour divin, exhale son esprit comme un mélange de fumée qui s'élève 33* à la fois de la myrrhe, de l'encens et de toute espèce de parfums, à savoir de la mortification, de la dévotion, et de toutes les diffé­rentes vertus. Le glorieux Saint Martial appelle aussi la vierge Valérie, qui avait déjà pro­noncé les voeux et pris le voile, la fiancée du Roi céleste, et l'apôtre Saint Matthieu donne le même nom à Iphigénie à laquelle il avait donné le voile et qu'il avait placée à la tête de deux cents religieuses en qualité de Prieure ; c'est ce que raconte le même Abdias dans le septième livre de son histoire. On applique aussi à la Religieuse ces paroles de Saint Jean dans l'Apocalypse : « J'ai vu la ville sainte de la Jé­rusalem nouvelle qui descendait du ciel, comme une épouse 34* parée pour son époux. » Il l'ap­pelle ville à cause de la force, et sainte à cause de la pureté de l'âme, Jérusalem (qui veut dire vision de la paix), à cause de l'o­raison et de la quiétude, nouvelle parce que chaque jour la reli­gieuse doit renouveler ses bons propos. Il dit qui descend du ciel parce qu'elle reçoit d'en haut les divines inspirations, et il l'ap­pelle enfin épouse parée, dédiée, consacrée à son très doux époux Jésus.

Reconnaissez donc, mères et soeurs religieuses, la grande dignité dont vous êtes investies, et remerciez le souverain Roi votre époux de la grâce qu'il vous a faite en vous attirant dans ces monastères ; témoignez‑lui votre reconnaissance en gardant 35* avec perfection votre Règle et vos Constitutions. Vous êtes le temple, de Dieu ; sacrifiez dans le péristyle de la sensualité vos passions désordonnées ; conservez dans le sanctuaire de la raison la table des bons propos et le chandelier d'or de la sagesse, et dans le Saint des saints de votre volonté l'urne de la manne de la suavité de l'esprit, la verge de la rectitude, le livre et les tables de la loi, c'est‑à‑dire la connaissance et la fidélité à la loi de Dieu, à votre Règle et à vos Constitutions. Vous êtes aussi la maison du Christ; il demeure par la foi dans vos coeurs, puisqu'il ha­bite dans les âmes humbles et qui écoutent avec tremblement ses paroles et ses ordonnances. Etant enfin la demeure de 36* l'Esprit-Saint, vous devez être conti­nuellement embrasées d'amour et celui‑là aime qui garde les com­mandements. En votre qualité de joyaux précieux, ne vous détachez jamais de la poitrine d'Aaron, c'est-à-dire de la volonté et des ordres de vos supérieurs; et puis­que vous êtes les anges de la terre, servez celui que servent et adorent les Anges du ciel, car il n'est pas convenable que celles qui sont plus que des rois se fassent escla­ves du démon en violant les lois du Roi des rois. Puisque vous êtes des colombes, rejetez le fiel de votre nature qui rendrait vos Constitutions insipides et amères, et ne cherchez point à en fausser le sens en les interprétant: ; que l'en­cens de l'oraison ne vous manque jamais; méditez jour et nuit la loi 37* du Seigneur comme la Règle l'or­donne. Fiancées à un si bon époux, ouvrez‑lui les portes de votre consentement ; sortez pour le recevoir avec les lampes de l'observation de la loi ; que ces lam­pes brûlent du feu sacré de l'Es­prit; tenez‑les dans les mains des bonnes oeuvres, et accomplissez dignement tout ce que vous avez voué. Vous le savez, Dieu tient tellement à l'exacte observation de ce qu'on a promis, que si, dans l'ancienne alliance, quelqu'un a­vait voué la chasteté, il la devait protéger contre les moindres oc­casions ; si bien que d'après la loi, il ne buvait pas de vin, ne mangeait point de raisin, ni frais ni sec, et s'interdisait même de manger le pé­pin: ce qui signifie qu'il fuyait, même l'ombre du péril. Accomplissez 38* parfaitement vos voeux, car selon l'Ecclésiastique, « il vaut mieux ne pas faire de voeu que de ne pas l'accomplir après l'avoir fait ». Ne retournez pas en arrière après avoir commencé, puisque celui qui regarde en arrière après avoir mis la main à la charrue n'est pas apte pour le royaume de Dieu. Maudit soit, dit le Seigneur par un prophète, le trompeur qui ayant fait un voeu et ayant dans son troupeau un bon agneau gras propre à être offert, veut s'acquitter en donnant à Dieu un agneau maigre. Avec raison il appelle trompeur celui qui pouvant observer la loi avec ferveur, l'observe avec négligence. Dites toujours avec le prophète royal : « Je remplirais mes voeux en présence de ceux 39* qui le craignent. Ainsi, je chanterai et psalmodierai dans les siècles des siècles. Que j'accomplisse mes voeux de jour en jour. J'entrerai dans votre maison, Seigneur, et je vous offrirai pour holocauste l'observance        des voeux que mes lèvres ont prononcés ».

Et puisque les Constitutions sont la voie la plus droite pour accomplir parfaitement les voeux, les voici, je vous les donne imprimées pour que vous les lisiez, les étudiiez, les observiez : afin que lorsque l'Epoux viendra, il vous trouve veillant à leur garde et qu'il vous ouvre les portes de sa féli­cité, vous recevant avec lui aux noces éternelles de sa gloire. Amen.

RÈGLE PRIMITIVE

D'ALBERT PATRIARCHE DE JÉRUSALEM de l'an 1171 CONFIRMÉE, CORRIGÉE ET MODIFIÉE, PAR NOTRE TRES‑SAINT PÈRE LE PAPE INNOCENT IV L'AN 1248, POUR LES RELIGIEUX DU MONT‑CARMEL.

Innocent, évêque serviteur des serviteurs de Dieu, à nos bien-­aimés fils le Prieur et les Reli­gieux ermites de Notre‑Dame du Mont‑Carmel, salut et béné­diction apostolique. Il est juste que toutes les choses qui se rap­portent à l'honneur du Créateur du monde et au bien des âmes soient soutenues et fortifiées par 41* une protection constante; et par­ticulièrement doit‑il en être ainsi à l'égard de celles que le Saint­-Siège a toujours environnées d'un soin et d'une assistance spéciale. C'est pourquoi adhérant à votre prière et à vos instances, Nous avons fait éclaircir quelques dou­tes, comme aussi corriger et bé­nignement modifier quelques points importants de votre Rè­gle, par le moyen de notre bien-aimé fils Hugues, cardinal de sainte‑Sabine et de notre vénéra­ble frère Guillaume, évêque d'An­tera, ainsi que cela se voit expli­qué plus au long dans nos lettres données sur ce sujet.

Maintenant, voulant condes­cendre à vos pieux désirs, Nous confirmons en vertu de l'auto­rité apostolique ladite 42* déclara­tion, correction et modification et Nous la fortifions, à la faveur

de cet écrit. Nous voulons de plus que la teneur de ces lettres soit incorporée dans cet écrit textuellement comme il suit :

Frère HUGUES, par la Miséri­corde divine, Cardinal‑Prêtre du titre de sainte Sabine, et GUILLAUME, par la même misé­ricorde, évêque d'Antera :

A nos bien‑aimés Fils, le Prieur Général et les Définiteurs du cha­pitre général de Notre‑Dame du Mont‑Carmel, salut en Celui qui est le véritable salut de tous !

Deux religieux de votre Ordre, nommés Reynaud et Pedro, s'é­tant présentés devant le Siège Apostolique, et ayant 43* humblement demandé de votre part à Sa sainteté qu'elle daignât expli­quer, corriger et bénignement modifier la Règle que vous avez reçue d'Albert, Patriarche de Jérusalem, y compris les privilèges qui y sont annexés, le Très ­Saint Père accédant à leurs dé­votes supplications, nous a char­gés de faire, en son nom, ladite explication, correction et modi­fication, selon qu'il nous paraî­trait utile et convenable pour la prospérité de l'Ordre et le salut des membres qui le composent. Ainsi donc, par l'autorité du Saint‑Siège, nous ordonnons que vous receviez dévotement et gar­diez à perpétuité ladite Règle, et que, selon sa forme et sa teneur, vous corrigiez les autres : laquelle Règle nous avons scellée par la 44* main des mêmes Religieux et dont le texte suit :

ALBERT, par la grâce de Dieu, patriarche de l'Égli­se de Jérusalem : à nos bien‑aimés fils en Jésus-Christ, Brocard et autres Hermites, qui sous son obéissance habitent au Mont‑Carmel, près la fontaine d'Élie; salut en No­tre‑Seigneur, et la béné­diction du Saint‑Esprit.

Les saints Pères ont institué diversement et en plusieurs manières de 45* quelle sorte chacun, en quelque Ordre qu'il soit et quelque manière de vie religieuse qu'il ait choisie, doit vivre au service de Jésus‑Christ et le servir fidèlement d'un coeur pur et d'une bonne conscience. Mais d'autant que vous demandez que nous vous donnions, selon votre pro­pos et dessein, une forme de vie laquelle vous de­viez garder dorénavant, nous vous la donnons par les paroles suivantes.

46* D'avoir un Prieur, et des trois Voeux.

Nous instituons premiè­rement et ordonnons, que vous ayez l'un d'entre vous pour Prieur, lequel sera élu pour cette char­ge, du commun consen­tement de tous ou de la plus grande et plus saine partie, auquel chacun de vous autres promettra Obédience, et après l'avoir promise, aura soin de la garder en vérité par ses oeuvres, avec la Chasteté et Pauvreté.

47* De recevoir Lieux ou Maisons.

Vous pourrez avoir lieux et maisons en lieux solitaires ou autres en­droits où elles vous seront baillées commodes et dis­posées pour l'observation de votre Religion selon qu'il semblera convenable au Prieur et aux Frères.

Des Cellules des Religieux

Outre cela, au lieu que vous aurez choisi ou fait état de demeurer, chacun 48* de vous aura sa Cellule séparée, selon qu'elle lui sera baillée par la disposition du Prieur et consentement des autres Frères ou plus saine partie d'iceux.

Qu'il faut manger au Réfectoire commun.

Ce qui vous aura été donné en aumône, vous 1e mangerez au Réfectoire commun, et cependant on fera lecture de quelque livre de la sainte Ecriture où cela se pourra 49* faire commodément; et ne pourra aucun des Frères changer de place, ni en prendre une autre, si ce n'est avec la licence du Prieur.

La Cellule du Prieur sera à l'entrée du Couvent, afin qu'il soit le premier à aller recevoir ceux qui viendront. Et, tout ce qu'il y aura à faire en la maison se fasse par son avis et par son ordonnance.

Que chacun demeure 50* en sa Cellule, ou proche d'icelle, méditant de jour et de nuit en la loi de Dieu, et veillant en oraison, si ce n'est qu'il soit occupé en autres justes occupations.

Des Heures Canoniales.

Ceux qui savent dire les Heures Canoniales avec les Prêtres, les doivent dire selon les Règles

et Statuts des saints Pères et la coutume approuvée de l'Église. Et ceux qui ne 51* les savent diront au lieu des Matines vingt‑cinq fois le Pater noster, excepté les Dimanches et fêtes solen­nelles, auxquels jours nous ordonnons qu'ils di­sent pour Matines deux fois le dit nombre de vingt-­cinq Pater noster; pour Laudes sept fois; et pour toutes les autres Heures,,chacune sept fois, excepté à Vêpres où. ils diront quinze.

Qu'il ne faut avoir rien de propre.

     Qu'aucun Religieux ne 52* dise qu'il ait aucune chose propre ; mais il faut que toutes choses leur soient communes et que ce qu'ils auront besoin leur soit départi à chacun par le moyen du Prieur ou du Religieux qui sera pour ce par lui député, eu égard à l'âge et aux nécessités d'un chacun.

Ce qu'ils peuvent avoir en commun.

Vous pourrez avoir des ânes ou mules, selon que votre nécessité le 53* requerra et quelque bétail ou volailles pour votre nour­riture.

De l'Oratoire et Service divin.

Que l'on fasse un Ora­toire au milieu des Cellu­les le mieux et le plus commodément que faire se pourra, où vous vous assemblerez tous les jours pour ouïr la Messe, où il se pourra faire commodé­ment.

Du Chapitre et Correction des coulpes des Frères.

Tous les jours de 54* Di­manche, ou autres, quand il sera nécessaire, vous traiterez de l'observation de l'Ordre, du salut des âmes : et là aussi sera faite la correction avec charité des coulpes et fautes des Frères, s'il y en a aucunes.

Du Jeûne des Frères.

Depuis la fête de l'Exaltation de la sainte Croix jusques au jour de Pâques, vous jeûnerez tous les jours excepté les Dimanches, si ce n'est que la 55* maladie ou faiblesse du corps ou autre cause juste ne donne sujet de laisser le jeûne, parce que la né­cessité n'a point de loi.

De l'abstinence de chair.

    Vous ne mangerez point de chair, si ce n'est pour remédier à quelque mala­die ou faiblesse. Et d'au­tant qu'il vous faudra beaucoup de fois mendier par les chemins, vous pourrez hors de vos mai­sons pour n'être en charge 56* à vos hôtes, manger du potage et légumes ou autres choses cuites avec de la chair, et sur la mer vous pourrez manger de la chair.

Exhortations.

Et d'autant que la vie de l'homme sur la terre n'est que tentation et que ceux qui désirent vivre religieusement en Jésus-Christ ont à souffrir des persécutions et que le diable votre adversaire 57*

tournoie comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer, essayez de tout votre soin de vous revêtir des armes du bien, afin que vous puissiez résister aux embûches de l'ennemi . Vous ceindrez vos reins d'une ceinture de chasteté. Fortifiez votre intérieur par bonnes pen­sées, car il est écrit : La pensée sainte vous gardera. Endossez la cuirasse de justice, afin que de tout votre coeur, de toute votre 58* âme et de toutes vos forces vous aimiez Dieu votre Seigneur et votre prochain comme vous-mêmes. Armez‑vous par­tout du bouclier de la foi, auquel vous puissiez amortir toutes les flèches de feu que l'ennemi vous tire : car sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Ayez en la tête le heaume de salut et de grâce, afin que vous n'at­tendiez votre salut que de Jésus votre Sauveur, 59* qui sauve son peuple de ses péchés. Que le glaive de l'Esprit, qui est la parole de Dieu, demeure et persévère toujours abon­damment en votre bouche et en vos coeurs, afin que, tout ce que vous ferez soit en son nom.

Du travail des mains

Vous ferez quelque tra­vail ou ouvrage de vos mains, afin que le diable vous trouve toujours oc­cupés et qu'il n'ait point 60* d'entrée en vos âmes, se servant de votre oisiveté, comme d'une porte. Vous avez pour cela un bon exemple et enseignement de doctrine en l'apôtre Saint Paul, par la bouche duquel parlait Notre‑Sei­gneur Jésus‑Christ et, ayant été établi pour prêcher et enseigner les Gen­tils en la foi et vérité, vous ne pourrez faillir en le suivant. Il dit donc ainsi : Nous avons été parmi vous autres en 61* travaux et lassitudes, travail­lant de jour et de nuit pour ne vous ennuyer, non pas que nous n'ayons la puissance et permis­sion de demander, mais pour vous donner la forme et exemple, afin que vous nous imitassiez; car étant parmi vous autres, nous vous annoncions et prêchions tous les jours que celui qui ne voudrait tra­vailler ne mangeât point. Nous avons appris qu'il y a quelques‑uns entre vous 62* qui sont inquiets et sans rien faire : nous admo­nestons et prions en No­tre‑Seigneur Jésus‑Christ ces gens‑là qu'ils mangent leur pain travaillant en silence. -Ce chemin est bon et saint, allez par icelui.

Du Silence.

L'Apôtre nous recom­mande le silence, quand il nous recommande que travaillons en icelui et comme dit le Prophète, 63* l'ornement et les parures de la justice, c'est le si­lence. Et en un autre lieu : Votre force sera en silence et en espérance. Pour cela nous statuons et ordon­nons que l'on garde le silence dès que Complies sont dites jusqu'après Prime du jour suivant et au reste du temps, com­bien qu'on ne garde point le silence avec si grande rigueur, il faut éviter fort diligemment le trop par­ler ; car comme il est 64* écrit, et nous l'apprenons bien aussi par l'expé­rience, le péché ne man­que point au beaucoup parler; et en un autre en­droit : Qui parle sans considération en recevra beaucoup de maux ; et en un autre : Celui qui use de plusieurs paroles en­dommage son âme. Et en l'Evangile Notre Seigneur dit : Les hommes rendront compte le jour du juge­ment de chaque parole oiseuse qu'ils auront dite.

65* Que chacun donc se fasse un poids et des balances pour ses paroles, et un frein pour sa bouche, afin que sa langue ne le fasse chanceler et tomber et que sa chute ne soit incu­rable à la mort; et prenez garde, avec le Prophète, au chemin que vous tenez, afin que vous ne péchiez par votre langue : et gardez le silence avec grand soin et diligence, auquel consiste l'observation de la jus­tice.

66* Exhortation au Prieur à l'humilité.

Et vous Frère Brocard, et qui que ce soit qui après vous sera élu pour Prieur, ayez toujours en la mémoire ce que Notre-­Seigneur dit en l'Evangile : Celui d'entre vous qui voudra être le plus grand sera celui qui vous servira : et celui qui vou­dra être le premier sera serviteur des autres.

67* Exhortation aux Religieux de porter honneur à leur Prieur.

Vous aussi les Reli­gieux, honorez votre Prieur avec entière hu­milité le reconnaissant pour Jésus ‑ Christ davan­tage que pour ce qu'il est en soi, puisque c'est Jé­sus‑Christ qui l'a établi sur vous et dit aux pré­lats de l'Église : Qui vous oyt, il m'oyt : et celui qui vous méprise me mé­prise; afin que par ce 68* moyen Dieu ne vous juge point par ce mépris, mais que par l'obédience que vous rendrez, vous méri­tiez la récompense de la Béatitude.

Nous avons brièvement écrit ces choses, ordonnant la forme et la règle de votre manière de vivre : et si quelqu'un fait davan­tage, Dieu l'en récompen­sera lorsqu'il viendra au jugement du monde. Usez toutefois de discrétion, qui est la règle des vertus.

69* Fait en la ville de Léon, l'an du Seigneur mil deux cent qua­rante‑huit, la cinquième année du Pontificat d'Innocent IV, le premier septembre.

Qu'il ne soit permis à personne au monde d'enfreindre ces lettres confirmées par nous, ni d'y met­tre opposition par une hardiesse insensée. Quiconque oserait le faire sache qu'il encourt ipso facto la malédiction du Dieu Tout-­Puissant et des bienheureux Apô­tres Saint Pierre et Saint Paul.

Donné en la ville de Léon, le premier septembre, l'an cinq de notre Pontificat.

CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES CARMÉLITES DÉCHAUSSÉES DE LA PRIMITIVE OBSERVANCE.

Faites et publiées en vertu de l'Autorité Apostolique par le Révé­rend Père Frère Jean de las Cuevas de l'Ordre de Saint‑Dominique, Prieur du couvent de Saint‑Ginès de Talavera et Commissaire Apos­tolique, par le Révérend Père Provincial de la province des Re­ligieux Carmes Déchaussés, et par les Définiteurs du Chapitre de la dite province, lequel s'est tenu dans la ville d'Alcala de Henarès, le quatrième Dimanche de Carême, l'an du Seigneur MDLXXXI

72*         PROLOGUE DES CONSTITUTIONS.

Le présenté F. Jean de las Cuevas, Prieur du couvent de Saint-Ginès de Talavera, de l'ordre de Saint‑Domini­que, commissaire Apostoli­que et Président au Chapitre des PP. Carmes Déchaussés célébré en la ville d'Alcala de Henarès, au Collège de Saint‑Cyrille dudit Ordre, et commencé le quatrième Di­manche de Carême en la présente année 1581, Fr. Jé­rôme Gratien de la Mère de 73* Dieu, élu Provincial audit Chapitre et les P. F. Nicolas de Jésus‑Maria, F. Antoine de Jésus, F. Jean de la Croix et F. Gabriel de l'Assomption, élus Définiteurs audit Chapitre, [aux] très religieuses Mères et Soeurs les Religieu­ses Déchaussées de notre pro­vince de la primitive obser­vance : Salut et la bénédic­tion de Notre‑Seigneur Jésus-Christ. Faisons savoir, que par la Bulle Apostolique de notre très saint Père le Pape Grégoire XIII (de laquelle par Bref particulier de Sa sainte­té, l'exécution a été commise 74* à nous F. Jean de las Cuevas susdit), cette province, tant de Religieux que de Religieu­ses de Notre‑Darne du Mont-­Carmel a été érigée et fondée en ce royaume d'Espagne; divisée et séparée de toutes les autres provinces des Pères dudit Ordre, appelés Mitigés, demeurant cette dite provin­ce, comme de fait elle de­meure sous la sujétion et obéissance du Révérendis­sime Maître Général de l'Or­dre, ainsi qu'il est contenu audit Bref; et que par icelui la faculté et autorité a été donnée à nous susdit F. Jean 75* de las Cuevas, pour, avec ledit Père F. Jérôme Gratien Pro­vincial élu et lesdits Pères Définiteurs, faire en ce pré­sent Chapitre des lois et Constitutions tant pour les Religieux que pour les Reli­gieuses de ladite province, lesquelles les uns et les au­tres soient obligés de garder. C'est pourquoi, satisfaisant au commandement de notre très Saint‑Père, nous avons fait et ordonné des lois et Constitutions pour les Reli­gieux de ladite province : et d'autant que votre manière de vivre n'est pas en toutes 76* choses conforme à celle des Religieux et que vous ne pouvez en toutes choses vous gouverner par les mêmes lois qu'eux, il a été nécessaire de vous bailler des lois et Cons­titutions particulières par lesquelles vous vous conduisiez et gouverniez dorénavant.

Mais, parce que les lois et Constitutions que vous avez eues jusqu'à présent sont si saintes et si religieu­ses, faites et ordonnées par des hommes si graves et de si grande autorité, celles que nous vous baillons à présent ne sont pas différentes de 77* celles‑là; ce sont les mêmes lois que jusques ici vous avez eues, auxquelles nous avons seulement ajouté, ôté ou changé quelque peu de cho­ses, comme il nous a semblé convenable pour le bien de la Religion. Or d'autant que les lois et Constitutions par­ticulières doivent avoir pour fondement la Règle générale sous laquelle toutes vous devez vivre, vous garderez premièrement votre Règle, laquelle notre très Saint Père Innocent IV donna pour primitive à cette Religion de Notre‑Dame du Mont‑Carmel.

78* Et pour donner plus de tran­quillité et de repos à vos consciences, nous vous dé­clarons que ce qui est or­donné, par la Règle, ni ces Constitutions, ni les comman­dements de vos Supérieurs ne vous obligent jamais à coulpe (encore qu'en quel­ques Chapitres où il est traité des peines, il soit parlé de coulpe légère, ou griève, ou plus griève, ou très‑griève), si ce n'est en quatre cas : le premier, quand ce que l'on vous défend est de soi­-même péché; le second, lors­que l'on fait ou omet 79* quelque chose en mépris de la loi; le troisième, quand les Supérieurs commandent quel­que chose par écrit, élisant ces mots : Nous vous commandons en la vertu du Saint-­Esprit et de la sainte obéis­sance, et sous précepte; le quatrième, quand les Supé­rieurs commandent quelque chose par écrit, sous peine d'excommunication majeure de sentence prononcée; et en ces deux derniers cas, ces commandements obligent sous peine de péché mortel.

Et afin que Notre‑Seigneur reçoive plus de service de 80* notre travail et que votre Religion et votre vertu aillent toujours s'avançant avec profit, nous vous prions et exhortons grandement en Notre‑ Seigneur Jésus‑Christ que vous ayez un grand soin de. garder et observer ces Constitutions, lesquelles nous voulons et ordonnons être gardées universellement en toutes vos maisons, tant en celles qui ont du revenu qu'en celles qui n'en ont point, et tant en celles qui sont de présent en cette notre province, qu'en celles qui se feront et fonderont ci‑après.

81*                                        CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES

                                 DE L'ORDRE DE NOTRE–DAME DU MONT‑CARMEL                                 .

De la première Règle selon la réformation de sainte Thérèse.

Tirées et extraites de ce qu'elle a dit et écrit, et dressées par l'auto­rité de N. S. P. le Pape, au premier Chapitre de son Ordre, tenu à Alcala en Espagne, le quatrième Dimanche du Carême 1581, dix‑huit mois avant son décès; approuvées de la même autorité Apostolique, et appor­tées en France au mois d'octobre 1601 par les Filles de cette Sainte, envoyées pour y établir son Ordre, 82* et observées depuis ce temps par tous les monastères et religieuses du dit Ordre en ce Royaume, sous la conduite et direction des Su­périeurs ordonnés pour icelui, par nos saints Pères les Papes Clément VIII, Paul V et Grégoire XV à présent séant.

CHAPITRE 1.

De 1'Obéissance et Élection des Supérieurs.

1. Les Religieuses de la Règle primitive de l'Ordre de Notre Dame du Mont-Carmel, selon la réfor­mation de sainte Thérèse en France, sont sujettes 83* et soumises au gouverne­ment et supériorité de MM. Maîtres Jacques Gal­lemant, Docteur en la Fa­culté de Théologie de l'U­niversité de Paris; André Duval, Docteur et Profes­seur du Roi en la même Faculté, et Révérend P. Pierre de Bérulle, Général de la Congrégation de l'O­ratoire de Notre‑Seigneur Jésus‑Christ en France, et à la supériorité, visite et correction dudit Révé­rend Père de Bérulle, 84* comme Général de ladite Congrégation ( Ce premier article ayant été modifié pour la France par 1'autorité du Saint‑Siège, ne se trouve natu­rellement pas conforme au texte Espagnol primitif. Cette différence se retrouve à tous les endroits des Constitutions où il est question du Gouvernement. (Voir notre Avertis­sement pour de plus amples ex­plications.)

2. Les élections se fe­ront par les voix secrètes, comme le Saint Concile l'ordonne : et après l'élec­tion faite, il faut brûler les billets sur le lieu, en la présence de toutes, de 85* sorte que jamais les noms de celles qui opinent et donnent leurs voix ne se publient.

3. Il faut savoir que le Visiteur ni les Supérieurs n'ont aucune voix ès élec­tions des Religieuses; mais celui qui présidera à l'élec­tion présentera au Cou­vent trois ou quatre per­sonnes, afin qu'elles éli­sent d'icelles celles qu'el­les voudront, la liberté leur demeurant d'en élire même d'autres. Et à celui 86* qui préside aussi de casser ou confirmer l'élection comme bon lui semblera.

4. Pour recevoir les voix des malades qui ne pourront pas venir à la Grille, celui qui préside nommera, en la présence de toutes celles qui opi­nent, deux Religieuses graves et sans soupçon, pour aller quérir les voix, lesquelles elles ap­porteront sans ouvrir les billets, ni les changer, ce que nous enjoignons 87* aux dites Religieuses sur le péril de leurs âmes : et l'élection étant faite, on brûlera les billets en la présence de toutes les Re­ligieuses, comme dit est.

5. Item, d'autant que les Monastères de la pre­mière Règle sont nou­veaux et qu'il n'y a encore beaucoup de personnes propres pour les gouver­ner, nous permettons de réélire et continuer les Prieures au même Cou­vent, pourvu que celle qui 88* sera réélue ait les trois quarts des voix, sans les­quels trois quarts la réé­lection sera nulle. Laquel­le permission de réélire nous donnons nonobstant toute autre chose con­traire.

6. Nulle Religieuse ne pourra donner ni recevoir aucune chose, ni la de­mander, quand bien ce serait à ses Père et Mère, sans permission de la Prieure, à laquelle on montrera toutes les 89* aumônes qui seront baillées et apportées.

CHAPITRE II.

De la Réception des Novices et de leur Profession, et du nom­bre de Religieuses qu'il y doit avoir à chaque Couvent.

1. Que l'on prenne bien garde que celles que l'on devra recevoir soient per­sonnes d'Oraison et qui ne cherchent que la per­fection et le mépris du monde : car si elles ne 90* viennent dégagées d'ice­lui, elles garderont mal aisément ce que l'on garde ici : et vaut mieux le con­sidérer auparavant que de les mettre dehors par après : qu'elles n'aient pas moins de dix‑sept ans, qu'elles soient saines, ayant bon entendement et soient propres pour dire l'Office divin et ai­der au Choeur. Et ne faut pas les recevoir à la Pro­fession si on ne connaît pendant l'an du Noviciat 91* qu'elles aient les condi­tions et choses requises pour ce qu'il faut obser­ver ici: et s'il leur en man­que aucune, qu'on ne les reçoive point, si ce n'est quelque personne tant servante de Notre-­Seigneur et si utile à la Maison, qu'on connaisse qu'il n'y doit avoir aucune inquiétude à son occasion, et que l'on fera service à Dieu de condescendre à ses saints désirs et si ses désirs ne sont si grands, 92* qu'ils fassent connaître que Notre‑Seigneur l'ap­pelle à cet état, que l'on ne la reçoive en aucune façon.

2. Etant satisfaites de la personne, si elle n'a aucune chose à aumôner à la Maison, que l'on ne laisse pour cela de la re­cevoir, ainsi que jusques ici il a été pratiqué ; et si ayant de quoi bailler, elle le veut et que puis après on ne le donne pas pour quelque occasion, encore 93* que l'on le puisse deman­der en Justice, il le faut faire avec modération telle qu'il n'arrive point de scandale.

3. Que l'on prenne bien garde que la Réception des Novices ne se fasse pour l'intérêt, parce que peu à peu la convoitise y pour­rait entrer, de sorte que l'on considérerait enfin plutôt l'aumône que la bonté et qualité de la personne. Que cela n'ar­rive en sorte quelconque : 94* car ce serait un grand mal. Qu'elles aient toujours devant les yeux la pauvreté, dont elles font Profession, pour en épan­dre partout l'odeur. Qu'el­les prennent bien garde que ce n'est pas le bien qui les doit maintenir, mais la foi, la perfection, et la confiance en Dieu seul. Il faut bien prendre garde à cette Constitution et l'accomplir, et faut la lire aux Religieuses.

4. Les Supérieurs ni le 95* Visiteur ne peuvent rece­voir aucune Religieuse à la Vêture ni à la Profession sans les voix de la plus grande part du couvent ; et ne permettront que des Religieuses d'un autre ordre soient reçues en ces Monastères, ni même celles de la Règle mitigée de cet Ordre.

5. Les Soeurs layes que l'on devra recevoir soient fortes et que l'on con­naisse qu'elles veulent servir à Dieu ; et soient un 96* an sans l'habit, sauf si leur grande vertu mérite qu'on le leur donne auparavant, afin de voir si elles sont propres à ce qu'elles entreprennent, et qu'elles voient si elles le pourront porter : elles ne porteront le voile noir, ni le leur faut donner, mais elles feront profession un an après qu'elles auront l'habit.

(Voici la traduction exacte de cet article d'après l'espagnol :

«... et soient un an sans l'habit afin de voir si elles sont propres à ce qu'elles entreprennent et qu'elles-mêmes voient si elles le pourront soutenir ; elles ne porteront point le voile noir, et il ne faut point le leur donner : sinon" (c'est à dire si on le leur donne en les faisant passer au rang des soeurs de choeur, comme il est arrivé pour Sr Anne de St Barthélémy, l'amie de Ste Thérèse ) " qu'elles fassent profession deux ans après avoir reçu l'habit" (c'est à dire après un double noviciat, en plus d'un postulat d'un an) sauf si leur grande vertu mérite qu'on le leur donne auparavant. Il faut les traiter etc...etc...Au reste cette admission des soeurs du Voile blanc au rang des soeurs de Choeur a toujours été regardée comme une chose si chanceuse et pleine d'inconvénients, que dès l'origine on a cessé d'en faire mention : c'est pourquoi il n'en est question ni dans les traductions françaises, ni dans les constitutions d'Italie, ni dans celles dont on se sert présentement en Espagne .

Il les faut traiter 97*avec toute charité et fraternité, et leur pourvoir de nourriture et vêtements tout comme à toutes les autres .

98* 6. Nous ordonnons que la Profession ne se fera dorénavant à la Grille, mais au Chapitre, sans qu'il s'y trouve aucune personne que les Religieu­ses de la Maison : et que soit pour recevoir une 99* Novice à la Vêture, soit pour la recevoir à la Pro­fession, cela se fasse par les avis de la plus grande partie de celles qui ont voix au Couvent, donnant leurs voix secrètement par fèves blanches et noires.

7. Item, nous déclarons que les Religieuses qui auront fondé quelque Mo­nastère ne pourront être chassées d' icelui, si ce n'est pour quelque cause fort urgente, par l'avis des Supérieurs.

100* 8. D'autant que le Saint Concile de Trente défend qu'il n'y ait en un Monas­tère, plus grand nombre de Religieuses que ce qu'il peut commodément nour­rir, eu égard aux revenus et aux aumônes dont l'on y vit, afin que l'on puisse vivre en ces Monastères avec plus de repos et moins de sollicitude, nous ordonnons qu'ès Monas­tères qui sont pour être pauvres et non rentés, il n'y pourra avoir en 101* aucune sorte plus de treize ou quatorze Religieuses pour le Choeur; et en ceux qui seront rentés, il ne pourra y en avoir plus de vingt. Cela s'entend com­prises les Soeurs layes que l'on reçoit pour les Offices de la Maison : et qu'en tous les Monastères, soit rentés ou non, n'y pourra avoir plus de trois Soeurs layes.

9. Et quand il arrivera que pour quelque juste occasion quelque Religieu­se 102* aille en un autre Cou­vent, si l'on connaît qu'elle y doive demeurer long­temps, on pourra recevoir une autre en son lieu.

10. Item, nous décla­rons qu'ès Monastères qui seront fondés pour être rentés, on n'y pourra re­cevoir plus de quatorze Religieuses jusques à ce qu'il y ait du revenu suf­fisant pour en nourrir da­vantage : si ce n'est qu'il se reçoive quelqu'une à la vêture qui apporte du 103* bien suffisant pour en nourrir plus que les qua­torze susdites. Et ne pour­ra la Supérieure, ou Prieu­re, aller au contraire, à peine d'être démise de son Office.

11. Avant recevoir quel­qu'une à la Vêture, il se faut enquérir fort diligem­ment de la santé et esprit qu'elle a pour pouvoir porter cette sainte obser­vance; parce qu'il est mal­aisé d'y remédier après qu'elles sont reçues : cela 104* toutefois n'oblige pas que après avoir apporté du­rant l'an de probation la diligence requise, l'on reçoive à la Profession, celle de laquelle on n'a pas l'espérance qui est requise pour l'observance et le bien de la religion : dont nous chargeons la cons­cience de la Prieure et Maîtresse des Novices et des autres Religieuses.

12. Si une Novice a été une fois mise dehors du Monastère, on ne la recevra 105* pas en un autre, si ce n'est par les voix de toutes les Religieuses du Monas­tère duquel elle a été mise dehors et ne sera jamais reçue en icelui.

CHAPITRE III.

De la Clôture.

1. Que l'on ne voie personne sans voile, si ce n'est le Père, la Mère, ou les Frères, excepté ès cas qui pour quelque fin 106* sembleront aussi justes que les susdits, et ce avec per­sonnes qui en reçoivent plutôt édification et nous aident en nos exercices d'oraison et consolation spirituelle, et non par ré­création : et que ce soit toujours avec une compa­gne, pourvu que ce ne soit pour affaires de l'âme.

2. La Prieure doit avoir la clef de la Grille et celle de la Porte. Quand le Mé­decin ou Barbier entre­ront, ou les autres 107* personnes nécessaires, ou bien le Confesseur, il faut toujours mener deux Com­pagnes : et quand quelque malade se confessera, il y aura toujours une Com­pagne éloignée, en sorte néanmoins qu'elle puisse voir le confesseur, auquel toutefois elle ne parlera pas, mais seulement la malade, si ce n'est quel­que mot : et une des Com­pagnes ira sonnant la clochette, afin que le Cou­vent entende qu'il y a 108* des gens de dehors en la maison.

3. Que les Religieuses ne sortent en façon que ce soit à l'Église, ni au logis des Tourières et premières portes de la maison : mais il faut qu'il y ait un Sacristain ou une Tourière qui ferme les portes de l'Église, et dudit logis ; car il est besoin de le faire ainsi pour garder la Clôture ordonnée par le Saint Concile et les bul­les des Papes.

109* 4. Les Novices ne lais­seront d'être visitées aussi bien que les Professes, afin que si elles ont quel­que mécontentement, il soit connu : car on ne re­cherche autre chose sinon qu'elles y demeurent de leur pleine volonté, et leur donner moyen de la manifester, si elles n'ont envie de demeurer.

5. Qu'elles ne se soucient des affaires du mon­de, et ne traitent, d'icelles, si ce ne sont choses ès ­110* quelles elles puissent don­ner remède à ceux qui les disent, leur faire ouvrir les yeux et les consoler en quelque peine : et si elles n'espèrent en tirer du fruit, qu'elles le fassent court, comme il a été dit ; car il importe que celui qui nous visite s'en re­tourne avec profit et non pas avec perte de temps et que le profit nous en demeure aussi. Que la Compagne prenne bien garde que ceci s'observe, 111* et est obligée d'en avertir la Prieure, s'il ne se garde : et, quand elle l'omettra, elle encourra la même peine que celle qui aura fait la faute : cela s'entend après l'en avoir averti par deux fois ; à la troisième fois, si elle ne s'amende, sera neuf jours en la pri­son, et à chaque troisième Jour on lui baillera la dis­cipline en Réfectoire ; car c'est chose qui importe grandement à la Religion.

6   Qu'elles se retirent 112* le plus qu'elles pourront de traiter avec leurs parents parce que, outre que l'on s'affectionne fort à leurs affaires, il sera malaisé qu'il n'y entremêlent quelque chose du monde.

7. Que l'on prenne bien garde, en parlant à ceux de dehors, encore que ce soient Parents fort proches, si ce ne sont personnes qui se plaisent de traiter des choses de Dieu ; qu'elles les voient

113* rarement et quand elles leur parleront, qu'elles s'en dépêchent promptement .

8. Item, les Supérieurs et le Visiteur prendront garde que le Saint Concile de Trente défend, sous peine d'excommunication de sentence prononcée, qu'aucune personne, de quelque âge, état, ou qua­lité que ce soit, puisse entrer aux Monastères des Religieuses, sinon en cas de nécessité, et avec licen­ce particulière, par écrit, 114* du Supérieur, et qu'il ait soin particulier de ce que le Saint Concile de Trente ordonne qu'il soit accom­pli. Ne tenant, pour cause nécessaire sinon celle que le Monastère ne peut met­tre à exécution sans l'aide de ceux de dehors, comme les gens de métier pour les ouvrages et choses semblables, le Médecin et le Barbier.

9. Et d'autant que nous autres Religieux, sommes en spectacle à Dieu, à tous 115* les Anges et aux hommes, comme dit l'Apôtre, et qu'il n'y a rien dont le monde s'offense davan­tage que de la facilité qu'il voit en la communi­cation avec les religieuses, et beaucoup plus de la liberté d'entrer aux Mo­nastères sans nécessité : nous commandons que l'on ait un soin particulier que les Religieux n'aillent point aux Monastères des Religieuses et défendons aux Supérieurs ou 116* Visi­teurs qu'en aucun cas ils n'entrent aux dits Monastères des Religieuses, si ce n'est pour chose si né­cessaire qui ne se puisse faire par la Grille. En tout ce qui se peut faire par la Grille, comme les admo­nitions et discours spiri­tuels, nous déclarons qu'il n'est point nécessaire d'entrer aux Monastères, si ce n'est en visite au Chapitre des coulpes, parce qu'il est aucune fois besoin de faire la 117* correction de quelqu'une et par conséquent d'y entrer. Et lorsque le Visiteur en­trera pour ce sujet, il pourra visiter la clôture du Couvent, et en ce cas le dit Visiteur mènera avec lui un Compagnon et ne souffrira qu'il soit hors d'auprès de lui durant le temps qu'il demeurera audit monastère, ne per­mettant non plus que ni lui, ni autre, mange au-de­dans dudit Monastère, ni à la Grille. Et aux 118* Élec­tions, les Supérieurs ou visiteurs prendront garde que le Saint Concile de Trente ordonne que l'on prenne les voix à la grille ; et parce nous défendons que, soit avant de prendre les voix, soit après les avoir prises, pour aucun effet que ce soit on entre au dit monastère ; mais que toute l'élection et ce qui précède et ce qui suit, soit par la Grille .

10. En aucun cas, les confesseurs ne doivent 119* entrer aux dits Monastères des Religieuses, si ce n'est pour confesser les malades quand le médecin dira qu'il est nécessaire, et pour leur donner le très Saint-Sacrement et l'Extrême-Onction quand il en est temps . Et si la malade après avoir reçu les Sacrements a quelque scrupule, le confesseur pourra entrer pour la réconcilier, comme aussi pour lui aider à bien mourir. Et s'il y avait quelque 120* malade qui demeurât longtemps au lit et qui ne put en aucune façon venir à la Grille et au Confessionnal, le Confes­seur, en ce cas, pourra entrer quelquefois pour la confesser, encore qu'elle ne soit en danger de mort.

11. Le Confesseur qui entrera pour ce sujet ira et viendra le droit chemin sans se divertir en aucun lieu, ni s'arrêter : ce que nous enjoignons par une 121* étroite obédience à la Prieure, et Supérieure qu'elle le fasse observer de cette sorte et en char­geons la conscience des Religieuses qui accompa­gneront ledit Confesseur, qu'elles le conduisent par le droit chemin et qu'en aucun cas elles ne s'arrê­tent avec lui.

CHAPITRE IV.

Du Dîner et Réfection.

1 Il n'y peut avoir rien 122* de réglé pour l'heure du dîner, parce que cela est quand il y en aura. On sonnera pour le dîner à on­ze heures et demie quand il sera jeûne de l'Eglise, et à onze heures quand il sera jeûne de l'Ordre. Et en été l'on dînera. à dix heures.

2. Et si avant de s'as­seoir pour dîner, Notre-­Seigneur inspire quel­qu'une des Soeurs pour faire quelque mortification, elle demandera 123* congé de la faire, et que cette bonne dévotion (dont on tire profit ) ne se perde ; mais il faut que cela soit brièvement, afin qu'il n'empêche point la lec­ture.

3. Hors l'heure du dîner et du souper, qu'au­cune Religieuse ne mange ni boive sans permission.

4. Étant les Religieuses sorties du dîner ou du souper, la Mère Prieure pourra dispenser et per­mettre que toutes ensem­ble 124* puissent parler de ce qui leur sera plus agréa­ble, pourvu que ce ne soit chose éloignée des dis­cours qu'une bonne Reli­gieuse doit tenir, et qu'el­les ayent là toutes leurs quenouilles et ouvrages.

5. Que l'on ne permette le jeu en aucune sorte. Notre‑Seigneur donnera la grâce aux unes de donner récréation aux autres, et pourvu que ce soit en cette intention, tout ce temps est bien employé. 125* Qu'elles ayent soin de n'être ennuyeuses les unes aux autres, mais que les paroles et les gaîtés soient avec discrétion. Cette heure d'être ensem­ble étant achevée, en Été elles dormiront une heu­re et celles qui ne vou­dront dormir garderont le silence.

6   Qu'aucune des Soeurs n'embrasse l'autre, ni lui touche le visage, ni les mains, et n'aient amitié en particulier, mais qu'el­les s'aiment toutes en général, comme Notre ­Seigneur Jésus‑Christ le commande souvent, à ses Apôtres; et vu qu'elles sont en si petit nombre, il sera aisé de le faire, tâchant d'imiter leur Époux qui a donné sa vie pour tous nous autres. Le point de s'aimer les unes les autres en général est de grande importance.

127* CHAPITRE V.

Des Heures Canoniales et Choses Spirituelles.

1. On dira les Matines après neuf heures et non auparavant, ni tant après que l'on n'ait (icelles étant achevées ) un quart d'heu­re à faire l'Examen de conscience de ce à quoi on a employé le jour.

2. On sonnera pour cet Examen, et celle à qui la Mère Prieure le comman­dera lira un peu du 128*

Mystère auquel on doit penser le jour suivant. Le temps que l'on emploiera en cela soit de sorte, qu'à onze heures, peu plus ou moins, l'on donne le signe avec la clochet­te, et qu'elles se retirent pour dormir. Pendant tout ce temps d'Examen et lecture, elles demeure­ront toutes ensemble au Choeur, et aucune Reli­gieuse ne sortira du Choeur après l'Office commencé, sans permission.

129* 3 . En été, elles se lève­ront à cinq heures et se­ront en oraison jusques à six : et en hiver, elles se lèveront à six et demeu­reront jusques à sept en Oraison.

L'Oraison étant ache­vée, on dira les Heures, et si la Prieure le trouve bon on les dira toutes d'un train. Sinon on en laissera une ou deux pour avant la Messe en sorte qu'avant la Messe elles soient toutes dites.

130* 4. Les Dimanches et jours de Fête, on chantera la Messe et Vêpres; et Matines les premiers jours de Pâques et de Noël ; et autres jours solennels on pourra chanter Laudes, spécialement le jour du glorieux Saint Joseph (Une ponctuation défectueuse dénaturait le sens de cet article dans les éditions précédentes. Nous la rétablissons telle qu'elle doit être.)

Le chant ne sera jamais avec note, mais en ton, les voix égales ; mais à 131* l'ordinaire tout se dit bas, et tous les jours il y a Messe Conventuelle qui se dit en ton, à laquelle les Soeurs se trouveront, quand il pourra commodément faire . Qu'elles tâchent qu'aucune ne manque au choeur pour une cause légère .

Les Heures étant ache­vées, qu'elles s'en aillent à leurs Offices.

La Messe se dira à huit heures en Été et à neuf en Hiver, et celles qui 132* communient s'arrêtent un peu au Choeur.

5. Un peu avant dîner, on sonnera pour l'Examen de ce que l'on a fait jusques alors et proposeront de s'amender de la plus grande faute qu'elle verront en soi, et diront un Pater noster afin que Dieu leur en fasse la grâce . Chacune s'agenouillera au lieu où elle sera, lorsque l'on sonnera pour le dit Examen, et fera son Examen brièvement.

6. Pour les grâces d'après dîner, en tout temps on va au choeur avec le psaume Miserere ; et après le souper, on y va seulement depuis Pâques jusques à l'Exaltation de la Croix.

7.   On dira Vêpres, au coup de deux heures, et après Vêpres, on fera la lecture, en sorte que l'on emploie qu'une heure aux Vêpres et Lecture, soit que les Vêpres soient solennelles ou non. Cela 134* ne s'entend pas en Carê­me où les Vêpres se disent avant dîner, et alors on fera la Lecture depuis deux heures jusques à trois, y employant une heure entière. Et si elles se trouvent avec inspiration et esprit pour emplo­yer cette heure en Oraison, qu'elles le fassent selon ce qui les aidera plus à se recueillir.

8. D'autant que selon la Règle, les Religieuses doivent garder le silence 135* depuis Complies jusques après Prime du jour suivant, nous ordonnons qu'en tout temps l'on dise Complies après souper ou collation, afin que l'on garde le silence après Com­plies, selon que la Règle et les Constitutions le com­mandent. Et l'heure de l'Oraison que l'on fait après les cinq heures du soir, sera avant souper ou collation, qui est le temps le plus propre pour icelle.

136* CHAPITRE VI.

De la Communion et Confession.

1. L'on communiera tous les Dimanches et Fêtes de Notre‑Seigneur, et Notre Dame, et de notre Père Saint Albert, et de Saint Joseph, et du nom de la Maison, le Jeudi Saint, la fête du Saint‑Sacrement, l'Ascension, et les autres jours que le Confesseur trouvera bon selon la dé­votion et esprit des Soeurs,

137* par la permission de la Mère Prieure, sans laquel­le les Soeurs ne pourront communier, hors les Jours susdits, encore que le Confesseur le dise.(Ch.VI, n° 1. On se conformera dans l'observance de cette Constitution, au Décret du 17 Décembre 1890.)

2. Pour éviter la peine et distraction que les Re­ligieux ont à aller et venir tous les jours dire la Messe aux Monastères des Reli­gieuses, nous défendons qu'aucun Religieux de l'Ordre des Carmes, ni d'une autre Religion, en­core qu'il fût des Carmes 138* réformés de la première Règle, soit Vicaire ou Chapelain ordinaire des ­dits Monastères.

La Prieure et les Supé­rieurs ou Visiteurs cher­cheront un Prêtre de la vie, âge et moeurs duquel ils aient la satisfaction qu'il appartient, et étant tel, il pourra aussi, avec l'avis desdits Supérieurs, être le Confesseur des Religieuses : toutefois, nonobstant ce Confesseur ordinaire, la Prieure 139* pourra, non seulement les trois fois que le Saint Concile de Trente permet, mais davantage, admettre à confesser les dites Reli­gieuses quelques Reli­gieux dudit Ordre des Carmes réformés et au­tres Religieux de quelque Ordre que ce soit, pourvu que ce soient personnes de la doctrine et vertu desquelles elle ait la satis­faction qu'il appartient : ce qu'elle pourra aussi faire pour les sermons. 140*

Et ne pourront les Supé­rieurs qui sont mainte­nant, ni ceux qui seront ci‑après, lui ôter cette li­berté; auxquels Confes­seurs soit des Carmes ré­formés ou autres, on pourra pour raison de cette charge de Confes­seur appliquer quelque aumône ou revenu de Chapelle.

CHAPITRE VII.

De la Pauvreté et du Temporel.

1. L'on doit vivre 141* d'aumône sans aucun revenu dans les Couvents qui seront dans les villes riches et abondan­tes, où cela se pourra porter : et aux lieux où elles ne se pourront pas nourrir des aumônes seu­les, elles pourront avoir du revenu en commun : mais en tout le reste il n'y doit avoir aucune diffé­rence entre les Monastères rentés et ceux qui sont pauvres.

2. Et tant qu'elles pour­ront supporter, qu'elles 142* ne demandent point : la nécessité qui les contrain­dra à demander doit être bien grande, et faut qu'el­les s'aident du travail de leurs mains comme faisait Saint Paul : et Notre‑Sei­gneur leur pourvoira de ce qui sera nécessaire (Nous rétablissons d'après l'Es­pagnol la ponctuation de ce passa­ge qui est fautive dans les éditions précédentes.) Pourvu qu'elles ne dési­rent rien davantage et qu'elles se passent volon­tiers de ce qui est 143* superflu, ce qu'il faut, pour vivre ne leur manquera pas. Si elles essaient de toutes leurs forces à con­tenter Notre‑ Seigneur, sa Divine majesté aura soin que le prix du labeur de leurs mains ne leur man­que.

3. Que les Soeurs ne possèdent en sorte que ce soit, chose en particulier, et qu'on ne leur souffre point, ni pour le manger, ni pour le vêtir, et qu'el­les n'aient ni coffre ni 144* cas­sette, ni armoire, si ce ne sont celles qui ont les offices de la communauté, ni aucune autre chose en particulier : mais que tout soit commun. Ceci im­porte grandement pour ce qu'en petites choses le diable peut aller relâchant la perfection de la Pau­vreté. Pour cela il faut que la Prieure ait grand soin, quand elle verra quelqu'une des Soeurs af­fectionnée à quelque cho­se, soit livre, soit Cellule 145* ou autre chose, de lui ôter, et que cela s'observe en tous les Monastères, soit qu'ils soient rentés ou non, et que l'on y apporte beaucoup de rigueur. Que la Supérieure l'accom­plisse et ne permette qu'il y soit contrevenu, et que les Supérieurs la châtient fort rigoureusement s'il y est contrevenu.

4. L'aumône que Notre­ Seigneur donnera en ar­gent se mettra inconti­nent au coffre à trois clefs, 146* si ce n'est de neuf ou dix écus et au‑dessous: ce qui se donnera à celle des Dé­positaires que la Prieure trouvera bon : et elle bail­lera à la Procureuse ce que la Prieure ordonnera pour la dépense. Et tous les soirs, avant que l'on sonne pour le Silence, elle rendra compte par le menu à la Prieure ou à ladite Dépositaire, et le compte rendu, on le mettra tout en gros au livre qui est au Couvent, 147* pour rendre compte au Visiteur tous les ans.

CHAPITRE VIII.

Des Jeûnes et Habits

1. Il faut, jeûner depuis le jour de l'Exaltation de la sainte Croix en Septem­bre jusques à Pâques, excepté les Dimanches. On ne doit jamais manger de chair, si ce n'est pour nécessité, quand 148* la règle le commande.

2. Ès jeûnes de l'Église et ès Vendredis de l'an, hors ceux d'entre Pâques et Pentecôte, le manger ordinaire du Réfectoire ne sera ni oeufs, ni laitages : toutefois la Prieure pour­ra dispenser de ce com­mandement les malades et celles qui en auront besoin, et auxquelles le poisson fait mal. (Mais nous déclarons que ce n'est point notre intention d'ôter le Privilège 149* de la Bulle de la Croisade à celles qui ont ladite Bulle.)

Celle dernière clause ne sert de rien et n'a aucun usage en France : mais elle a été laissée, à cause qu'elle était aux Constitutions appor­tées d'Espagne, pour conserver la mémoire de leur origine.

3. L'Habillement doit être de Serge, Bure, ou gros drap de couleur en­fumée, sans teinture, ap­pelé en Espagnol Xerga ou Sayal, et que l'on em­ploie le moins de drap 150* que l'on pourra pour l'habit.

Que la manche soit étroite, et non plus large à un bout qu'à l'autre.

Que l'habit soit sans plis, rond, pas plus long derrière que devant, et qu'il tombe jusques aux pieds.

Le Scapulaire sera du même drap, quatre doigts plus court que l'habit.

Le manteau du Choeur soit de la même matière, et blanc, aussi long que le Scapulaire, et que l'on y emploie toujours le moins de drap que l'on pourra, ayant égard à ce qui est nécessai­re et évitant la superfluité.

La Coiffure sera de chanvre, ou gros lin, non pliée, et le Scapulaire par dessus.

Les Tuniques d'Eta­mine ou Serge, et les draps à lits de même.

La Chaussure seront souliers de cordes que 152* l'on appelle Alpargates, et pour l'honnêteté les bas de chausses de grosse étoffe comme la Robe, ou d'étoupe, ou chose sem­blable.

Les chevets ou oreillers seront de la même Éta­mine ou Serge, si ce n'est à la nécessité qu'elles pourront user de linge.

Les lits seront sans matelas, mais seulement avec une paillasse, et a été éprouvé par personnes faibles et maladives que 153* cela se peut supporter. Qu'il n'y ait aucune chose pendue autour, si ce n'est en cas de nécessité, quel­que natte, ou quelque tapis de grosse Bure, ou chose semblable qui soit pauvre.

4. Que chacune ait son lit à part. Qu'il n'y ait jamais tapisserie, si ce n'est pour l'Église, ni ta­pis par terre. Tout ceci est de la religion, et doit être ainsi. On le remar­que d'autant que par le 154* relâchement on oublie quelquefois ce qui est de Religion et d'obliga­tion.

5. Qu'il n'y ait jamais aux habits ni au lit au­cune chose de couleur, encore que ce ne fût pas plus qu'une bande. On ne doit jamais user de robes fourrées: et s'il y a quel­qu'une malade, elle pour­ra porter une robe de nuit du même drap que l'habit.

6. Elles auront les 155* cheveux coupés pour ne perdre de temps à les pei­gner.

7. Elles ne doivent ja­mais avoir de miroir ni chose curieuse ; mais tout mépris de soi.

CHAPITRE IX.

Du Travail et Labeur des Mains.

1. Que l'on ne fasse point d'ouvrage curieux; l'ouvrage soit filer, ou autres choses qui ne 156* soient si délicates qu'elles occupent la pensée et empêchent de l'avoir en Dieu. Que l'on ne travaille ni d'or, ni d'argent. Que l'on ne conteste pour ce que l'on voudra avoir en vendant son ouvrage, mais que l'on en prenne simplement ce que l'on en donnera: et si elles voient qu'elles n'y ga­gnent pas, qu'elles ne travaillent plus à cet ou­vrage.

2. Que l'on ne baille 157* jamais de tâche aux Soeurs, mais que cha­cune essaye de travailler afin que les autres soient nourries.

Que l'on fasse grand cas de ce qui est ordonné par la Règle, que qui désire manger doit travailler ; et ainsi faisait Saint Paul. Et si quelque fois il leur vient désir d'entrepren­dre quelque tâche et se taxer la besogne qu'elles voudront faire par jour, elles le pourront faire 158* mais il ne leur faut pas bailler de pénitence, si elles ne l'achèvent.

CHAPITRE X.

Du Silence et Retraite aux Cellules.

1. Le Silence sera gardé depuis Complies jusques au sortir de Prime au lendemain ; ce qu'il faut observer fort soigneuse­ment : et en tout, l'autre temps une Religieuse ne 159* peut parler à une autre sans congé, si ce ne sont celles qui ont les offices, lesquelles pourront parler des choses nécessaires. Ce congé se donne par la Prieure, lorsqu'une Reli­gieuse, pour s'enflammer davantage en l'amour de son Époux, en voudra parler avec une autre ; ou se consoler si elle a quel­que besoin ou tentation. Ceci ne s'entend pas pour une demande ou réponse, ou pour peu de mots; car 160* cela se peut bien faire sans congé.

2. Que la Prieure ait soin qu'il y ait de bons livres, spécialement les Chartreux, la Vie des Saints, le Mépris du monde, l'Oratoire des Re­ligieux, ceux de Frère Louis de Grenade et de Frère Pierre d'Alcantara; pour ce que cette nourri­ture est en partie aussi nécessaire pour l'âme, comme le manger pour le corps.

161* 3. Tout le temps qu'elles ne seront point en la Communauté, ou aux Offices d'icelle, chacune demeurera à part soi en sa Cellule, ou en l'hermi­tage que la Prieure lui aura permis. Enfin qu'el­les soient au lieu de leur retraite, faisant quel­que ouvrage, les jours qui ne seront point Fêtes, et s'acheminant par cette solitude à ce pour quoi la Règle ordonne que cha­cune demeure à part soi.

162* 4. Nulle religieuse ne peut entrer en la Cellule d'une autre sans congé de la prieure.

5. Il n'y doit jamais avoir de lieu où l'on s'assemble pour travailler ensemble, de peur que cela ne donne occasion de rompre le silence, étant ensemble.

CHAPITRE XI.

De l'Humilité et Pénitence.

1. La table que l'on fait 163* de celles qui balaieront, commencera par la Mère Prieure afin qu'elle donne le bon exemple en tout. Il faut avoir grand soin que celles qui ont les offices de Communauté et proviseuses pour­voient avec charité au be­soin des Soeurs, tant à la nourriture, comme au reste.

Il ne faut rien davan­tage à la Prieure, ni aux Anciennes, qu'aux autres, ainsi que la Règle 164* l'or- donne ; mais seulement avoir égard aux besoins et à l'âge, et plus au be­soin qu'à l'âge; parce que plusieurs fois celles qui ont plus d'âge ont moins de besoin. Il faut avoir grand égard que ceci soit général, pour ce qui est à propos pour plusieurs choses.

2. Que l'on n'use jamais envers la Prieure ni au­cune des autres de ces mots, Don, ni Madame, ni de Seigneurie, mais 165* que l'on prenne des ter­mes humbles; la Prieure, Sous‑prieure et celles qui auront été Prieures s'appelleront Mères et les autres Soeurs ( L'Espagnol ajoute que les Mères s'appelleront aussi Révérence et que, les soeurs se nommeront entre elles Votre Charité. Ces appellations n'ont jamais été d'usage en France, au moins la dernière.)

3. La maison soit bâtie sans aucune curiosité, si ce n'est l'Église il n'y doit avoir rien de cu­rieux, l'étoffe ou bois 166* d'icelle rude et grossière, la maison petite, les piè­ces basses, en sorte qu'il soit satisfait à la nécessité et n'y ait rien de superflu ; il est bon qu'elle soit forte et de durée le plus que l'on pourra. Les murs hauts quant à la clôture, et qu'il y ait un champ où l'on puisse faire des Hermitages, afin qu'elles puissent se retirer pour l'Oraison ainsi que faisaient nos saints Pères.

167* 4. Que pas une ne re­prenne l'autre des fautes qu'elle lui verra faire, et si ces fautes sont grandes, qu'elle l'en avertisse avec charité, seule à seule. Et si elle ne s'en corrige ayant été avertie par trois fois, qu'elle le dise à la Mère Prieure, et non à aucune des autres Soeurs. Et d'autant qu'il y a des Zélatrices qui ont charge d'observer les fautes, les autres ne s'en doivent soucier et doivent laisser 168* passer celles qu'elles verront et prendre garde aux leurs propres ; et qu'elles ne s'entremêlent, si celles qui ont les offices y font faute, si ce n'est chose d'importance, dont elles sont obligées de les avertir, comme il est dit : qu'elles aient grand soin de ne se point excuser, si ce n'est chose où il en soit besoin. Car elles trouveront par cela un grand avancement en hu­milité,

169* 5. D'autant que tout est ordonné conformément à notre Règle, la correction des coulpes et fautes qui se commettront à ce qui a été dit se fera par les peines qui seront mises à la fin de ces Cons­titutions, de plus grande ou moindre coulpe. La Mère prieure peut avec discrétion et charité or­donner de tout cela, selon ce qui lui semblera juste, et n'obligera personne à péché pour l'observation 170* de ce, mais à peine cor­porelle.

6. Outre les disciplines de verges que l'on doit prendre (car le Cérémonial en ordonne quelques unes, comme quand on fait de la férie en carême, ou en Avent, et en tous les autres temps, aux Lundis, Mercredis et Vendredis), on la prendra aussi tous les Vendredis de l'an pour l'augmenta­tion de la Foi, pour la Vie et États de nos Princes 171* Souverains ( L'Espagnol nomme le roi ré­gnant, qui en 1581 était Philippe II) pour les bienfaiteurs pour les âmes du Purgatoire, pour les captifs, pour ceux qui sont en péché mortel, et ce, durant un psaume Miserere et les oraisons pour les choses sus-dites et pour l'Eglise . Cette dis­cipline se prendra au Choeur après Matines, et ne doit aucune prendre plus de discipline, ni faire aucune chose de 172* Pénitence, sans le congé de la Prieure.

CHAPITRE XII.

Des Malades

1. Les malades seront pansées avec beaucoup d'amour, bon traitement et compassion, conformé­ment à notre pauvreté. Qu'elles louent Dieu quand elles ont tout ce qu'il leur faut, et ne se désolent pas s'il leur 173* manque quelque chose de ce que les riches ont en leurs maladies: il faut qu'elles viennent avec cette résolution. Cela est être pauvres d'avoir faute au temps de la plus gran­de nécessité. La Mère Prieure doit avoir grand soin qu'il manque plu­tôt aux saines de ce qui est nécessaire que non pas quelque consolation aux malades, et qu'elles soient visitées et consolées par les Soeurs.

174* 2. Il faut mettre une infirmière qui ait la cha­rité qu'il faut à tel Office, et les malades auront soin de faire alors paraître la perfection qu'elles ont gagnée et acquise en san­té, ayant patience et soin de n'importuner guè­re quand le mal n'est pas grand.

Qu'elles soient obéis­santes à l'infirmière, afin de profiter et édifier les Soeurs, et sortir de maladie avec avancement.

175* Qu'elles aient du linge, de bons lits avec matelas et des linceux, et soient traitées fort nette-­

ment et charitablement.

3   Qu'aucune des Soeurs ne parle si l'on donne peu ou beaucoup à man­ger, bien ou mal apprêté. La Prieure et Proviseure auront soin que ce que Notre‑Seigneur aura en­voyé soit bien accommo­dé, de sorte qu'elles se puissent passer (c'est-à-dire s'en contenter) de ce 176* qu'on leur donne, puis qu'elles n'ont autre chose.

4. Les Soeurs sont obli­gées de dire à la Mère Prieure, et les Novices à leur Maîtresse, le besoin qu'elles ont soit au vête­ment ou au manger : et si elles ont besoin, de plus que l'ordinaire, encore que le besoin ne soit fort grand, le recommandant premièrement à Notre-­Seigneur : parce que notre nature demande bien souvent plus qu'elle n'a de 177* besoin, et quelquefois le Diable y met la main pour faire avoir peur de la Pénitence et du Jeûne.

CHAPITRE XIII.

Des Trépassées

1. Les Sacrements doi­vent être administrés, comme il est dit au Céré­monial, et se feront les obsèques et enterrements de celles qui mourront au 178* couvent avec une Vigile et une Messe haute, et s'il est possible, l'on dira les Messes de Saint Gré­goire, sinon, comme l'on pourra, et que tout le Couvent dise un Office des Trépassés.

2. A toutes les Reli­gieuses de la première Règle qui viendront à mourir (L'Espagnol étend aux frères dé­funts de l'Ordre l'obligation pour les Soeurs de dire l'Office des morts. Même là où les Pères Carmes sont en possession de gouverner les Carmélites, il ne peut être évidemment question que des Pères de la même Province), chacune dira un 179* Office des Trépassés, ou le diront toutes ensemble au Choeur, et s'il est pos­sible, on leur dira une Messe haute, et celles qui ne sont pas du Choeur diront trente Pater noster et autant d'Ave Maria. (L'Espagnol dit que les Religieux en font autant pour chacune des Soeurs défuntes).

180* CHAPITRE XIV.

Exhortation de ce à quoi sont obligées tant la Mère Prieure comme les autres en leurs Offices.

                                                     PRIEURE.

1 ‑ L'Office de la Mère Prieure est d'avoir grand soin que la Règle et les Constitutions soient gar­dées en tout, et avoir grand zèle à l'honnêteté et clôture de la Maison, et prendre garde comme on accomplit les offices, 181* qu'il soit pourvu à tout ce qui est besoin, soit pour le spirituel ou pour le temporel, et ce avec un amour maternel, et qu'elle essaye d'être aimée pour être obéie.

2. La Prieure donnera la charge de Portière et de Sacristaine à person­nes de qui elle ait con­fiance : et pourra les chan­ger quand il lui semblera bon, afin d'éviter que l'on ne s'attache ou s'enga­ge aucunement aux 182* offic­es, et pourvoira aussi à tous les autres, excepté la Sous‑Prieure et les Dé­positaires, lesquelles se­ront mises par élection, et faut qu'elles sachent écrire et compter au moins deux d'icelles.

                                          SOUS‑PRIEURE.

1. L'office de la Mère Sous‑Prieure est d'avoir soin du Choeur, et que l'Office soit bien dit et chanté posément, à quoi 183* elle doit bien prendre garde.

2. Quand la Prieure se­ra absente, elle présidera en son lieu, et doit être toujours en la Commu­nauté, et reprendre les fautes qui se feront au Choeur et au Réfectoire, lorsque la Prieure ne sera présente.

                                           LES DEPOSITAIRES.

1. Les Dépositaires doi­vent tous les mois faire 184* rendre le compte à la Tourière, en la présence de la Prieure, et la Prieu­re doit prendre leurs avis en choses d'importance.

2. Il doit y avoir un coffre à trois clefs pour mettre les Registres, Écri­tures et les aumônes du Couvent. La Prieure aura une des clefs et les deux Dépositaires plus ancien­nes les deux autres.

                                                 SACRISTINE.

1. L'office de Sacristine 185* est d'avoir toutes les choses de l'Eglise, et prendre garde que Dieu y soit servi avec beau­coup de révérence et netteté.

2. Elle doit avoir soin que l'on aille par ordre aux Confessions et ne per­mettre qu'aucune aille au Confessionnal sans congé, sous peine de griève coul­pe, si ce n'est pour se con­fesser à celui qui est député.

186*                                 RECEVEUSE ET TOURIERE.

1. L'office de Receveuse et grande Tourière, qui ne doit être qu'un, est d'avoir soin de faire ache­ter tout ce qu'il faut en la Maison, si Dieu donne de quoi, en son temps.

2. Elle doit parler bas au Tour, et avec édifica­tion, et avoir égard avec charité aux nécessités des Soeurs.

3. Elle doit avoir le soin d'écrire la recette et la 187* dépense, ne contester ni barguigner quand elle achètera quelque chose, mais le prendre ou laisser, après avoir dit deux fois ce qu'elle en veut bailler.

4. Elle ne laissera venir au Tour aucune des Soeurs sans congé, et appellera incontinent une Compa­gne, si elle va à la Grille.

5. Elle ne rendra compte à personne de ce qui se passera là, sinon à la seule Prieure.

6. Elle ne baillera point 188* de lettres à personne qu'à la Prieure, laquelle les lira premièrement, et ne portera aucun message à pas une, sans le dire pre­mièrement à la Prieure, et n'en rapportera non plus à ceux de dehors, sous peine de griève coulpe.

                                                     ZÉLATRICE.

1. Les Zélatrices ont soin d'observer les fautes qu'elles voient (car c'est chose qui importe), et de les dire à la Supérieure.

189* 2. Quelquefois par son commandement, elles les reprendront en public, encore que ce soit des moindres aux plus gran­des, afin qu'elles s'exer­cent en l'humilité. Et celles qui seront reprises ne répliqueront à chose quel­conque, encore qu'elles se trouvent sans faute.

                                          MAÎTRESSE DES NOVICE,.

1. La maîtresse des No­vices doit être de grande prudence, Oraison et 190* Esprit, et avoir grand soin de lire les Constitutions aux Novices, et leur en­seigner tout ce qu'elles doivent faire, soit des cérémonies ou des morti­fications. Qu'elle s'arrête davantage à l'intérieur qu'à l'extérieur, leur fai­sant rendre compte tous les jours comme elles pro­fitent en l'Oraison et com­me elles se comportent au Mystère qu'elles doivent méditer, et quel profit elles en tirent : et leur 191* enseigne comme elles se doivent gouverner en temps de goûts et de sé­cheresses, et rompre d'elles-mêmes leur volonté, même en choses peti­tes. Que celle qui a cet Office ait soin de ne s'ou­blier en rien, car sa char­ge est de nourrir des âmes en lesquelles Dieu puisse de­meurer. Qu'elle les gou­verne avec compassion et amour, ne s'étonnant de leurs fautes, pour ce qu'elle doit aller peu à peu 192* mortifiant chacune selon qu'elle verra que son es­prit le peut porter. Et qu'elle fasse plus grand cas du manquement qu'il y pourrait avoir aux ver­tus qu'en la rigueur de la Pénitence. Et la Prieure commandera que l'on lui aide à enseigner à lire.

2. Quand la Prieure verra qu'elle n'a personne qui puisse faire la charge de Maîtresse des Novices, qu'elle la fasse elle‑même et prenne ce travail en une 193* chose si importante : com­mandant néanmoins à quelqu'une des Soeurs de lui aider.

3. Toutes les Soeurs rendront une fois le mois compte à la Prieure du profit qu'elles ont fait en l'Oraison, et comment Notre‑Seigneur les con­duit. Il lui donnera lumière pour les guider si elles ne vont bien. Et faire cela, c'est humilité et mortification, et pour faire beaucoup de profit.

194* 4 . Toutefois ce qui est dit, que les Novices ren­dront compte à leur Maî­tresse, et les autres Reli­gieuses à la Prieure, de l'Oraison et du profit qu'elles font en icelle, cela se doit faire en sorte qu'il procède de la volonté de celles qui ont à le rendre, connaissant le grand profit spirituel qu'elles en rece­vront que d'y être contraintes : pour ce nous défendons aux Prieures et Maîtresses des Novices de presser beaucoup leurs Religieuses sur ce point. Et les religieuses sachent que tant ceci que le sur­plus des Constitutions ne les oblige à coulpe, comme il a été dit au Prologue des Constitutions.(Ch. xiv, n°4. On se conformera dans l'observance de cette Constitu­tion, au Décret du 17 Décembre 1890.)

5. Quand celles qui ont les offices passeront quel­qu'une des heures aux­quelles elles font Oraison, elles en doivent prendre quelqu'autre moins occu­pée pour elles : cela s'en­tend, quand elles auront 196* passé toute l'heure ou la plupart d'icelle sans pou­voir faire Oraison.

CHAPITRE XV.

Du Chapitre des Coulpes.

4. Le Chapitre des coul­pes se doit tenir une fois par semaine, où suivant la Règle les fautes des Soeurs seront corrigées avec charité : et se tiendra à l'heure la plus commode 197* et qui leur sera plus à propos.

2. Donc le signe étant sonné, et étant toutes as­semblées en Chapitre, au signal que donnera la Su­périeure ou celle qui prési­dera, celle des Soeurs qui a l'Office de Lectrice lira quelque chose de ces Cons­titutions et de la Règle, et avant de lire, elle dira: Jube, Domne, benedicere, (C'est par erreur que dans la plupart des éditions françaises on a imprimé Domna : la rubrique dit formellement qu'il faut dire Domne) 198* Et celle qui préside répon­dra: « Regularibus disciplinis nos instruere dignetur Ma­gister Coelestis ». Resp. Amen.

Lors si la Mère Prieure désire dire quelque chose sur la lecture, ou correc­tion des soeurs, avant de commencer elle dira: Be­nedicite. Et les Soeurs ré­pondront: Dominus, en se prosternant jusques à ce qu'il leur soit commandé de se lever, et étant levées, elles se rassiéront. Le discours 199* achevé, la Supérieure ayant donné le signe, elles se lèveront pour dire leurs coulpes, commençant par les Novices, puis les Soeurs layes, et puis sui­vront les plus anciennes. Elles viendront au milieu du Chapitre, deux à deux et diront à celle qui préside leurs coulpes mani­festes. Mais il faut aupa­ravant faire retirer les Novices, les Soeurs layes et celles qui n'ont point de voix ni de séance.

200* 3. Les soeurs ne doi­vent parler au Chapitre, sinon pour deux choses, disant leurs coulpes ou celles de leurs Soeurs sim­plement : et répondant à la Supérieure sur ce qu'elle leur demandera. Celle qui sera accusée se garde bien d'en accuser une autre pour le seul soupçon qu'elle aura d'elle. Et s'il lui arrive quelquefois de le faire, elle recevra la même pei­ne du crime qu'elle aura 201* accusé. Cela se fera de même envers celle qui ac­cuse une autre d'une faute pour laquelle elle a déjà satisfait. Mais afin que les vices et défauts ne soient couverts, la Religieuse pourra dire à la Mère Prieure ce qu'elle a vu ou ouï, et aussi au Supérieur ou Visiteur.

4. Celle aussi qui dira faussement quelque chose d'une autre recevra mê­me châtiment et sera pa­reillement obligée de 202* res­tituer (en tant qu'elle pourra) la renommée de celle qu'elle aura diffa­mée Et celle qui sera accusée ne répondra point si on ne lui commande, et lors elle dira humble­ment: Benedicite ; et si elle répond impatiemment, elle sera alors plus griève­ment châtiée, selon la dis­crétion de celle qui prési­de ; mais le châtiment lui sera différé pour lors que la passion sera apaisée

5. Que les Religieuses 203* se gardent de divulguer ou publier en quelque sorte que ce soit les se­crets du Chapitre.

6. Tout ce que la Mère aura châtié ou résolu au Chapitre, aucune Reli­gieuse ne le répétera hors d'icelui par forme de mur­mure, parce que de là il naît des discordes : cela trouble la paix du Cou­vent et produit des par­tialités. Et c'est entre­prendre sur la charge des premières,

204* 7. La Mère Prieure, ou celle qui préside, corri­gera sans dissimulation, avec zèle de charité et amour de justice, les fautes qui seront nette­ment reconnues, ou dont les Soeurs se seront accu­sées, selon ce qui sera déclaré ci-après.

8. La Mère pourra adou­cir ou accourcir la peine due à la coulpe quand elle n'aura pas été com­mise par malice, au moins la première, seconde ou 205* troisième fois ; mais à celles qu'elle verra pécher par malice ou par vicieuse accoutumance, elle leur doit aggraver les peines passées et ne les remettre, ni relâcher sans l'autorité d'un Supérieur ou du Visiteur.

9. Celles qui auront coutume de commettre des coulpes légères, on leur baillera la pénitence de la coulpe plus grande : ainsi aussi seront augmentées aux autres les 206* peines passées, si c'est par accoutumance qu'el­les faillent.

10. Les coulpes dites et la correction faite, elles diront le Psaume Deus Misereatur nostri, avec le surplus de ce qui est or­donné par le Cérémo­nial..

207*   CHAPITRE XV.      

PSAUMES POUR LE CHAPITRE.

Ps. 66   .Deus misereatur nos­tri, et benedicat nobis...

209* PSAUME 122

Ad te levavi oculos meos...

210 *

PSAUME 129. De profundis clamavi ad te

(212-217 plusieurs versets et cinq oraisons)

217* CHAPITRE XVI.

De la Coulpe légère.

1. Coulpe légère est si, après que la cloche a son­né, une Religieuse tarde 218* à s'apprêter pour venir au Choeur en bon ordre et bien accommodée.

2. Si quelqu'une entre après l'office commencé, ou lit, ou chante mal, et si elle faut et ne s'humi­lie sur-le-champ en la présence de toutes.

3. Si quelqu'une ne pourvoit à la lecture au temps ordonné.

4. Si quelqu'une, par négligence, n'a au Choeur le livre avec lequel elle doit dire l'Office.

219* 5. Si quelqu'une rit au Choeur, ou fait rire les autres.

6. Si quelqu'une vient tard aux choses divines ou au travail.

7. Si quelqu'une mé­prise et n'observe pas dû­ment les prosternations, inclinations et autres cé­rémonies.

S. Si quelqu'une fait quelque bruit, ou in­quiète les autres au Choeur, au Dortoir, ou en la Cellule.

220* 9. Si quelqu'une tarde de venir à l'heure dite au chapitre, au réfectoire ou au travail.

10. Si quelqu'une dit des paroles oiseuses.

11. Si elle manie ou rompt par négligence, ou perd quelqu'une des cho­ses qui servent au Couvent.

12. Si quelqu'une boit ou mange sans congé.

13. Celles qui s'accuse­ront de ces fautes, ou autres semblables, on leur imposera et baillera

en pénitence une Oraison ou des oraisons, selon la qualité des fautes, on quelque oeuvre humble, ou le silence (spéciale­ment pour avoir rompu le Silence de l'Ordre, ou abstinence de quelque viande (L'Espagnol, dit portion. : Du reste le mot de Viande n'a jamais pu s'entendre de la chair des animaux dont les Carmélites ne font point usage. Il signifiait autrefois toute espèce de nourriture ) ou de quelque réfection ou repas.

CHAPITRE XVII.

De la Coulpe moyenne.

1. Moyenne coulpe est si quelqu'une ne vient au choeur dans le premier Psaume : et quand elle vient tard, elle se doit prosterner jusques à ce que la Mère Prieure ou celle qui préside lui com­mande de se lever.

2. Si quelqu'une entre­prend de lire ou chanter d'autre sorte que celle qui est accoutumée.

223*

3. Si quelqu'une n'é­tant pas attentive à l'of­fice divin, fait paraître en levant les yeux la légèreté de son esprit.

4. Si quelqu'une manie irrévéremment les orne­ments de l'Autel.

5. Si quelqu'une man­que au Chapitre, au la­beur des mains, au Ser­mon, ou ne se trouve à la Réfection commune.

6. Omettre à escient ce qui est commandé en commun.

224* 7. Si elle est trouvée négligente à l'office qui lui est enchargé.

8. Parler au Chapitre sans congé.

9. Si étant accusée, elle s'excuse en parlant haut.

10. Si par vengeance elle entreprend d'accuser une autre de quelque chose dont elle‑même aura été accusée par elle le même jour.

11. Si quelqu'une se porte désordonnément en l'habit ou coiffure.

225*

12. Si quelqu'une jure ou parle dérèglement, ou (ce qui est plus grief) si elle en fait coutume.

13. Si une Soeur dis­pute contre une autre, ou dit quelque chose dont les Soeurs soient offensées.

14. Si quelqu'une refuse de pardonner à celle qui l'a offensée, si elle le lui demande.

15. Si quelqu'une en­tre dans les offices du Couvent sans congé.

226*

16. Le châtiment des fautes susdites et des semblables se fera par une discipline au Cha­pitre, laquelle sera don­née par la Supérieure, ou par celle à qui elle le commandera.

17. Celle qui accuse ne donnera pas la discipline à celle qui a failli, ni les jeunes aux plus ancien­nes.

227* CHAPITRE XVIII.

De la Coulpe griève.

1. Coulpe griève est, si quelqu'une est trouvée disant des injures à une autre, la maudissant, ou disant des paroles désor­données de colère et non de Religieuse.

2   Si quelqu'une se parjure ou reproche à quelqu'une des Soeurs, pour lui faire honte, la 228* faute passée pour laquelle elle a satisfait, ou lui re­proche ses défectuosités naturelles, ou celle de ses Parents.

3. Si quelqu'une dé­fend sa faute, ou celle d'une autre.

4 Si quelqu'une se trouve avoir dit une men­terie industrieusement.

5. Si quelqu'une est coutumière d'enfreindre le silence.

6. Rompre sans cause et sans congé les jeûnes 229* de l'Ordre, et spéciale­ment ceux qui sont or­donnés par l'Église.

7. Prendre quelque chose d'une autre, ou de la Communauté, ou chan­ger la Cellule, ou l'habit concédé à son usage, ou l'échanger avec une autre.

8. Entrer à l'heure du dormir, ou en un autre temps en la cellule d'une Soeur sans congé, ou sans évidente nécessité.

9. Se trouver sans le 230* congé de la Mère Prieure au Tour, ou Parloir, ou là où il y a des                 Séculiers.

10. Si quelqu'une des Soeurs menace une autre avec courroux, si elle hausse la main, on autre chose pour la frapper, la peine de la griève coulpe lui sera redoublée.

11. Celles qui deman­deront pardon pour les fautes de cette sorte, ou qui n'en auront été accu­sées auront deux cor­rections au Chapitre, et jeûneront deux jours au pain et à l'eau et mange­ront en la présence de tou­tes ou au bout des tables, sans tables et sans appa­reil : mais à celles qui en seront accusées, on leur ajoutera une correction, et un jour de jeûne au pain et à l'eau.

CHAPITRE XIX.

De la Coulpe plus griève.

1. Coulpe plus griève 232* est si quelqu'une est si hardie de contester irrévé­remment contre la Mère Prieure, ou celle qui pré­side, ou lui dire quelque chose discourtoisement.

2 . Si quelqu'une frappe par malice une des Soeurs, elle encourt pour ce fait sentence d'excommunication, et toutes la doivent fuir.

3. Être trouvée semant des discordes entre les Soeurs, ou avec coutume de médire d'elles en leur 233* absence, ou murmurant d'une autre.

4. Si quelqu'une entre­prend de parler à ceux de dehors sans congé de la Mère Prieure, ou sans une Compagne qui serve de témoins et l'entende clai­rement. Si celle qui sera accusée de telles fautes en est convaincue, elle se prosternera sur‑le‑champ, demandant dévotement pardon, et découvrant ses épaules, recevra la sentence digne de ses 234* dé­mérites avec une discipli­ne, autant qu'il plaira à la Mère Prieure. Et après qu'on lui aura com­mandé de se lever, elle ira à la Cellule que la Mère Prieure lui dira, et nulle ne sera si hardie d'aller parler à elle, ni lui envoyer aucune chose, afin que par ce moyen elle connaisse qu'elle est séparée du Couvent et privée de la compagnie des Anges. Et pendant. qu'elle fera cette 235* pénitence elle ne communiera point ; on ne lui ordon­nera aucun Office ; on ne lui enjoindra aucune obé­dience ; on ne lui com­mandera rien : au con­traire, elle sera privée de l'Office qu'elle avait aupa­ravant. Elle n'aura voix ni séance au Chapitre, sauf pour son accusation : elle sera la dernière de toutes, jusques à la pleine et entière satisfaction. Elle ne s'assiéra avec les au­tres, mais elle se mettra 236* au milieu du Réfectoire, sur le plancher tout nu, revêtue de son manteau, et n'aura que du pain et de l'eau : sauf si par mi­séricorde on lui donne quelque chose par le com­mandement de la Mère Prieure, laquelle se com­portera envers elle avec compassion et lui enver­ra quelqu'une des Soeurs pour la consoler. S'il y a en elle de l'humilité de coeur, que l'on aide à son intention, à laquelle aussi 237* tout le Couvent donnera faveur et aide, et la Mère Prieure ne se rendra difficile à lui faire miséri­corde, tôt ou tard, plus ou moins, selon que la faute la requerra.

5. Si quelqu'une s'élève manifestement contre la Mère Prieure, ou contre ses Supérieurs, ou si elle invente, ou fait contre eux quelque chose qui ne soit permise ni honnête, elle fera la pénitence ci-dessus, quarante jours 238* du­rant et sera privée de voix et séance au Chapitre, et de l'Office qu'elle avait, quel qu'il soit.

Que si, par quelque conspiration de cette sorte ou malicieux complot, il arrive que des Séculiers s' entremettent de ces cho­ses, à la confusion, dif­famation, on dommage des Soeurs ou du Monas­tère, les Religieuses qui l'auront fait seront mises en prison, et y seront détenues selon la 239* grandeur du scandale qui sera arrivé. Et si à l'occasion de ceci il y a des divisions et partialités au Monas­tère, celles qui les feront et celles qui les favorise­ront encourront sentence d'excommunication et se­ront emprisonnées.

6. Si quelqu'une veut empêcher la pacification ou correction des fautes, alléguant que les Supé­rieurs procèdent par haine ou par faveur, ou choses semblables, elle sera 240* châ­tiée de la même peine que celles qui auront conspiré contre la Mère Prieure.

7. Si quelqu'une prend la hardiesse de recevoir, donner ou lire des lettres sans le congé de la Mère Prieure, ou envoyer quel­que chose dehors, ou rece­voir pour elle ce qu'on lui donne : pareillement, si quelqu'un du monde est scandalisé pour les fautes de cette Soeur. Ou­tre les peines portées par les Constitutions, quand 241* on ira dire les Heures Ca­noniales et les Grâces d'après dîner, elle demeurera prosternée devant la porte du Choeur, pendant que les Soeurs passeront.

CHAPITRE XX.

De la Coulpe très‑griève.

1. Coulpe très‑griève est l'incorrigibilité de celle qui ne craint de commet­tre les fautes et refuse la pénitence.

242* 2. Si quelqu'une est apostate, ou sort les bor­nes du Couvent, elle en­courra sentence d'excom­munication.

3. Si quelqu'une est désobéissante, et par une rébellion manifeste n'obéit au commandement que la Prieure ou la Supé­rieure lui aura fait en particulier, ou à toutes en général.

4. Si quelqu'une tombe au péché de la sensualité (ce que Dieu ne veuille 243* permettre, lui qui est la force de ceux qui espèrent en lui).

5. Si quelqu'une est propriétaire, ou confesse de l'être : et si lors de sa mort on la trouve telle on ne lui donnera pas la sépulture ecclésiastique.

6. Si quelqu'une met la main violente sur la Mère Prieure ou sur quelqu'au­tre soeur, ou, en quelque sorte que ce soit, découvre à personnes étrangères quelque crime de 244* quel­que Soeur ou du Couvent, dont la Religieuse ou le Couvent puissent être diffamés ou découvre les autres actions secrètes du Couvent.

7. Si quelqu'une recher­che pour soi ou pour d'au­tres quelque chose d'am­bition ou des Offices, ou quelque autre chose con­tre les Constitutions de la Religion : telles Religieu­ses seront mises en prison avec jeûnes et abstinences plus ou moins selon la 245* quantité ou la qualité du délit, et selon la discrétion de la Mère Prieure, ou des Supérieurs ou Visi­teur. Les Soeurs mèneront à la prison tout incontinent qu'il leur sera com­mandé par la Mère Prieu­re, sur peine de rébellion, quelle que ce soit des Religieuses qui aura com­mis telles fautes, et ne parleront à elle tant qu'elle sera en prison, si ce ne sont celles qui la gardent et nulle d'icelles 246* ne lui enverra aucune chose, sur les mêmes peines. Si la Religieuse emprisonnée sort de prison, celle qui en aura la garde, ou celle qui aura donné cause a sa sortie, étant convaincue de cela, sera mise en la même prison et, y demeu­rera autant que méritent les délits de celle qui était prisonnière.

8. Il doit y avoir une prison ordonnée où l'on puisse mettre celles qui commettront ces choses, 247* et étant prisonnières pour ces fautes scandaleuses, elles ne pourront être dé­livrées que par les Supé­rieurs ou Visiteur.

9. L'apostate sera mise en prison, et celle qui tombera au péché de la chair, et celles qui commettra des crimes qui au monde mériteraient la mort, et celles qui ne se veulent humilier et con­naître leur faute : et n'en seront jamais délivrées, sauf si durant ce temps, 248* leur amendement et pa­tience ont été reconnus tels, que par le conseil de toutes celles qui prie­ront pour elles, elles mé­ritent d'être tirées de la-­dite prison par les Supé­rieurs, du consentement de la Mère Prieure.

Chacune de celles qui seront en cette prison, saura qu'elle a perdu la voix active et passive et la séance semblablement, et sera privée de tout acte légitime et de tous 249* offices, et qu'encore qu'elle soit délivrée de la prison, elle ne sera pas pourtant restituée ès‑choses sus­dites, si ce n'est que ce bénéfice lui soit expressé­ment accordé en sa déli­vrance de prison. Et si on lui rend la séance, pour cela on ne lui rend pas la voix en Chapitre : et si on lui rend la voix active, elle n'a pas pour cela la passive, si, comme il est dit, cela ne lui est expres­sément concédé. 250* Toute­fois, celle qui sera tombée en ces fautes ne pourra être rétablie jusques‑là, que d'être élue à quelque Office, ni accompagner les Soeurs au Tour, ni ailleurs. Si elle tombe au péché de la sensualité, encore que s'en déplai­sant, elle vienne de son bon gré demander misé­ricorde et pardon, elle ne pourra en aucune manière être reçue, sinon par la permission et conseil des Supérieurs, ou s'il ne 251* survient quelque cause raisonnable.

10. Si quelqu'une est convaincue devant la Pri­eure d'avoir porté faux témoignage, ou est coutu­mière de diffamer autrui, elle fera sa pénitence à l'heure du manger, étant sans manteau, n'ayant que le Scapulaire sur le­quel il y aura deux lan­gues de drap blanc, cou­sues devant et derrière de différente sorte, et, étant au milieu du 252* Réfectoire, elle mangera du pain et boira de l'eau sur la terre, pour marquer que cette punition lui est donnée pour le grand vice de sa langue, et de là elle sera mise en la prison : et si quelque jour elle en est délivrée, elle n'aura ni voix, ni séance.

Si la Prieure ( ce que Dieu ne permette) tombe en quelqu'une des fautes susdites, elle sera incontinent déposée pour être 253* très‑grièvement punie.

(on lit dans l'Espagnol : "Nous ordonnons qu'à l'égard de ce que ces Constitutions auraient omis de statuer touchant la récitation de l'office ou toute autre partie du culte divin, lesdits Monastères se gouvernent conformément aux rubriques et prescriptions communes à l'Ordre entier du Carmel. Et quant à ce qui concerne le gouvernement, les coulpes, ou d'autres points semblables non définis dans ces Constitutions, les Religieuses, s'il venait à s'élever quelque difficulté suivront les Constitutions des Carmes Déchaussés de cette Province, avec le conseil et le consentement du provincial en charge." Tout ce paragraphe ne regardant que les monastères soumis aux Carmes de la Province des réformés établis en Espagne par Grégoire XIII et plus tard, par extension, à ceux des Provinces Italiennes ou Espagnoles, a naturellement été supprimé dans les Constitutions françaises. Chacun sait de plus que, par l'autorité des anciens Visiteurs, il a été pourvu par un cérémonial particulier publié en 1658 aux lacunes indiquées ici. Quant à ce qu'il y a de spécial aux Carmélites dans l'Office Romain qu'elles récitent, la Sacrée Congrégation, sur la demande de Mgr Pie, évêque de Poitiers, a approuvé en 1858 un Propre qui, devenu d'abord obligatoire pour toutes les Carmélites du diocèse de Poitiers, a été depuis approuvé à la requête des Ordinaires pour la presque totalité des Monastères de France.)

Il y aura en chaque Couvent un Livre de ces Constitutions, au coffre des trois clefs, et quel‑ 253*

ques autres, afin qu'on les lise une fois la se­maine à toutes les Soeurs ensemble, au temps que la Mère Prieure l'ordon‑ 255* nera, et que chacune des Soeurs les ait bien en la mémoire, vu que c'est ce qui les doit faire fort avancer, et tâcheront de les lire souvent. C'est pour 256* cela que l'on dit qu'il y doit avoir plusieurs livres des dites Constitutions au Couvent, afin que cha­cune les puisse emporter en sa Cellule quand elle voudra.

(Nous rétablissons d'après l'Espagnol cette conclusion des Constitutions primitives.)

Telles sont les Consti­tutions que Nous le Commis­saire Apostolique, le Pro­vincial et les Définiteurs nous avons rédigées et or­données dans notre Cha­pitre de ladite province des 258* Pères Déchaussés de l'Or­dre de Notre‑Dame‑du‑Car­mel de la Règle primitive. Nous voulons et ordonnons que toutes les Religieuses de ladite province de la Rè­gle primitive nommées Dé­chaussées, reçoivent pour lois les présentes Constitu­tions afin de les garder et d'y conformer leur vie. Et en vertu des présentes nous 259* révoquons toutes autres Règle et Constitution donnée à ces Religieuses par quel­que Visiteur ou Prélat que ce soit ; et nous voulons que celles‑ci seules soient répu­tées valables et aient leur effet. En foi de quoi nous y avons apposé notre signa­ture, en notre collège de Saint‑Cyrille dans la ville d'Alcala de Hénarès, le 260* treize du mois de mars de l'an mil cinq cent quatre vingt un.

Suivent les signatures:

Frère JEAN DE LAS CUE­VAS, Commissaire Apos­tolique ; Frère JÉRÔME GRATIEN DE LA MÈRE DE DIEU, Provincial ; Frère NICOLAS DE JÉSUS MARIE ; Frère ANTOINE DE JESUS ; 261* Frère JEAN DE LA CROIX ; Frère GABRIEL DE L'AS­SOMPTION ; Frère MARIANO DE ST‑BENOIT, secrétaire.

Fin