Moines et moniales prennent leurs repas en silence au réfectoire. C'est là une tradition monastique établie depuis longtemps dans tous les Grands Ordres. Pendant le repas, un membre de la communauté fait la lecture. A Lisieux, on lisait un livre en continu, entrecoupé par la lecture, au repas du soir, de la traduction française de l'Office (Dom Gréa), et par la lecture de circulaires reçues d'autres Carmels. Ces circulaires sont de courtes biographies de soeurs défuntes. Cette lecture faite tranquillement avait un puissant impact sur les auditrices ; on peut le vérifier en de nombreux passages des oeuvres de Thérèse,  directement inspirés de cette lecture, notamment des circulaires.

La carmélite dont c'est le tour monte en chaire au réfectoire, et elle ne lit pas comme dans une conversation ! La lecture se fait de manière quasi-musicale en recto-tono (du latin : sur un ton droit, uni). C'est-à-dire que le texte est lu sur une même note, un mi par exemple. Pour améliorer l'audition du texte, on abaisse la note d'un demi-ton à la fin d'une phrase.

Livres lus au repas du midi

À 11 heures (10h en été ; 11h30 pendant le Carême et les jours de jeûne)

Certains des ouvrages lus ne se trouvent pas dans les archives du monastère ; ils étaient sans doute alors prêtés à la Communauté. 

Deux numéros des Constitutions et chaque vendredi, la Règle primitive en entier.

Ces lectures assez brèves, étaient suivies d'une biographie en continu :

  • En 1893, on lisait, de l'Abbé Bougaud : Histoire de sainte Jeanne de Chantal et des Origines de la Visitation, Paris, 1865, 2 tomes. Thérèse le mentionne en LT 154.
  • Céline se rappelle qu'à son entrée en septembre 1894, on lisait : M. Faillon : La Vie de Monsieur Olier, Paris, 4e éd., 1873, en 3 tomes.
  • On lut ensuite une biographie de Christophe Colomb, non conservée mais peut-être celle du baron de Bonnefoux : Vie de Christophe Colomb. Paris: Arthus Bertrand, [1853].  "De même que le génie de Christophe Colomb, écrit Thérèse, lui fit pressentir qu'il existait un nouveau monde, alors que personne n'y avait songé, ainsi je sentais qu'une autre terre me servirait un jour de demeure stable." Ms A, 6 v°.
  • En 1897, on lut une Histoire de saint Louis de Gonzague, par Daurignac, Le Puy, 1864. On se souvient que c'est après avoir entendu lire un passage de ce livre que Thérèse dit à sa marraine : « Moi aussi, après ma mort, je ferai pleuvoir des roses ».
  • Michel-Ange Marin, de l'Ordre des Minimes, Vies des Pères des Déserts d'Orient, avec leur doctrine spirituelle et leur discipline monastique, Lyon, 1824. Thérèse fait allusion à un passage de cet ouvrage quand elle demande à Mère Agnès, le 11 juillet 1897, d'ajouter à la fin de son dernier manuscrit « l'histoire de la pécheresse convertie qui est morte d'amour ».
  • R. P. Ribadeneira : Les Vies des Saints et Fêtes de toute l'année, traduction française revue et augmentée des fêtes nouvelles, des vies des saints et bienheureux nouveaux, par M. l'abbé E. Daras, Paris, 3e éd., 1862, 12 tomes.
  • Vies des Saints d'après Les Bollandistes, Surius, Ribadeneira, Le Père Giry, Les Hagiologies, par M. L'Abbé Paul Guérin, 1868.

Le dimanche et certains jours de fête, on remplaçait la lecture de la biographie par celle de L'année liturgique de Dom P. Guéranger. C'est Mère Agnès qui avait signalé cet ouvrage à Mère Marie de Gonzague.

Pendant le Carême, on lisait une Vie de Notre-Seigneur ; durant l'un des trois derniers carêmes de Thérèse, on lut : La Douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, d'après les méditations d'Anne-Catherine Emmerich, religieuse augustine du couvent de Dulmen. Paris, 1866.

Lorsqu'une Circulaire (notice nécrologique d'une carmélite défunte) était reçue, elle était lue à la place de la biographie courante. Ces circulaires étaient ensuite conservées à la bibliothèque communautaire. Thérèse disait à Mère Agnès le 27 mai 1897 : « Je veux bien avoir une circulaire. Je ne comprend pas trop pourquoi il y a des soeurs qui demandent à n'en pas avoir ; c'est si doux de se connaître, de savoir un peu avec qui nous vivrons éternellement."

Voir les circulaires lues au réfectoire entre 1888 et 1897

Au repas du soir  

À 18 heures

  • La traduction du Martyrologe qui le matin avait été lu en latin à l'Office de Prime.
  • La traduction des Leçons de Matines, et, à certaines fêtes, de l'Office entier, à l'exception des Psaumes.

Vers la fin de la vie religieuse de Thérèse, on utilisa à cette fin : Le Bréviaire romain, mis à la portée des Communautés et des personnes pieuses par une traduction annotée, et précédée d'une introduction du R. P. Dom A. Gréa, Lons-le-Saunier, 2 t., 1893 et 1894.

  • Le passage de L'Année liturgique de Dom Guéranger consacré à la fête du lendemain.
  • Enfin, s'il restait du temps, on continuait la biographie de saint en cours de lecture.
  • Chaque année, au soir du 4 octobre, anniversaire de la mort de sainte Thérèse d'Avila, on lisait le récit de ses derniers jours dans François de Ribera : Vie de sainte Thérèse, traduction par M. Bouix, S. J., Paris et Lyon, 1868. Ce récit se trouve au livre III, ch. xv, p. 315-320. Dans le même ouvrage, on lisait, le dimanche des Rameaux, au repas de 11 heures, le récit de la grâce que reçut la Sainte en communiant ce jour-là. Un passage de ce chapitre a pu renforcer dans le coeur de Thérèse le désir de la communion quotidienne. (livre IV, ch. xii, De sa grande dévotion au très saint Sacrement de l'autel, p. 470.)

Notes de Sr Marie-Emmanuel (1886-1961), carmélite archiviste à Lisieux