Carmel

30 mai 1890 – Saintes

 

MA RÉVÉRENDE ET TRÈS HONORÉE MÈRE,

Paix et très humble salut en N. S. J. C.

C'est au lendemain du jour où l'Esprit d'amour renouvelait dans les âmes de ses fidèles épouses l'ardeur de ses divines flammes, qu'il a plu à Dieu de rappeler à Lui notre chère et regrettée Soeur Marie de Saint-Joseph, professe du Carmel de Bordeaux âgée de 62 ans, un mois et quelques jours, et de religion 38 ans.

La vie de notre chère Soeur a été toute cachée en Dieu avec N. S. J. C. ; et sa mort a été le fruit de cette vie parfaitement mortifiée et religieuse.

Nous aimons, ma Révérende Mère, à respecter l'humble désir de notre chère Soeur, désir que nous avons trouvé exprimé sur le papier de ses saints voeux. « Je prie ma Mère prieure de ne me faire de circulaire que pour demander les suffrages de notre saint Ordre, et qu'il n'y soit question d'aucune autre chose. » Il nous eût été bien doux cependant de vous édifier du récit de ses vertus ; de son esprit de foi et de mortification ; de vous dire avec quel zèle et quel dévouement elle a rempli plusieurs emplois importants, entre autres celui de sous-prieure.

Née à Bordeaux d'une famille très honorable et très chrétienne, notre chère Soeur St-Joseph eut à briser bien de douces et fortes affections pour entrer au Carmel, mais elle accomplit ces premiers sacrifices avec une générosité qui lui valut la grâce de la fidélité pendant tout le cours de sa vie religieuse.

 

Après plusieurs années passées à Bordeaux, cette chère Soeur fut successivement appelée à aider aux fondations des Carmels do Saintes et de La Rochelle, c'est dans cette dernière ville, ma révérende Mère, que s'est écoulée la plus grande partie de sa vie religieuse, mais c'est notre petit Carmel de Saintes, qui était prédestiné à recevoir les doux parfums de ses vertus pendant la dernière période de sa vie religieuse et à recueillir les fruits de sa précieuse mort.

Après une assez longue et pénible maladie pendant laquelle le sourire fut toujours sur ses lèvres et la paix la plus profonde dans son âme, notre chère Soeur s'est éteinte doucement, édifiant la Communauté jusqu'à sa dernière heure. « Je n'ai qu'une inquiétude, nous disait-elle, peu de temps avant sa mort, celle de n'en point avoir. » Elle souriait à sa mère, à ses soeurs, à la volonté de Dieu, à la mort même, qu'elle voyait venir avec une sérénité que rien n'a pu troubler un seul instant.

« Vraiment ce n'est pas la mort, répétait chacune de nos soeurs, c'est une douce fête, c'est un rendez-vous pour le ciel... ! »

Aucune impression douloureuse ne se produisait près de sa dépouille mortelle; la paix et la sérénité de son visage se communiquaient à toutes nos âmes ; et toutes nous n'avons qu'un mot pour traduire nos sentiments : « La paix! »

Notice chère Soeur reçut, il y a quinze jours, le Sacrement qui fortifie les mourants, et depuis ce moment notre digne et dévoué père aumônier lui renouvela la grâce du Saint Viatique aussi souvent que possible.

C'est entre nos bras, ma Révérende Mère, et entourée de ses bien-aimées soeurs, qu'elle rendit doucement son âme à Dieu, au moment où nous achevions les prières du Manuel. Il était environ trois heures du matin.

Sa digne famille, toujours si dévouée au Carmel, n'a cessé d'entourer notre chère malade des plus délicates attentions ; donnant aussi à notre communauté des témoignages touchants de sa vive reconnaissance pour les soins que nous étions si heureuses de lui prodiguer. La douleur profonde de tous les siens était adoucie par l'air de béatitude qui rayonnait sur le visage de notre chère défunte.

Quoique nous ayons l'intime confiance que notre chère et bien-aimée soeur a été reçue dans l'amour et la miséricorde de Dieu, néanmoins, il faut être si pur pour posséder Celui qui est la sainteté infinie, que nous vous prions, ma Révérende Mère, de lui faire rendre au plus tôt les suffrages de notre Saint Ordre ; par grâce, une communion de votre sainte communauté, une journée de bonnes oeuvres, l'indulgence

du Via Crucis, des 6 pater, une invocation au sacré-coeur de Jésus, à Marie Immaculée, à notre père Saint-Joseph, son patron, à notre mère Sainte Thérèse et à notre père Saint Jean de la Croix. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire dans l'amour de N. S. J. C.

Ma T. Révérende Mère,

votre très humble soeur et servante,

Soeur Marie du St-Sacrement,

R. C. ind. P.

De notre monastère de l'Immaculée Conception, de notre père saint Joseph et de sainte Colombe, des Carmélites de Saintes, le 30 Mai 1890.

 

Saintes. — Imp. Hus.

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