Carmel

28 juin 1888 – Carpentras

Ma révérende et très honorée Mère.
Paix et très humble salut en Notre Seigneur.
Quelques mois seulement se sont écoulés depuis que nous vous demandions les suffrages de notre St Ordre pour notre bien regrettée Soeur Marie-Louise du Saint Enfant-Jésus. Aujourd'hui nous venons les réclamer de votre charité en faveur de notre chère Soeur Marie du Saint-Sacrement, décédée hier à quatre heures du soir, à l'âge de 71 ans.
Le court espace de temps que notre bonne Soeur a passé parmi nous, ne nous a pas permis de la bien con naître; cependant nous avons pu remarquer en elle une grande piété et surtout un ardent amour pour Jésus-Hostie. Dans la nuit du 22 courant, notre chère Soeur fut prise par une fluxion de poitrine. Notre dévoué docteur appelé dès le matin trouva son état grave et déclara qu'il avait peu d'espoir de la voir se rétablir, attendu que le tempérament de notre malade était déjà affaibli des suites d'une bronchite. Affligées par cette nouvelle à la quelle nous étions loin de nous attendre, nous prodiguâmes à notre chère Soeur les soins les plus assidus et les plus affectueux, afin d'arrêter, s'il était possible, les pro grès de la maladie. D'un caractère énergique et habituée à se raidir contre les indispositions passagères, notre Soeur, qui d'ailleurs souffrait peu, avait de la peine à comprendre notre empressement auprès d'elle; aussi nous fut-il assez difficile de la persuader de la gravité de son état; mais, dès qu'elle le connut, elle offrit à Dieu le sacrifice de sa vie et nous renouvela la demande, qu'elle nous avait déjà faite plusieurs fois depuis son entrée, d'être revêtue des livrées de Notre-Dame du Mont Carmel. Nous le lui promîmes de grand coeur, tout en lui faisant comprendre que cette grâce insigne et, plus encore, celle de la profession religieuse ne pourraient lui être accordées que dans un danger imminent de mort.

Lundi 25, notre chère malade reçut les derniers sacrements avec une grande piété, longtemps elle demeura recueillie et nous édifia beaucoup par ses sentiments de foi et d'abandon à la sainte volonté de Dieu. Mercredi matin, le docteur nous ayant déclaré que tout espoir était perdu et voyant nous-même, que notre chère Soeur baissait beaucoup, nous crûmes le moment venu d'accéder à ses désirs. Nous nous empressâmes de tout préparer pour la cérémonie et dans quelques instants l'infirmerie fut transformée en un petit oratoire. Notre Père confesseur que nous avions fait appeler en toute hâte la revêtit du saint habit et elle fit sa profession in extremis. Les voeux de notre chère Soeur étaient enfin exaucés. Quelle douce joie pour son coeur ! Elle ne pouvait assez nous exprimer sa reconnaissance; aussi un moment sembla-t-elle revenir à la vie, mais, hélas ! ce ne fut qu'une lueur; bientôt le mal reprit sa marche rapide. Nous comprimes bien alors que c'était avec raison que notre chère mourante nous disait: « Hâtez-vous, vous ne serez pas à temps !»
Vers onze heures, elle entra en agonie conservant toutefois sa connaissance: elle s'unissait aux prières que nous récitions près d'elle et ne cessa elle-même de prier pres que jusqu'à l'heure suprême, ce que nous comprenions au mouvement de ses lèvres. A quatre heures, elle rendit doucement son âme à Dieu, la Communauté et nous pré sentes, nous laissant profondément pénétrées des grâces nombreuses dont Dieu l'avait comblée pendant les derniers jours de sa vie.
Veuillez, Ma Révérende Mère, lui faire rendre au plus tôt les suffrages de notre St-Ordre : par grâce une communion de votre sainte Communauté, une journée de bonnes oeuvres, le chemin de la Croix, l'indulgence des six Pater, quelques invocations à Marie Immaculée, à notre Père Saint-Joseph, à notre Sainte Mère Thérèse et à notre Père Saint Jean de la Croix; elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que Nous qui avons la grâce de nous dire en Notre Seigneur,             
Ma révérende et très honorée Mère, de Votre Révérence,
La très humble Soeur et Servante,
Sr Louise de Jésus.
De notre Monastère de notre Père Saint-Joseph, de Notre Mère Sainte-Thérèse des Carmélites de Carpentras, le 28 juin 1888.

Carpentras- — Imp. TOURRETTE.

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