Carmel

Circulaire de Soeur St Jean-Baptiste

Marie-Estelle Dupont   1847-1917

Soeur Saint Jean-Baptiste du Coeur de Jésus n'a pas eu de circulaire ; nous transcrivons ici les données la concernant dans le livre des Fondations.

Nous ne doutions pas, en clôturant avec ferveur notre retraite générale, que la mort ferait quelques jours plus tard un vide parmi nous, avec une soudaineté qui ne laissa pas de nous causer une impression profonde. Mais au carmel, on se tient toujours prêt à entendre le Veni de l'Epoux, et comblées comme nous le sommes de tant de grâces, pourrions-nous envisager avec terreur l'instant suprême qui brisera nos liens d'exil ?

Notre chère soeur Saint Jean-Baptiste du Coeur de Jésus, âgée de 70 ans, ressentit vers le milieu d'octobre un point très douloureux au côté droit. Son état ne présentait néanmoins aucune gravité alarmante, et ce fut plutôt par prudence qu'on l'obligea à descendre à l'infirmerie le vendredi 26 octobre 1917. Ce jour-là encore, elle n'avait aucune fièvre, assurait éprouver moins d'oppression et prévoyait se remettre bientôt. Sur ses instances, on ne manda pas le docteur, quand, dans la nuit du 26 au 27, subitement, vers 2 heures du matin, elle perdit connaissance. Elle ne se réveilla de ce profond coma qu'au ciel, sans avoir pu laisser à notre Mère, accourue à son chevet dès le matin, un mot d'adieu, et sans que rien apparemment puisse nous faire croire qu'elle ait eu conscience de sa fin imminente. Le Père Pitrou entra en hâte lui donner une dernière absolution et l'extrême-onction, sans que la pauvre mourante reprit connaissance. Le docteur arriva à son tour, et ne sut expliquer cette mort presque subite, qu'il attribua à une crise cardiaque. Vers 11 heures du matin, le 27, notre chère soeur Saint Jean-Baptiste s'éteignit doucement, toute la communauté étant présente. Malgré le caractère profondément triste de cette mort qu'aucune consolation apparente ne semblait consoler, nous avons l'espoir que notre « petite Thérèse» vint au secours de notre pauvre Soeur à l'heure suprême. Nous le croyons d'autant mieux que soeur Jeanne-Marie, particulièrement impressionnée de ce malheur, et se trouvant le 27 au soir près de la dépouille mortelle de la défunte, reçut une grâce de choix. Elle disait à notre petite Sainte: « O ma petite Thérèse, est-ce possible que vous n'étiez pas là, au moment de la mort de cette pauvre soeur? » Au même instant, un parfum très accentué de roses se répandit dans l'infirmerie où cependant n'était aucune fleur. Cette réponse céleste nous fut à toutes un baume de paix, après les pénibles émotions ressenties.

L'inhumation de soeur saint Jean-Baptiste eut lieu le lundi matin 29 octobre, les 3 absoutes données par notre Père Supérieur, Monsieur l'abbé Cachelou, Doyen de Saint Désir et Monseigneur de Teil, de passage à Lisieux, en se rendant à Bayeux, pour la clôture du Procès.

Tandis que Monseigneur Lemonnier présidait dans sa Cathédrale, en présence du Tribunal ecclésiastique et de tout le grand Séminaire, la clôture solennelle du Procès, nous nous réjouissions saintement ici de la fin de ces travaux, qui prépareront la glorification prochaine de notre petite Sainte, nous en avons la ferme confiance. Cependant le deuil si récent causé par la mort de soeur Saint Jean-Baptiste ne nous permit pas de donner à cette consolante journée tout l'apparat de joie que nous lui réservions. Mais la reconnaissance éclatait à l'intime de nos âmes pour louer le Seigneur de ce qu'il a fait déjà pour sa petite épouse !