Carmel

Mère Geneviève et Thérèse

Mère Geneviève meurt en 1891. Voici quelques éléments pour établir ce qu'elle pouvait penser de Thérèse :
Mère Geneviève de Sainte‑Thérèse est âgée de 82 ans à l'entrée de la jeune Thérèse. Elle était favorable à cette entrée et s'est opposée à ce sujet au Supérieur du Carmel. Elle avait assez confiance en Thérèse pour lui confier des souvenirs intimes, que la jeune carmélite a transcrits - lire ici.

De plus, Thérèse elle-même évoque à trois reprise la fondatrice dans la rédaction de son Manuscrit A.

Elle l'évoque d'abord juste après son décès, au folio 12 verso :

Le jour ou le lendemain du départ de Maman, il me prit dans ses bras en me disant :  «Viens embrasser une dernière fois ta pauvre petite Mère.» Et moi sans rien dire, j'approchai mes lèvres du front de ma Mère chérie... Je ne me souviens pas d'avoir beaucoup pleuré, je ne parlais à personne des sentiments profonds que je ressentais... Je regardais et j'écoutais en silence... personne n'avait le temps de s'occuper de moi aussi je voyais bien des choses qu'on aurait voulu me cacher ; une fois, je me trouvai en face du couvercle du cercueil... je m'arrêtai longtemps à le considérer, jamais je n'en avais vu, cependant je comprenais... j'étais si petite que malgré la taille peu élevée de Maman, j'étais obligée de lever la tête pour voir le haut et il me paraissait bien grand... bien triste... Quinze ans plus tard, je me trouvai devant un autre cercueil, celui de Mère Geneviève, il était de la même grandeur que celui de maman et je me crus encore aux jours de mon enfance !... Tous mes souvenirs revinrent en foule, c'était bien la même petite Thérèse qui regardait, mais elle avait grandi et le cercueil lui paraissait petit, elle n'avait plus besoin de lever la tête pour le voir ; elle ne la levait plus que pour contempler le Ciel qui lui paraissait bien joyeux, car toutes ses épreuves avaient pris fin et l'hiver de son âme était passé pour toujours...

Plus loin, Thérèse raconte son entrée au Carmel et parle de la présence de Mère Geneviève au choeur lors de son entrée (folio 69 verso):

Comme toutes les postulantes je fus conduite au choeur aussitôt après mon entrée ; il était sombre à cause du St Sacrement exposé et ce qui frappa d'abord mes regards, furent les yeux de notre sainte mère Geneviève qui se fixèrent sur moi ; je restai un moment à genoux à ses pieds remerciant le bon Dieu de la grâce qu'Il m'accordait de connaître une sainte.

Enfin, Thérèse aux folio 78 et 79, nous partage son héritage:

Le Dimanche suivant, je voulus savoir quelle révélation Mère Geneviève avait eue ; elle m'assura n'en avoir reçu aucune, alors mon admiration fut encore plus grande, voyant à quel degré éminent Jésus vivait en elle et la faisait agir et parler. Ah ! cette sainteté-là me paraît la plus vraie, la plus sainte et c'est elle que je désire car il ne s'y rencontre aucune illusion... Je n'attache pas d'importance à mes rêves, d'ailleurs j'en ai rarement de symboliques et je me demande même comment il se fait que pensant toute la journée au Bon Dieu, je ne m'en occupe pas davantage pendant mon sommeil... ordinairement je rêve les bois, les fleurs, les ruisseaux et la mer et presque toujours, je vois de jolis petits enfants, j'attrape des papillons et des oiseaux comme jamais je n'en ai vus. Vous voyez, ma Mère, que si mes rêves ont une apparence poétique, ils sont loin d'être mystiques... Une nuit après la mort de Mère Geneviève j'en fis un plus consolant : je rêvai qu'elle faisait son testament, donnant à chaque soeur une chose qui lui avait appartenu ; quand vint mon tour, je croyais ne rien recevoir, car il ne lui restait plus rien, mais se soulevant elle me dit par trois fois avec un accent pénétrant : «A vous, je laisse mon coeur.»