Carmel

Biographie de Soeur Anne du Sacré-Coeur

Maria de Souza 1850-1920

"Rien à dire sur elle"

L'Histoire d'une Âme fut certainement une révéla­tion pour soeur Anne du Sacré-Coeur, en son lointain monastère de Saïgon. Les prodiges bientôt obtenus par l'intercession de son ancienne compagne, soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, ne laissaient aucun doute sur la vertu héroïque de celle-ci. Soeur Anne avait donc pu partager l'existence quotidienne de la Petite Soeur, pendant sept années, sans rien soupçonner? C'est du moins ce que laisse entendre sa réponse invariable à sa Mère Prieure lorsqu'on lui demandait : « Parlez-nous de la petite Thérèse! » Toujours le même constat : « Il n'y avait rien à dire sur elle; elle était très gentille et très effacée, on ne la remarquait pas, jamais je ne me serais douté de sa sainteté. » (Note de Saïgon envoyée à Lisieux, 21 décembre 1947.)  Et pourtant, on trouve toujours à dire et à écrire sur la Carmélite de Lisieux...

Retour aux sources

Maria de Souza naît en 1850 à Macao, fille d'un père portugais et d'une mère chinoise. Elle entre en 1874 au Carmel de Saïgon, fondé treize années plus tôt par un essaim de carmélites de Lisieux, dans des condi­tions vraiment héroïques. Les deux colonnes de ce premier Carmel de mission furent Mère Philomène de l'Immaculée-Conception et Mère Xavier du Coeur de Jésus, deux normandes. En 1874 précisément, la seconde, qui a dû quitter Saïgon, fonde le Carmel du Pater à Jérusalem.

Soeur Anne prend l'habit le 1er mai 1875 (jour où soeur Thérèse de Saint-Augustin entre au Carmel de Lisieux) et fait profession le 8 septembre 1876. Mais le désir grandit en elle de faire partie du Carmel français. Lisieux lui ouvre ses portes en juin 1883 : « Cette chère Soeur fut reçue dans notre monastère avec bonheur comme un double lien qui nous unit à notre chère fondation de Saïgon » (Chronique du monastère).

Passer de l'ardent soleil de Saïgon (LT 225) aux brouillards lexoviens n'est pas une petite affaire. De taille moyenne et sans grandes forces physiques, soeur Anne ne s'acclimatera jamais.

Soeur Marie des Anges souligne ses aptitudes et sa ferveur, en mai 1893 :

« Venue de Saïgon. Vrai type chinois, dont la mère était Chinoise et le père Portugais. Remplie d'esprit, de science, de talents, travaillant merveilleu­sement, mais à laquelle son peu de forces ne permet pas d'avoir d'emplois. Fervente comme un séraphin et bien édifiante par son courage et sa piété. » (CG II, pp. 1174 s.)

Charitable aussi : ne lui arrivait-il pas, l'hiver, de jeter un seau d'eau chaude dans le lavoir glacé, pour réchauffer un peu les laveuses?

Finalement, la sagesse impose le retour « au berceau religieux ». Soeur Anne quitte Lisieux le 29 juillet 1895 (jour où Thérèse joue, avec deux novices," sa qua­trième « récréation pieuse » : Jésus à Béthanie). Elle mourra à Saïgon le 24 juillet 1920.

J'irai prochainement

Le 17 avril 1888, quelques jours après l'entrée de Thérèse au Carmel, soeur Anne lui signait une image : « Union de prières et de sacrifices ». Le sujet devait plaire à Thérèse : « La crèche, premier autel du sacrifice sous la nouvelle loi de l'amour ». Plus tard, elle s'aidera de ce modèle (quadrillé par elle) pour peindre son petit tableau : le Rêve de l'Enfant- Jésus (CG II, p. 745).

Le 2 mai 1897, Thérèse — qui se sait désormais perdue — tient à envoyer un mot d'adieu à son ancienne compagne : « La dernière fois que je suis allée en direction avec notre bonne Mère, nous avons parlé de vous et du cher Carmel de Saïgon... » On compte toujours sur soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, là-bas, au cas où elle guérirait!

Elle poursuit : « Je me rappelle avec bonheur les années que j'ai passées en votre compagnie et vous le savez, pour une carmélite, penser à une personne que l'on aime c'est prier pour elle. Je demande au Bon Dieu de vous combler de ses grâces et d'augmenter chaque jour en votre coeur son saint amour, je ne doute pas cepen­dant que vous possédiez cet amour à un degré éminent. L'ardent soleil de Saïgon n'est rien en comparai­son du feu qui brûle dans votre âme. 0 ma Soeur! je vous en prie, demandez à Jésus que moi aussi je l'aime et que je le fasse aimer; je voudrais l'aimer non d'un amour ordinaire mais comme les Saints qui faisaient pour Lui des folies. Hélas! que je suis loin de leur ressembler!...

« Demandez encore à Jésus que je fasse toujours sa volonté, pour cela je suis prête à traverser le monde... et je suis prête aussi à mourir! » (LT 225).

Thérèse meurt cinq mois plus tard. Depuis, elle ne cesse de traverser le monde en tout sens.

Le 2 septembre, à l'infirmerie, soeur Geneviève lui avait dit : « Quand on pense qu'on vous attend encore à Saïgon! » Et la réponse de fuser :

« J'irai prochainement; si vous saviez comme j'aurai vite fait mon tour! »

Qui l'empêcherait, aujourd'hui comme hier, de rendre visite à ses soeurs de là-bas?...

 Sr Cécile ocd