Carmel

29 octobre 1894 – Lectoure

 

Ma révérende et très honorée Mère,

 

Paix et très humble salut en N.-S.

Le bon Dieu vient de nous imposer un douloureux sacrifice, en enlevant à notre affection, après une longue et douloureuse maladie, notre chère Soeur Marie de la Conception, tourière agrégée de notre Monastère. Elle était âgée de 68 ans et demi, et se dévouait depuis 44 ans à notre Communauté.

Lorraine d'origine et de naissance, elle nous était arrivée en l'année 1850, neuf mois après sa soeur que nous possédons encore parmi nous. 

Le terrible mal dont elle était atteinte fit d'abord des progrès assez lents; puis il finit par s'aggraver beaucoup, et dans ces dernières semaines il réduisit notre pauvre Soeur à un état des plus affligeants. Son corps n'était plus que plaies et l'on ne pouvait plus la remuer dans son lit sans lui causer d'atroces souffrances.

Inutile de vous dire, ma Révérende Mère, combien fût grande notre peine, de voir souffrir si longuement et si cruellement cette chère malade; mais sa foi, sa patience, sa résignation nous donnaient en même temps les plus douces consolations. Nous sentions que Notre-Seigneur et sa grâce étaient avec elle. On a dit que les maladies sont les visites de ce bon Maître : cela semble bien s'être vérifié pour notre bonne Soeur Marie, car Lui seul a pu lui inspirer de si excellentes dispositions.

Quand le mal l'eût obligée de s'arrêter, tout à fait, elle voulut régler sans retard les affaires de sa conscience. Elle commença par purifier son âme par une confession générale.

Le 26 octobre, elle reçut l'Extrême-Onction ; mais aupara­vant, faisant appeler auprès de son lit, ses deux compagnes, elle leur demanda très humblement pardon de toutes les peines qu'elle leur avait causées, comme aussi des mauvais exemples qu'elle avait pu leur donner; et elle pria ensuite notre vénéré Supérieur qui l'assistait, de faire connaître à toutes ses Mères et Soeurs de l'intérieur, qu'elle regrettait profondément tous les torts dont elle s'était rendue coupable envers elles. Du reste, elle ne cessa plus de nous édifier durant toute sa maladie, par son courage dans ses souffrances et la simplicité de son abandon entre les mains de Dieu.

Notre dévoué Chapelain la réconfortait souvent du Pain de vie. Grâce à ce céleste Viatique, elle se trouva prête à faire le Grand Voyage de l'éternité. Elle expirait doucement dans la nuit du 6 au 7 novembre, vers 2 heures du matin.

Notre Communauté fait une perte sensible dans la personne de cette chère Soeur, qui avait pour notre Saint Ordre un véri­table attachement, et pour notre Monastère, un dévouement sans bornes. Nous garderons devant Dieu le précieux souvenir des services qu'elle nous a rendus, par sa discrétion, sa prudence, son activité, son esprit d'ordre et de propreté.

Son zèle en particulier pour la maison de Dieu était admirable. Elle n'eût pas souffert à la Chapelle la moindre poussière. Les jours de Fête, sa piété industrieuse savait toujours décorer magnifiquement nos autels; c'était son triomphe, et jamais elle n'était plus heureuse que quand elle voyait Notre-Seigneur sur son trône Eucharistique, environné de lumières et de fleurs. Ce fut là, du reste, son dernier travail, là où elle épuisa ses dernières forces.

Quoique déjà purifiée, nous en avons la confiance, par son Purgatoire de la terre, notre chère et regrettée Soeur peut cependant avoir encore quelques dettes à acquitter envers la Divine Justice; nous vous demandons donc humblement de vouloir bien lui accorder l'offrande du Saint Sacrifice de la Messe et l'application de quelques indulgences; elle vous en sera reconnaissante, ainsi que nous qui avons la grâce d'être en N.-S.

Ma révérende et très honorée Mère,

Votre humble servante,

Sr Marguerite-Marie du Sacré-Coeur,

r. c. i.

De notre Monastère de l'Incarnation et de N. P. Saint-Joseph des Carmélites de Chartres, le 14 Novembre 1894.

 

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