Carmel

28 fevrier 1894 – Pamiers

 

Ma Révérende et très honorée Mère,

Au moment où nous venions de mettre entre les mains de l'imprimeur la circulaire de notre chère Soeur St-Pierre, le bon Dieu nous a imposé un nouveau et bien douloureux sacrifice, en ravissant à notre religieuse affection notre regrettée et bien-aimée Soeur Marie-Marguerite de St-Joseph, âgée de 74 ans, moins 20 jours, et de religion 36 ans.

Cette chère Soeur nous ayant instamment suppliée de ne lui faire de circulaire que pour demander les suffrages de notre saint Ordre, nous croyons devoir nous rendre à son humble désir, tout en regrettant vivement de ne pouvoir vous faire connaître en détail une vie si édifiante, si laborieuse, si remplie de mérites pour le ciel.

Dévouée, pieuse, régulière, notre regrettée Soeur St-Joseph nous a constam­ment édifiée, dans les divers offices dont elle a été chargée, par son esprit inté­rieur, sa ponctualité et le bon ordre qu'elle entretenait partout, ne comptant ja­mais avec ses forces, quand il s'agissait de faire plaisir à ses Soeurs, ou de leur rendre quelque service.

C'est dans l'exercice de ces vertus, qu'une maladie de coeur, dont nous n'avons pu arrêter les progrès, malgré les soins continuels que nous lui avons prodigués, la conduisit à l'infirmerie au mois d'octobre dernier. Notre bonne Soeur ne se dissimulait point le danger de son état ; calme et résignée, elle envisageait la mort comme l'heureux moment qui la réunirait pour toujours à Celui qu'elle avait tant aimé ici-bas, et, depuis le départ de notre chère Soeur St-Pierre pour le ciel, elle la suppliait tous les jours de lui obtenir la même faveur.

Il y a environ un mois, des crises d'étouffement l'ayant rendue plus souffrante, elle nous pria de la faire administrer, grâce que notre digne Aumônier s'empressa de lui apporter et qu'elle reçût avec tant de bonheur, comme celles de la sainte communion et du St Viatique qui lui ont été renouvelées plusieurs fois. et dont elle nous remerciait en versant des larmes. Dimanche, elle fut plus fatiguée qu'à l'ordinaire, le mal empirait d'heure en heure; elle le comprenait et nous assurait qu'elle était bien contente de mourir pour aller voir le bon Dieu. Mardi matin, elle demanda notre dévoué Père confesseur, qui vint aussitôt, lui donna une dernière absolution, et la laissa comme toujours dans la plus grande paix.

Nous ne la quittions presque plus, pressentant que l'heure de la séparation allait bientôt sonner; ce fut, en effet, vers trois heures que notre chère Soeur in­clina sa tête et rendit doucement sa belle âme à Dieu, pendant, qu'avec la com­munauté réunie auprès de son lit, nous récitions les prières de l'agonie, nous l'entourions de nos regrets et de nos larmes, consternées du double sacrifice que N.-S. nous a imposé dans l'espace de 8 jours.

Bien que cette mort si douce et si sainte nous donne la confiance que notre chère Soeur a déjà reçu du souverain Juge un accueil des plus favorables, néan­moins comme il faut être si pur pour paraître devant Lui, veuillez, ma Révérende Mère, faire rendre au plus tôt à notre bien-aimée Soeur St-Joseph, les suffrages de notre saint Ordre. Par grâce une communion de votre fervente communauté, l'indulgence du Chemin de la Croix, des six Pater, une invocation au Saint Enfant Jésus, objet de sa tendre dévotion, à notre Père St-Joseph, à notre sainte Mère Thérèse et à notre Père St Jean de la Croix. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire, au pied de la Croix, avec un re­ligieux et profond respect,

Ma Révérende et très honorée Mère, Votre très humble Soeur et servante,

Soeur Marie ÉLISÉE.

R. C. I.

 

De notre Monastère de Jésus Sauveur et de notre Père St-Joseph, des Car­mélites de Pamiers, le 28 février 1894.

 

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