Carmel

8 Mai 1897 – Saintes

 

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ qui vient de retirer des misères de l'exil notre bien chère soeur Marie-Jeanne- Françoise de Saint-Joseph, âgée de 51 ans un mois et de religion 30 ans et deux mois.

Notre chère fille nous ayant exprimé le désir qu'il ne lui soit fait de circulaire que pour réclamer les suffrages de notre Saint Ordre, nous croyons devoir nous rendre au voeu de celle dont l'attrait particulier d'âme était la méditation si touchante et si profonde de la vie du Verbe Incarné à Nazareth.

Qu'il nous suffise de vous dire, ma Révérende Mère, que notre chère fille, née d'une famille chrétienne et distinguée, sut s'attirer dans le monde l'estime et l'affection de tous par une vie édifiante et pieuse. Un de nos vénérés et saints prélats, la considérait, dès lors, comme une de ses filles de prédilection et là lettre que Sa Grandeur a daigné nous adresser, à l'occasion de ce départ pour la Patrie, témoigne de ses regrets.

Malgré une santé assez délicate, la piété et l'attitude parfaitement religieuse de notre chère fille lui méritèrent la grâce d'être admise à la vêture et à la sainte Profession après les épreuves ordinaires.

Elle fut employée à différents offices dans lesquels elle fit paraître beaucoup d'ordre et d'esprit religieux ; mais la plus grande partie de son existence s'écoula dans celui de Sacristine. C'est là surtout, ma Révérende Mère, qu'elle donna les preuves de son tendre amour envers Notre-Seigneur et de sa profonde piété.

Plus tard elle dût seconder sa Mère Prieure dans la formation des Novices. C'est dans cet office, tout de charité et de zèle, que vint la frapper la Main toujours paternelle, toujours bénie de Celui qui fait tout avec amour et sagesse.

Pendant sa maladie et particulièrement en ces dernières semaines, notre chère fille fut pour la Communauté un sujet de grande édification. Elle se montrait souriante et pleine d'abandon à la Volonté divine.

Une grâce intime lui avait fait connaître, dès le début de sa maladie, qu'elle ne se relèverait pas, aussi s'appliqua-t-elle à faire de tout elle-même un holocauste d'agréable odeur à ' Celui qui aime les- Sacrifices et se plaît à les récompenser magnifiquement.

Entourée des grâces les plus précieuses, nourrie fréquemment du Pain des Anges, fortifiée par le Sacrement des mourants, notre chère fille « était heureuse de savourer, dans tous ses détails, sa propre destruction afin de n'en perdre aucun mérite. »

Avant de mourir, elle nous en demanda humblement la permission en présence de la Communauté, désirant que la Sainte Obéissance fut son dernier acte de foi et d'amour pur. Puis elle mit ses mains entre les nôtres en signe d'union à sa Mère Prieure, répéta le Saint Nom de Jésus et les invocations que nous ne cessions de lui suggérer et, après une douce agonie, elle rendit son âme à son créateur dans un suprême combat.

Monsieur notre dévoué aumônier venait de lui renouveler la grâce de la Sainte Absolution, de l'indulgence plénière in articulo mortis et avait lui-même fait les prières de la recommandation de l'âme.

Nous vous le redisons, ma Révérende Mère, nous nous en tenons à cet aperçu succinct afin de nous conformer au désir de celle qui, nous en avons la douce confiance, repose désormais dans les Tabernacles éternels.

Néanmoins, veuillez lui faire rendre au plus tôt les Suffrages de notre Saint Ordre, par grâce, une Communion de votre Sainte Communauté, l'indulgence du via Crucis, des invocations à Jésus, Marie, Joseph et tout ce que vôtre charité vous suggérera ; elle vous en sera très reconnaissante ainsi que nous,

Ma Révérende Mère,

Qui avons la grâce de nous dire au pied de la Croix,

Votre très humble soeur et servante,

SŒUR MARIE DE JÉSUS HOSTIE.

R. C. indigne.

De notre Monastère de la Réparation, de l'Immaculée-Conception, sous la protection de notre Père Saint-Joseph, des Carmélites de Saintes, le 8 Mai 1897.

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