Carmel

30 août 1889 – Reims

 

Ma Révérende et très Honorée Mère,

Paix et très humble salut en Notre Seigneur, qui vient de retirer des misères de cet exil pour l'admettre aux joies de la Patrie, nous en avons la douce confiance, notre chère Soeur Marie-Louise-Joséphine-Thérèse de l'Incarnation, Professe et Doyenne de notre Communauté, âgée de 77 ans et 10 mois, et de religion, 51 ans et 5 mois.

Notre chère Soeur nous ayant laissé un petit billet pour supplier qu'on ne lui fît point de circulaire, nous croyons devoir accéder à son humble désir. Nous regrettons donc, ma Révérende Mère, de ne pouvoir vous parler de sa ferveur et de sa régularité, qui furent le cachet distinctif de toute sa vie. Rien ne nous semble mieux la dépeindre que ce mot d'une de nos Mères (celle qui l'avait reçue en religion) : « Ma Soeur Thérèse est fidèle à sa grâce. » Oh ! oui, sa fidélité était constante, sans nuage, sans altération ; son caractère n'était nullement porté au scrupule, mais à un désir constant de se purifier toujours davantage. Notre Seigneur récompensa dès ici-bas cet amour de la régularité, en accordant à notre très chère Soeur la grâce de pouvoir suivre tous les offices du Choeur jusque trois jours avant sa mort. Depuis plus de deux mois, nous voyions notre chère Doyenne s'affaiblir de jour en jour, et le 29 juillet, Monsieur notre Supérieur permit que l'on accédât au désir de notre chère Soeur, qui demandait avec instances qu'on lui administrât les derniers sacrements. Elle les reçut au Choeur, après les Heures auxquelles elle avait encore assisté dans sa stalle. Depuis ce temps, elle ne pensa plus qu'au Ciel et au bonheur de voir Dieu toujours. Notre bonne Soeur Thérèse baissait de jour en jour sans autre maladie que son âge, elle conserva sa parfaite connaissance jusqu'au samedi à une heure, veille de sa mort; enfin elle s'endormit paisiblement dans le Seigneur, le dimanche 18 août, à 10 heures 1/4 du matin, entourée des prières de toute la Communauté présente.

Toute sa vie notre chère Soeur avait demandé un coeur bien pur et la grâce d'une bonne mort; elle a été assistée, nous pouvons le dire, de toutes les grâces et secours possibles à ce moment suprême. Mais comme Dieu doit juger plus sévèrement les âmes religieuses, précisément parce qu'elles ont plus reçu, nous vous prions, ma Révérende Mère, de vouloir bien rendre au plus tôt à notre chère Soeur les suffrages de notre Saint Ordre; par grâce, une communion de votre sainte Communauté; une journée de bonnes oeuvres, les indulgences des six Pater et du Chemin de la Croix. Notre chère Soeur demandait aussi un Miserere; un Te Deum; un Magnificat; trois fois : O Marie conçue sans péché; une invocation à notre Père saint Joseph et à notre sainte Mère Thérèse. C'est un peu timidement que nous copions ce passage de son petit billet, ma Révérende Mère, et cependant nous n'osons l'omettre; elle vous rendra près du Bon Dieu ce que votre charité voudra bien lui accorder.

Avec notre reconnaissance, veuillez agréer, ma Révérende et Très Honorée Mère, l'assurance du religieux respect avec lequel nous nous disons en Notre Seigneur,

 

Votre bien humble soeur et servante,

Soeur Thérèse-Angélique du Divin-Coeur de Jésus.

R. C. I.

De notre Monastère de l'Incarnation des Carmélites de Reims, le 30 août 1889.

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