Carmel

27 Octobre 1895 – Nantes

 

Ma Révérende et très Honorée Mère.

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la Volonté trois fois sainte Vient d'exiger de nos coeurs un sacrifice aussi douloureux qu'imprévu, en rappelant à Lui notre bien chère Soeur Bathilde-Félicie Marie de Saint Joseph, Professe de notre Monastère. C'est au jour de la fête de la Maternité de la Très Sainte Vierge, alors que nous nous préparions à célébrer celle de notre Sainte Mère Thérèse, que cette chère âme a pris son vol vers la Patrie, pour être introduite aux joies éternelles, nous en avons la pleine confiance, par la Vierge Immaculée que, dès ses jeunes années, elle avait choisie pour sa Protectrice et sa Mère. Elle avait 45 ans, 6 mois et 8 jours, dont 16 ans, 11 mois de Religion.

Quoique d'une santé délicate, notre chère Soeur, encore dans la force de l'âge, nous était par son activité courageuse, une précieuse ressource. Son intelligence, ses vertus solides, son profond esprit religieux, en faisaient l'un de ces sujets sur lesquels s'appuie l'avenir d'une Communauté; aussi reposions-nous doucement sur elle nos espérances. Mais que sont les vues humaines en présence de la Sagesse Divine?... Ténèbres et néant !   Devant les mystères de Dieu, qu'avons-nous à faire, sinon de courber nos fronts humiliés en adorant !! ... Une courte, mais terrible maladie, est venue frapper cette douce victime au moment le plus inattendu, et c'est à peine si nous pouvons croire encore à la douloureuse réalité d'une mort si prompte.

Dans le deuil de nos coeurs, c'est pour nous une consolation, ma Révérende Mère, de venir au pied de la Croix, repasser avec vous les diverses phases de cette existence, qui ne l'ut qu'une perpétuelle ascension dans les sentiers de la vie chrétienne d'abord, et ensuite de la perfection religieuse.

Notre bien-aimée Soeur naquit en notre ville, au sein d'une famille des plus respectables où s'allient, avec les principes d'honneur et les opinions politiques les plus pures, les sentiments et les habitudes d'une foi vive et inébranlable. Son digne père était distingué au Tribunal de Nantes parmi les avoués les plus honorables. Sa droiture et son intégrité, son esprit sérieux, son parfait juge­ment lui avaient attiré la confiance des personnes les plus recommandables. Dévoué à tous les inté­rêts de la religion, il fut le conseil et l'appui des Communautés dans les circonstances difficiles traversées depuis quinze ans, Son nom seul inspirait le respect, et l'estime à tous ceux qui avaient à traiter avec lui.

Inculquer à ses nombreux enfants les sentiments qui l'animaient lui-même, tel était son plus ar­dent désir, l'objet de ses soins constants. En cela il se voyait secondé par une épouse digne de lui, toute livrée, dans le calme du foyer domestique, à l'accomplissement de ses devoirs maternels. Déjà la bénédiction du Ciel s'était répandue sur leur union par la naissance de cinq enfants, lorsque deux jumelles vinrent augmenter les joies de ce paisible intérieur. Sur ces petites âmes le Seigneur avait ar­rêté un regard d'amour. Il les avait marquées de son sceau. Toutes deux devaient travailler à sa gloire, l'une en se livrant aux bonnes oeuvres dans le monde, l'autre en s'immolant pour les pauvres pécheurs à l'ombre du Cloître, dans l'obscurité et l'abnégation d'une vie cachée en Dieu.

En attendant la réalisation de leurs destinées, les deux intelligentes petites filles grandissaient ensemble au milieu de leurs frères et soeurs, auprès de leurs pieux parents, qui voyaient avec bon­heur une grande union s'établir dans cette jeune famille. Nos petites jumelles aimaient tendrement leurs aînés ; mais une intimité touchante existait entre elles. Elles ne se quittaient pas un instant souvent on les trouvait les bras entrelacés, comme pour protester de leur indissoluble union. Cette intimité était si bien connue dans la famille, qu'à l'heure où notre chère Soeur s'éloigna de la maison paternelle pour suivre l'appel divin, les vieux serviteurs qui l'avaient vue naître s'écriaient en pleu­rant : Comment la petite colombe qui reste pourra-t-elle vivre sans l'autre ? — A l'époque de leur première Communion, les deux chères enfants furent placées au pensionnat du Sacré-Coeur ; là leurs grâces natives d'esprit, et de coeur se développèrent de plus en plus, sous l'influence de leurs dignes et dévouées Maîtresses.

N'ayant à nous occuper dans ces pages, ma Révérende Mère, que de notre future Carmélite, nous jetterons sur sa chère jumelle un voile exigé par sa modestie ; mais qui ne saurait dérober aux yeux de Dieu les qualités partagées avec sa bien-aimée Bathilde.

Celle-ci, douée d'aptitudes très heureuses du côté de l'intelligence, lit de rapides progrès dans ses études. Elle parcourut brillamment toutes les classes, à la tête desquelles elle se maintint sans défaillance.

Pendant les six années de son pensionnat, elle ne perdit jamais le Très- bien de conduite donné chaque semaine aux plus méritantes ; aussi sortit-elle avec la première distinction, (le médail­lon) accordée à la plus sage. — Toujours raisonnable, elle était devenue vers 13 ou 14 ans plus sé­rieuse encore et plus réfléchie. Aux vacances, ses frères et soeurs la plaisantaient sur son air médi­tatif. Oh ! Bathilde songe creux, lui disaient-ils ; mais elle souriait et ne répondait pas. Sans doute la vérité se découvrait à elle, et ses rayons divins la captivaient.

Dès ce temps, notre future Carmélite avait de remarquables aperçus sur l'essence de la vie chré­tienne, la mortification intérieure et le détachement. La grâce lui faisait sentir avec force et douceur que, pour s'unir à Dieu, la voie du sacrifice et (le l'abnégation est la seule possible. Ses dignes Maî­tresses, pressentant sans doute les desseins du Ciel sur leur pieuse élève, secondaient l'action divine, aidant la lumière d'En Haut à pénétrer dans ce coeur généreux. Un petit trait, raconté par notre chère Soeur elle-même, dans un épanchement tout fraternel, nous le découvre.

Je m'étais liée d'une très grande affection avec une de mes compagnes, disait-elle, je l'aimais, je l'avoue, avec excès. Lorsque cette jeune fille sortit du pensionnat, nos relations continuèrent assidûment par lettres. N'y apercevant aucun mal, j'y prenais un extrême plaisir ; mais Notre Seigneur, Lui, y voyait quelque chose de trop naturel, un obstacle à l'union complète de mon coeur avec le sien. Bientôt je sentis diminuer les consolations dont le bon Maître avait coutume d'inonder mon âme en la Sainte Communion. Je m'en ouvris à la (ligne Mère Supérieure du Sacré-Coeur. Bathilde, me dit-elle, ne croyez-vous pas que cette soustraction de la grâce sensible pourrait bien venir de cette sympathie trop vive entretenue avec N*** ? — Je le compris, et, ajoutait notre chère Soeur, prenant une héroïque résolution, je rompis peu à peu mes relations avec mon amie.

Ce sacrifice me valut des joies intérieures bien douces, et je dus reconnaître combien le Seigneur est jaloux des coeurs qu'il veut posséder seul, combien il faut peu de chose pour entra- ver l'effusion de fia grâce.

L'esprit de- sacrifice, d'abnégation, tout à la l'ois moyen et conséquence de l'union divine, fut en effet l'aspiration constante de notre chère Soeur. Si elle se fit sentir à son âme presque dès son en­fance, combien s'y développa-t-elle plus tard dans la vie religieuse ! C'est sous cette influence que la fervente Carmélite écrivit ces lignes, deux ans avant de quitter la terre, alors que par un long et courageux exercice, elle en connaissait les secrets : Le Seigneur veut travailler sur mon néant, lisons-nous dans ses notes intimes. Pour arriver à l'abnégation religieuse, quel vide à faire en moi !... Quel travail !... Où chercher des forces ?       Dans l'union à Notre-Seigneur, l'union à son Coeur... Prier, agir, combattre avec Lui. Cette union à Dieu, c'est le tonique dont mon âme a besoin pour opérer son travail d'abnégation.

Cependant Bathilde avait achevé son éducation. L'heure était venue où elle devait prendre, au sein de la famille, sa part de jouissance et aussi de dévouement filial et fraternel. Elle y rentra avec sa chère Berthe à l'âge de seize ans et demi. Accueillie par la tendresse de ses bons parents et la joie de ses frères et soeurs, elle remplit avec bonheur, cordialité, intelligence, son rôle de dévoue­ment envers chacun. Son caractère, naturellement accommodant et facile, son coup d'oeil perspi­cace uni à une grande facilité d'exécution, lui donnèrent bientôt une certaine prépondérance au milieu des siens. Il n'était pas rare de voir ses soeurs aînées la mettre en avant dans les occasions difficiles.

Fidèle au devoir de la reconnaissance, l'ancienne élève du Sacré-Coeur entretenait chèrement des relations avec cette sainte Maison pour laquelle elle conserva toujours un souvenir plein d'une affec­tueuse estime. Avec son titre d'enfant de Marie, Bathilde avait emporté l'amour de sa Congrégation ; aussi jusqu'à son entrée au Carmel elle en suivit régulièrement les réunions. Là elle trouvait un ali­ment à sa piété, un excitant pour se livrer aux oeuvres de charité compatibles avec son âge et ses devoirs vis-à-vis de tous. La vie s'écoulait ainsi douce et tranquille pour notre jeune fille, loin des habitudes mondaines, opposées aux goûts de ses parents et de ses soeurs. Je ne songeais, disait plus tard notre regrettée Soeur dans son humilité, je ne songeais à rien de meilleur. Je croyais toute la perfection qui m'était demandée, renfermée dans ces paisibles relations de famille, auxquelles je mêlais mes exercices religieux et quelques oeuvres de charité. Combien je me trompais, je ne faisais rien pour Dieu ! Hélas ! que de temps j'ai ainsi perdu !

Nous sommes loin, ma Révérende Mère, de partager le jugement sévère porté par notre chère Soeur sur cette première partie de son existence. Elle y glorifia certainement le Seigneur. Le souve­nir d'édification que, par ses vertus, elle a laissé aux siens nous en est un sûr garant.

Bathilde avait vu ses deux soeurs aînées briser courageusement les liens si doux de la famille pour se dévouer à Dieu et aux âmes dans cette Société du Sacré-Coeur où elles avaient elles-mêmes reçu le bienfait de leur solide éducation. Cette séparation lui fut une vive souffrance, mais rien ne vint alors lui dévoiler les desseins du Seigneur sur elle. Ce fut seulement lorsqu'elle achevait sa vingt-huitième année que l'appel divin se fit entendre. Le Révérend Père Jésuite, son confesseur, s'étant éloigné quelque temps de la Résidence, elle s'adressa au Père Supérieur, celui-ci ne tardant pas à découvrir la forte trempe d'âme de sa nouvelle pénitente et les desseins de Dieu sur elle, lui demanda un jour, si elle comptait passer sa vie dans le petit cercle qui jusqu'alors l'avait renfer­mée. Il l'engagea à prier et à examiner si vraiment le Divin Maître ne lui demandait pas davantage. La future Carmélite suivit fidèlement ce conseil et ne tarda pas à entendre la voix de Dieu. Elle s'en ouvrit à son guide, lui révélant en même temps la lutte terrible engagée dans son âme entre la na­ture et la grâce, puis son incertitude sur l'Ordre qu'elle devait choisir. Le digne Religieux lui dit de nouveau de prier, en cherchant pins sérieusement encore la volonté du Seigneur, pendant la retraite, lui allait se donner au Sacré-Coeur pour les enfants de. Marie.

Nous avons retrouvé dans quelques lignes, écrites de la main de notre chère Soeur, ses sentiments en ces jours de grâce. Permettez-nous, ma Révérende Mère, de vous les citer textuellement.

 

"Me voici en retraite, décidée à en profiter, car la retraite est une grâce de choix, d'élection, de séparation et d'ascension, il faut monter sur le Tabor afin de se transfigurer ; mais comment arriver là, ô mon Dieu?.... Par l'attention à la divine Parole. Notre-Seigneur l'a promis, Il parlera certainement à mon âme. J'en ai l'assurance. O bonheur infini !! Parlez, Seigneur, parlez ; vous savez. combien je désire entendre votre Voix. Mon âme a soif de vous ; je veux nie recueillir devant vous. — Mais l'attention ne suffit pas, il faut encore le courage ; car la parole de Jésus-Christ se- ra demande d'un sacrifice. Seigneur Jésus donnez-moi la force de faire, le sacrifice que vous de- manderez de moi. J'ai presque peur de le connaître, cependant si c'est celui-là que vous voulez je le veux aussi ; et je ne veux pas être comme ce jeune homme qui s'en retourna sans avoir le courage d'accomplir cette parole que vous lui aviez dite : — Si tu veux être parfait suis-moi. — A votre appel mon coeur veut répondre généreusement, avec élan, avec amour. Courage et confiance ! Oui confiance; car Jésus n'abandonne pas les âmes faibles, décidées cependant à faire tous leurs efforts pour correspondre à la grâce ; les âmes de bonne volonté. "

 

Oui, ma Révérende Mère, Notre-Seigneur aime les âmes qui le cherchent avec droiture. C'est bien à elles qu'il révèle les secrets de son amour. Cette voix si persuasive, si entraînante pour les coeurs simples, elle se fit entendre avec une telle force, une telle clarté à notre pieuse jeune fille, qu'au sortir de sa retraite, elle n'avait plus aucun doute, elle devait être toute à Dieu, toute a Dieu dans la vie du Carmel. Néanmoins, respectueusement reconnaissante au premier guide de son âme, elle voulut avoir son avis et lui écrivit une lettre dont il admira la netteté et la précision : Lui aussi re­connut l'appel divin.

Sans retard, Bathilde. se présente à notre vénérée Mère Agathe, de si chère mémoire. En entrant au parloir, disait-elle plus tard, je me sentis comme dans mon élément. L'oeil exercé de la digne Prieure se rendit compte de suite des vues de Dieu sur cette âme d'élite ; elle lui donna sans hésita­tion l'espérance d'une prompte admission. Heureuse de cette promesse, mais brisée à la pensée de quitter sa bien-aimée famille, notre courageuse postulante voulut, sans différer, s'ouvrir de ses projets à ses pieux parents. Pour eux quel coup, quel sacrifice ! La plaie faite à leurs coeurs par le départ de leurs deux filles aînées était à peine cicatrisée, et voilà qu'un troisième glaive est dirigé par la main divine sur ces pauvres coeurs meurtris.

Les austérités du Carmel alarmaient la tendresse maternelle. Madame*** essaya d'incliner sa fille vers l'Ordre de la Visitation où vivait alors une de ses grandes tantes. D'un autre côté les deux chères Religieuses du Sacré-Coeur, unissant leurs désirs à ceux de ses anciennes Maîtresses auraient vu avec une grande joie leur bien-aimée Bathilde partager leur vie de dévouement, Mais toutes les réflexions, toutes les instances furent inutiles. Dieu appelle cette âme au Carmel ; c'est au Carmel, qu'elle veut entrer ; c'est là qu'elle ira s'immoler et mourir.

Trop sensibles pour ne pas éprouver les déchirements de la nature, mais trop chrétiens pour mé­connaître les droits de Dieu sur leurs enfants, les dignes parents consentent enfin à boire ce nou­veau calice, demandant seulement qu'on leur laissât quelques semaines pour se préparer au sacrifice et jouir encore de leur fille chérie avec le reste de la famille réunie à la. campagne pendant le temps des vacances. Qu'ils me parurent longs, disait ensuite notre chère Soeur, qu'ils me parurent longs ces deux mois d'attente. J'étais comme à l'agonie, et cependant je ne voulais pas qu'on soupçonnât ma souffrance. Je m'efforçais même d'être plus joyeuse qu'à l'ordinaire. Vaine précaution qui ne servit qu'à me faire accuser de dureté de coeur par ceux dont la seule vue redoublait, mes tortures

Mais si Mathilde devenait une cause de désunion dans sa famille, elle n'en faisait pas moins l'édifi­cation. On observait sa tenue plus que jamais recueillie à l'église ou elle passait des heures entières à genoux, les yeux fixés sur le Tabernacle, dans l'attitude d'une intime communication avec l'Hôte Divin qui y résidé. Ses mortifications, qu'elle s'efforçait, de couvrir de prétextes spécieux, n'échap­paient pas à, son entourage, c'est ainsi qu'elle substituait des aliments plus simples à ceux que sa délicate santé semblait exiger et qu'elle retranchait toute mollesse dans sa couche. Nous voyions bien, disaient ensuite les siens, qu'elle cherchait par là à s'habituer à la vie du Carmel.

Enfin arriva le jour des suprêmes angoisses. De retour à Nantes, notre courageuse postulante ne voulut différer son entrée que pour la placer sous la protection de Saint Stanislas, auquel l'attachait une spéciale dévotion. Ce fut le 13 Novembre, fête de ce jeune Saint, qu'elle quitta cette maison paternelle témoin de joies qui ne devaient plus être pour son coeur que des souvenirs. - Son res­pectable père et son frère aîné voulurent l'accompagner jusqu'à la porte de clôture, et la remettre eux-mêmes entre les mains de notre vénérée Mère Agathe qui l'accueillit avec toute l'affection qu'elle savait si bien, en semblables circonstances, témoigner à ses nouvelles filles. - Le trajet de notre demeure au Carmel me parut interminable, disait plus tard notre chère Soeur, un morne silence régnait dans la voiture. Personne n'osait le rompre ; car chacun comprenait qu'on était à l'heure du sacrifice; nous avions besoin de nous recueillir pour l'offrir à Dieu.

En franchissant le seuil du Cloître, la chère postulante, que nous nommerons désormais Soeur Marie de Saint Joseph, sentit qu'elle entrait dans le lieu de son repos, elle respirait à l'aise comme a son foyer paternel. Ce qui la charmait surtout c'était l'esprit de famille qu'elle remarquait aux ré­créations. Jamais je ne me serais figuré une telle union entre les Soeurs, disait-elle. Tout ce qui touche l'une semble personnel aux autres. Quelle charité existe entre les âmes consacrées à Dieu ! Cependant bien des choses étaient neuves pour la nouvelle entrée, et de suite elle comprit ce qui lui en coûterait pour embrasser le renoncement religieux. L'obligation de demander les moindres permissions lui semblait onéreuse. Elle s'en ouvrit un jour naïvement à son ancien directeur, venu la visiter. Que vous êtes simple ! lui répondit-il; dans tous les couvents il en est ainsi. Ces pratiques d'obéissance sont établies pour assujettir notre volonté et briser notre amour-propre.

La chère postulante profita si bien de cette leçon que malgré sa tendance très marquée à trancher facilement les questions, personne n'était plus exacte à se munir des permissions et à suivre le sentiment de ses Supérieures.

Dès les premiers jours, on découvrit en elle les qualités d'intelligence, de perspicacité, d'adresse, qui la caractérisaient. Elle saisissait les choses avant même qu'on eût achevé de les lui expliquer Oh ! disait un jour une jeune Soeur, celle-ci sera capable de remplir tous les emplois; rien ne l'embarrasse et si dès aujourd'hui on la mettait Prieure, elle saurait bien se tirer d'affaire. Serviable et dévouée, il lui arrivait quelquefois de se. mettre à l'exécution sans attendre le moment voulu. Ses officières souriaient : Le plus parfait n'est pas l'empressement, lui disaient-elles ; et l'humble Soeur de répondre : Vous avez bien raison, il faut que je me corrige, mettant déjà en pratique cette résolution qu'elle prendra plus tard : Si on semble me laisser de côté, m'effacer encore davantage; si on m'abaisse, si on me dit quelque chose d'humiliant, m'abaisser, m'humilier encore plus, et en paroles, et intérieurement.

Le saint Habit fut accordé à notre chère Soeur Marie de Saint Joseph six mois après son entrée. Nous ne pouvons vous faire mieux connaître les dispositions intérieures avec, lesquelles elle reçut cette grâce, ma Révérende Mère, qu'en vous citant quelques passages des notes de sa retraite,

La paix et la joie la plus profonde ont remplacé l'inquiétude et l'effroi que me causait l'approche de cet acte de ma Prise d'Habit ; et. pourtant il me semble que je n'ai jamais si bien compris que j'entreprenais une fâche au-dessus de mes forces. Jamais je n'avais si bien éprouvé, le sentiment de mon impuissance, de mon incapacité, de l'impossibilité de trouver aucun appui en moi-même. Je ressens un vide immense ; on dirait qu'il n'y a rien, rien qui soit capable de me prêter secours pour marcher dans la voie qui m'est ouverte. Mais cette connaissance de mon impuissance, loin de me porter au trouble et au découragement, m'inspire une immense confiance en Notre-Seigneur, qui, m'ayant appelée, ne me laissera pas sans assistance. Il me semblait entendre ce divin Maître me dire au fond du coeur : Que crains-tu ? un époux fidèle abandonne-t-il son épouse au moment de la peine, de l'épreuve, du sacrifice ? Eh bien ! Je suis l'Époux par excellence, pourquoi te troublerais-tu ? Jamais je ne t'abandonnerai.

           M'abandonner complètement à Dieu, voilà la disposition dans laquelle je m'efforce d'entrer, afin de faire à Notre-Seigneur, mardi, quand je serai prosternée sur le tapis, une offrande, une oblation de tout mon être à son bon plaisir, mais une offrande sans restriction aucune ; un abandon total de mon âme, de mon coeur, de mon esprit et de mon corps, qui me fasse accepter par avance et généreusement toutes les dispositions de sa divine Providence sur moi, trop heureuse que mon Jésus veuille bien m'accepter comme victime pour concourir à sauver les âmes. La veille du grand jour, elle traçait encore ces lignes : "C'est donc demain ! O mon Dieu que je suis heureuse ! Oui, je le sais bien, c'est une vie d'immolation, de sacrifice, de mortification que j'embrasse ; mais c'est aussi une vie d'amour, une vie d'union avec vous, ô mon Divin Jésus ! et vous serez ma force, mon soutien ; vous porterez ce joug avec moi ; vous en supporterez même la plus lourde partie. Si vous voulez, que je le sente quelquefois un peu pesant, je le veux aussi ; car, je l'espère fermement, votre grâce ne me manquera jamais. Je me livre sans réserve à votre bon plaisir ; je me donne à vous du plus profond de mon coeur. Je ne vous demande qu'une chose : Vous aimer, vous aimer beaucoup, et travailler à vous faire aimer en sauvant des âmes. — Merci, merci ô mon Dieu ! de m'avoir choisie ; merci, merci de m'avoir appelée à être Carmélite ! Ne permettez pas que je me rende jamais indigne de cette sainte vocation. Ne souffrez pas, ô Marie ! que sous ce Saint Habit batte jamais un coeur lâche, tiède, orgueilleux." 

L'année du noviciat de notre chère Soeur se passa presque toute entière sans incidents remarqua­bles. Par moments elle eut ses combats, mais ils n'étaient pour la chère Novice que des occasions de victoires. Un mot de sa Prieure ou de sa Maîtresse suffisait pour remonter son courage, remettre sa nacelle à flot. Jamais l'affaissement moral ne submergea son âme. Elle avait précieusement recueilli cette parole que lui avait dite un saint Religieux venu pendant les premiers mois de sa vie au Carmel donner une retraite à la Communauté : Ne vous découragez jamais, en quelque état d'âme que vous soyez : avec cela, je vous l'assure, vous irez vite et loin.

En terminant son temps de Probation, notre fervente Soeur donna une preuve, bien admirable de cette énergie dont le Seigneur l'avait douée.

On était aux premiers mois de l'année 1880 ; les dé­crets d'expulsion avaient été lancés contre les Maisons religieuses, et l'on se demandait anxieuse­ment quel sort leur était réservé. Notre vénérée Mère Agathe hésitait à faire franchir à notre Soeur le pas décisif, et ses pieux parents croyaient eux-mêmes prudent de retarder ses engagements, seule, elle se montra intrépide. Reçue par la Communauté à la sainte Profession, elle voulait ne pas apporter une minute de retard à cet acte qui lui donnait rang parmi les persécutés. Je suivrai partout ma Communauté, disait-elle, si elle est expulsée, j'aurai l'honneur de souffrir avec mes Soeurs pour Dieu. Rien ne m'empêchera d'être Carmélite.

Devant cette vaillance, toutes les objections tombèrent et notre généreuse Novice eut le bonheur de prononcer ses Voeux le 4 Juin, date où tombait cette année la fête du Sacré-Coeur. — Les résolu­tions prises par elle pendant ses dix jours de préparation sont un vaste plan de perfection témoi­gnant la haute idée qu'elle avait de sa vocation et sa grande intelligence de la vraie vertu. Nous y remarquons ce passage, programme fidèlement exécute pendant tout le cours de sa vie religieuse : Je veux ne jamais me demander en présence de mon devoir, s'il me cause peine ou plaisir ; mais l'accomplir le plus parfaitement possible, sans aucun retour sur moi-même.

Cependant, il ne faudrait pas croire que cette fermeté d'âme en présence du devoir n'exigeât de notre chère Soeur aucune lutte. Comme en tout coeur humain, l'amour-propre avait chez elle ses tendances. Elle-même, dès son entrée dans la lice, les aperçut et se les signala. Mais élevée à la mâle école de notre (ligne Mère Agathe, elle comprit vite l'esprit de Jésus-Christ et la nécessité de combattre sa nature à outrance. Puis, avec un courage plein de calme et de sûreté, elle traça ses plans d'attaque et de défense. Permettez-nous encore, ma Révérende Mère, de vous en citer quel­ques-uns : Pour triompher de cette tendance à désirer l'attention et l'estime des créatures, à me préoccuper de l'opinion qu'on peut avoir de moi, à aimer la considération, les égards, je m'appliquerai à éviter dans ma conduite et mes paroles tout ce qui pourrait attirer l'attention ; je me désoccuperai de toutes les choses qui ne me seront point confiées. Je ne donnerai jamais mon avis en rien et ne m'excuserai jamais : enfin je m'efforcerai de me faire bien petite, de vivre inaperçue, oubliée, bien cachée sous le regard de Dieu seul, aimant à être comptée pour rien par les créatures et à n'être connue que de mon divin Époux. A Lui seul désormais tout mon amour, toutes mes pensées, tout mon être. A l'exemple de Notre-Seigneur sur le Calvaire et en union avec Lui, je me suis offerte en victime pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des fîmes. Dorénavant, avec ce divin Maître renouvelant tous les jours et à chaque instant du jour son holocauste au Très- Saint Sacrement de l'autel, je veux sans cesse m'immoler, en me renonçant moi-même, travaillant à être en tout une vraie pauvre de Jésus-Christ.

Plus tard, nous la voyons monter encore. Entendons-la se dire : il est digne du Seigneur de le servir d'un grand coeur et d'une ardente volonté. Dieu veut qu'on le cherche avec droiture et simplicité. Il n'aime rien tant que cette disposition d'âme qui n'a qu'une seule vue, ne désire qu'une chose et y tend constamment, sans détour et sans artifice. Je dois donc tendre purement et simplement vers Dieu et animer mes actions de ce sincère désir de lui plaire qui charme son coeur et attire ses divines complaisances. I/obstacle à cette simplicité, c'est l'amour-propre, donc tâcher de dominer toute sensibilité, de manière à m'élever au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu : écraser l'amour-propre, afin que l'on puisse, selon la parole de l'Imitation : marcher sur moi et de fouler aux pieds nomma la boue des rues. Au besoin, aller généreusement au devant d'un blâme, d'un petit mépris. Ne jamais rien dire, ni rien faire pour éviter une désapprobation ; remercier Dieu toutes les fois qu'il aura mis sur mon chemin une de ces petites occasions de briser mon amour-propre. Éviter de me replier sur moi-même et de repasser dans mon esprit les paroles ou les choses qui m'auraient été un sujet d'humiliation, ce qui ne fait que sensibiliser mon âme et l'affaiblir davantage. Dans mes pensées, je me mettrai toujours au-dessous de tous, je me rabaisserai toujours ; dans mes actions, je rechercherai ce qu'il y a de plus pénible, de plus vil, de plus méprisable ; je me ferai en un mot la petite et l'humble servante de tous ; car rien ne fait arriver plus vite au mépris le soi que ces légères humiliations de chaque jour qui, pour petites qu'elles soient, n'en n'écrasent pas moins la nature."

 

C'est sur ce terrain de la lutte intime que marcha constamment notre chère Soeur Marie de Saint Joseph, aimant à se rappeler sans cesse la parole d'or de saint Ignace: On n'avance qu'autant qu'on se renonce. Mais elle y marchait sans bruit, sans ostentation, sans qu'on pût soupçonner ses combats, n'ambitionnant pour témoin que l'oeil de Dieu seul. Aussi était-elle un sujet l'édifi­cation pour ses compagnes, avec lesquelles, comme première le noviciat, elle n'avait que des rap­ports condescendants et faciles. Voici ce que nous en écrivait, en apprenant sa mort, une ancienne postulante, forcée par sa faible santé de quitter notre Monastère : — J'avais apprécié ma Soeur Marie de Saint Joseph, pendant les sept mois que j'ai passés au Carmel. J'avais vécu plus près d'elle que des autres Religieuses, l'ayant connue comme première au noviciat et travaillant avec elle à la lingerie. Je l'ai toujours considérée comme une parfaite Religieuse, ayant l'esprit de sa sainte Vocation et pouvant être proposée comme modèle aux jeunes postulantes. Je me rappelle, avec attendrissement, toutes les attentions qu'elle a eues pour moi pendant les premiers mois et alors que je me suis trouvée malade. Depuis que j'ai quitté le Carmel, j'ai pensé bien des fois que son intelligence, son sérieux, sa prudence, sa facilité à s'exprimer, son calme, sa possession d'elle-même, en un mot ses vertus et son esprit profondément religieux la placeraient plus tard à la tête de la Communauté ; aussi je comprends la perte que vous venez d'éprouver, et j'y compatis de tout mon coeur, quoique la chère défunte soit heureuse et n'ait rien à regretter sur cette terre Plus que toute autre, notre vénérée Mère Agathe avait découvert les nombreuses ressources unies chez la jeune Professe à sa grande force morale, et fondait sur elle de solides espérances. Aussi, sans lui donner précisément le titre de première, sut-elle, dès le début de sa vie religieuse, l'initier successivement aux divers offices de la Communauté. Partout cette chère Soeur fit preuve d'une adresse peu ordinaire et d'une charité sans bornes. Active, sans empressement, elle savait conser­ver au milieu des plus pressantes occupations, un calme, une modération, un silence, qui imposaient aux natures les plus bouillantes. Elle avait le talent de si bien organiser son temps, qu'il lui en res­tait toujours pour s'offrir comme aide dans les circonstances où survenait un surcroît de travail ; aussi, cette excellente Soeur nous était une précieuse ressource dans les occasions où il fallait com­bler les vides : sa bonne volonté, comme sa capacité, nous était assurée. Encore trouvait-elle le moyen de confectionner certains objets fort utiles dans les missions. Ce travail était cher à sa foi. Souvent même, son âme pieuse se trouvait partagée entre l'attrait irrésistible qui l'entraînait vers le divin Prisonnier du Tabernacle et son dévouement apostolique pour ses chers missionnaires. Mais dans ces rencontres, elle sut toujours agir avec la grande liberté d'esprit qui la caractérisait.

L'infirmerie fut l'office où Dieu appela plus particulièrement notre chère Soeur à se sanctifier par le dévouement à sa Communauté. Elle l'occupa pendant neuf ans. Là elle combattit ses plus longs et peut-être ses meilleurs combats ; là elle tomba les armes à la main.

Dans une des dernières retraites qu'elle fit avant d'être placée à ce poste tout de charité d'oubli de soi-même et d'abnégation, elle avait reçu de précieuses lumières par lesquelles Notre-Seigneur semblait la préparer à la pratique plus immédiate de ces grandes vertus. Voici ce que nous disent ses notes : "Méditant sur le mystère de la Visitation, où nous voyons la Sainte Vierge rester chez Elisabeth trois mois pour sanctifier et faire plaisir, le Seigneur m'a fait comprendre que la vraie charité, le vrai dévouement ne consistent pas seulement à donner son temps, son travail, ses forces; mais à employer son intelligence et son coeur à faire plaisir, à rendre heureux, à consoler. Je m'efforcerai donc d'être toujours prévenante, affable, compatissante et bonne ; pour cela, tout d'abord, je travaillerai à ne jamais juger défavorablement ; mais à toujours prêter une bonne intention à ce que j'entendrai dire ou verrai faire ; car en jugeant tout le monde avec indulgence et estime, il est beaucoup plus facile d'être dévouée et charitable."

 

Ce fut avec un entier renoncement à elle-même, ma Révérende Mère, que notre chère Soeur Mari; de Saint Joseph se livra aux occupations à la fois douces et laborieuses de la vie d'infirmière. Jamais elle ne s'épargna quand il s'agit de procurer à ses Soeurs souffrantes la plus petite consolation. Adroite auprès des malades, elle leur donnait ses soins avec une exactitude, une tranquillité qui en doublaient le prix ; se rendant, autant qu'elle le pouvait, à leurs désirs, sans insister pour faire prévaloir ses propres aperçus. Comprenant que le repos et le silence adoucissent souvent la souf­france plus que ne le font les remèdes, elle arrivait auprès du lit ou du fauteuil de ses chères mala­des, presque comme une ombre, leur parlait, à voix basse, et après leur avoir donné ses soins, ave une affectueuse attention, elle se retirait sans bruit. — Vous êtes, lui disait notre bonne Agathe, comme une petite mouche qui entre furtivement dans une chambre, se pose doucement sur un meuble, et s'envole avant qu'on ne s'en aperçoive.

De quelles délicates attentions n'entoura-t-elle pas, il y a trois ans, nos regrettées Mères et notre chère doyenne, toutes les trois retenues ensemble à l'infirmerie. Nous occupions alors la charge de Sous-Prieure : c'était avec pleine sécurité, que nous nous reposions sur elle!... Que de fois, pendant nos différentes épidémies, ne vit-on pas la charitable infirmière se prodiguer aux unes et aux autres, sans tenir compte de ses propres souffrances. Malgré ses fréquentes tortures d'estomac, bien rarement elle interrompait le jeûne et l'abstinence, et lorsque nous la pressions d'accepter quelques soulagements : Ce que j'éprouve n'est rien, ma Mère, disait-elle avec une sorte de mépris d'elle-même : ce sont mes misères habituelles ; elles vivront avec moi jusqu'à là fin.

Ce qui lui en a coûté pour suivre le régime commun est le secret de Dieu. Son secret à elle était de savoir faire peu de cas de ses souffrances et d'en parler gaiement. Après les fatigues du dernier Carême, elle écrivait à une de ses chères Religieuses du Sacré-Coeur : Vive le Seigneur ! On est heureux de faire quelque chose pour Lui en ces jours où II a tant fait pour nous, et l'on en chante plus joyeusement l'Alléluia de Pâques. Au reste la tristesse est peu connue au Carmel ; Notre Maître est un trop bon Ami pour qu'on le serve tristement. Nous nous réjouissons de tout, même de la pensée d'être un jour mises en prison pour dettes (allusion aux lois iniques récemment votées contre les Ordres Religieux).            

Et, après avoir plaisanté avec entrain de la rigueur de l'hiver. — Un peu de souffrance, cela passe vite, ajoutait-elle... Si l'on pouvait à ce prix aider à sauver quelques âmes, ne serait-on pas bien payé de sa peine?...

Cette pensée des âmes à sauver était, en effet, ma Révérende Mère, un levier de grande puissance pour déterminer notre chère Soeur au sacrifice. Rien ne lui coûtait devant la perspective d'en gagner une à Jésus-Christ.

Mais si la charité et la mortification de cette vraie Carmélite frappaient tous les regards, il s'en fallait bien qu'elle en fût elle-même satisfaite. Écoutons l'humble jugement qu'elle en portait. — Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés, a dit Notre-Seigneur. La charité plaît uniquement à son Coeur; tout ce qui la blesse l'atteint profondément. Je veux appliquer tous mes efforts à acquérir la perfection de cette vertu. Dans mes rapports avec le prochain, il manque cette bienveillance qui est le charme de la vie de Communauté. D'où cela vient-il ? De ce que je ne sais pas assez excuser les misères et les faiblesses physiques et morales ; puis d'une trop grande recherche de moi-même qui fait que je ne sais point m'oublier, tout quitter pour rendre service et supporter gaiement un dérangement imprévu ; enfin de ce que, trop préoccupée de l'opinion des créatures, je ne sais pas, en certaines circonstances, m'élever au-dessus d'une sorte de réserve et de gêne.

Ce ne furent pas seulement la charité et le dévouement qui brillèrent en notre chère Soeur dans l'exercice de son emploi d'infirmière ; on remarquait, surtout dans les dernières années de sa vie un sensible développement des autres points de l'esprit religieux. Ainsi, tout en chérissant beaucoup la sainte Pauvreté, sa nature très généreuse n'avait peut-être pas saisi dès ses premiers pas dans la sainte carrière, les petites pratiques chères à cette vertu : on peut dire qu'une transformation se fit chez elle à cet égard. Ceci nous frappait chaque jour davantage. Demeurant toujours large pour donner à nos Soeurs souffrantes ce que réclamaient les besoins de leur santé, elle apportait à la conservation des choses une attention scrupuleuse. Sa plus grande crainte, elle nous l'exprimait souvent, était de voir s'introduire au milieu de nous ces habitudes de bien-être contraires à la simplicité du Carmel et qui, hélas ! de nos jours composent, l'atmosphère du monde.

On remarquait également un travail très spécial de la grâce dans les progrès que faisait notre Soeur du côté de l'aménité. Chez elle, un abord sérieux parfois un peu froid aurait peut-être déconcerté les caractères timides ; elle luttait sans cesse contre cette imperfection, plus physique que volon­taire, s'efforçant ainsi qu'elle se l'était proposée devant Dieu : je témoignerai toujours une grande bienveillance et je répondrai par un sourire à toute parole ou demande, quelque importune qu'elle me paraisse.

Nous constations encore, ma Révérende Mère, dans nos rapports fréquents avec notre chère Soeur, une souplesse de jugement de plus en plus grande. La sainte Obéissance avait, toujours été sacrée pour elle. Tout ce que ses Supérieurs décidaient était accepté avec une grande démission de ses vues personnelles ; mais depuis quelque temps, il semblait que son âme eût besoin d'un abandon d'enfant entre les mains de Celle qui lui tenait la place de Dieu, et ceci non seulement pour les choses extérieures, mais surtout pour ses moindres impressions intimes. Sans préoccupation exagé­rée, elle trouvait sa paix et sa consolation à nous découvrir tout ce qui se passait en elle. Cette atti­tude frappa même si sensiblement une de nos Soeurs, aide en son office, qu'elle se disait : Oh ! ma Soeur Marie de Saint Joseph doit être attirée par la grâce à l'esprit d'enfance et d'abandon.

Mais c'était particulièrement dans ses rapports intérieurs et, directs avec Dieu que se perfection­nait notre pieuse Soeur. Le bon Maître avait préparé ce progrès en purifiant son âme par certaines peines, certains scrupules dont ses Supérieurs étaient eux-mêmes surpris, tant cette disposition était opposée à sa liberté d'esprit ordinaire. Ce chemin ardu fut très court; mais, dans les desseins de la miséricorde Divine, il lui fut salutaire, selon la parole d'un digne Religieux auquel elle de­manda conseil : C'est bien, lui avait-il dit, au moins cela, vous fera connaître du pays. — Ma Soeur Marie de Saint Joseph sortit de cette épreuve plus dégagée d'elle-même, plus avide d'union intime avec Notre-Seigneur, plus confiante, plus abandonnée à son Divin Coeur.  

"Dans mes rapports avec Dieu, écrivait-elle vers cette époque, tendre de toutes mes forces à la confiance ; confiance de volonté, sinon de sentiment. Puis, dix-huit, mois avant sa mort, dans son avant-dernière re­traite : Vivez cachés en Dieu avec Jésus-Christ, nous dit l'Apôtre saint Paul.... Là doit être, la vie du chrétien, à plus forte raison de l'âme Religieuse. Dieu habite en moi par sa grâce ; sa vie divine s'entretient par les Sacrements et surtout par la Sainte Eucharistie ; la plénitude de la Divinité descend dans mon âme par la Sainte Communion. C'est donc dans mon propre coeur que je dois me renfermer pour trouver Dieu et vivre en Dieu avec Jésus-Christ. De mon union plus ou moins étroite avec ce divin Maître dépendra la grandeur de ma perfection. Je veux viser haut ; notre Sainte Mère nous dit qu'il sied à ses filles d'avoir de grandes ambitions. Je veux tendre à une étroite et très intime union avec Notre-Seigneur, là est toute la force de l'âme, sa joie, sa vie. Sans cette union, qu'est l'existence d'une Carmélite ? un corps sans âme, un composé de petites actions de nul mérite et sans but... Pour vivre de, cette union de pensées, de sentiments, de volonté avec Jésus pauvre, souffrant, humilié, il faut un grand recueillement intérieur ; l'humilité et l'amour m'uniront à Jésus ; le recueillement me fera vivre, en l'étudiant, en l'imitant, en conformant toute ma vie à la sienne... Pour atteindre ce recueillement intérieur, je m'appliquerai à une observance plus stricte du silence, à une garde plus exacte de mes sens et principalement de mes yeux, source de mille distractions ; surtout je bannirai de mon esprit toute occupation et préoccupation étrangères à Dieu... Dieu et mon devoir!! ... c'est tout ce qui importe à ma perfection. - L'intime union avec Notre-Seigneur est difficile à'atteindre au- dessus de mes forces, oui; mais, dit saint Bernard : Tout lieu où vous aurez mis le pied sera à vous ; car une grande foi mérite de grandes faveurs, et vous posséderez les biens du Seigneur dans la mesure de votre confiance. Enfin j'apporterai un extrême soin à bien remplir mes exercices religieux; dans la prière s'alimente la vie d'union avec Notre-Seigneur. — Puis comme pour satisfaire un extrême besoin de confiance, elle ajoute : je prends aussi la résolution de ne jamais m'arrêter à un sentiment de crainte, je veux établir mon âme dans un abandon filial en la miséricorde de Dieu." 

Ces saintes dispositions tendaient naturellement a dévelop­per chez notre chère Soeur la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. Élevée par des Religieuses qui lui sont particulièrement dévouées, elle avait été l'enfant privilégiée de ce Coeur Divin et dès sa plus tendre jeunesse, elle avait connu les effusions de son amour; mais, de son propre aveu, en ces der­nières années elle en eut une intelligence plus profonde : Je comprends, disait-elle peu de temps avant sa mort je comprends comme je ne l'ai jamais fait, la dévotion au Sacré-Coeur. Toute sa correspondance intime avec ses soeurs Religieuses est empreinte de ses tendres sentiments envers son Sauveur. Ah ! qu'il est donc bon Notre-Seigneur, leur écrivait-elle à l'occasion de leur fête patronale ! Il est bien triste de penser que si peu d'âmes songent à le payer de retour ! Je ne désire qu'une chose : me dévouer corps et âme à la plus grande gloire de ce Maître bien-aimé... Pour nous surtout, que pouvons-nous désirer de plus que de l'aimer ardemment, passionnément ce divin Jésus qui veut bien être notre Époux. Je voudrais pouvoir l'aimer jusqu'à la folie et lai- mer si bien, que tout autre amour, surtout l'amour de moi-même, fût entièrement anéanti en mon âme. Hélas ! que j'en suis loin !

C'est cet amour généreux pour Notre-Seigneur, ma Révérende Mère, qui attachait du fond du coeur notre chère Soeur Marie de Saint Joseph à sa sainte Vocation. Que le Seigneur a été bon pour nous écrivait-elle à ses ferventes Religieuses ! Non l'Éternité ne sera pas assez longue pour le bénir de nous avoir appelées à le suivre ! - Et à la fin d'une retraite : Que béni soit le Seigneur qui m'a fait puiser dans ces jours de solitude, une estime, un amour plus grand encore de ma Vocation, et un immense désir d'entrer dans cette carrière d'abnégation, d'un pas résolu et Généreux Chercher Dieu en m'abaissant : voilà mon but ; tout le reste ne m'est rien.        

Nous ne vous parlerons pas, ma Révérende Mère, le sa filiale dévotion envers la Très -Sainte Vierge. L'amour de cette divine Mère est trop inséparable de celui du Coeur de Jésus pour qu'il n ait pas eu ses ascensions dans l'âme si pure de notre chère Soeur. Son titre d'Enfant de Marie lui avait été précieux entre tous les autres pendant ses années du monde. La médaille de sa bien-aimée Congréga­tion l'avait accompagnée au Carmel; elle la portait avec complaisance sous le Scapulaire bénit qui la rendait plus spécialement encore fille de cette Mère Immaculée. Pendant les premières années de sa vie religieuse' elle entretenait avec une joie enfantine la modeste lampe qui, durant le mois de Mai brûle au Noviciat devant la statue de Marie : Je veille avec grande dévotion, disait-elle, au l soin de cette petite flamme ; j'offre à ma bonne Mère cette humble lumière qui, brillant a ses pieds sans s'éteindre jamais, est comme une prière continuelle et un appel constant à sa bonté maternelle. Plus tard, elle aimait à entourer de fleurs l'image de cette aimable Mère, placée avec hon­neur en son office. On peut dire que la dernière pensée de notre bien-aimée Soeur fut pour la Reine du Ciel. Presque a l'agonie, elle priait son infirmière de lui mettre soigneusement son Scapulaire, afin disait-elle, que la Sainte Vierge me trouve bien prête.  

Le choix que notre chère Soeur Marie de Saint Joseph faisait de ses lectures nous révélait ma Révérende Mère, les sources fécondes où s'alimentaient ses pieuses et hautes aspirations. St Augustin, St Bernard lui fournissaient la nourriture solide dont son âme avait besoin. Elle affectionnait aussi beaucoup les oeuvres du Père d'Argentan et disait y trouver de précieux moyens pour s unir a Dieu. Parfois elle en faisait part à ses malades. C'est ainsi que l'hiver dernier, elle enseigna a une de nos Soeurs, retenue à l'infirmerie et privée de dire son office, la manière d'y suppléer par le Gloria Patri. Elle aimait à nous faire lire les passages qui l'avaient le plus frappée dans ses auteurs favo­ris et elle les citait, à l'occasion, avec le plus heureux à propos. Les Insinuations de Ste Gertrude et les lettres de Saint François de Sales avaient pour sa piété un charme spécial. Notre chère Soeur marchait a grands pas dans la voie parfaite, réalisant ainsi en elle cette parole qui l'avait singulièrement frappée dans une instruction d'un Père Jésuite récemment entendue :

 

Quand une bille est bien polie, une chiquenaude suffit pour la faire partir, ainsi doit être une âme sous le souffle du Saint Esprit. Ce souffle, elle le sentait à travers toutes les dispositions Providentielles, s'y abandonnant sans réserve comme étant le moyen le plus efficace de s'unir à Dieu : L'accomplissement du bon Plaisir Divin, écrivait-elle dans sa dernière retraite laite un an avant sa mort, telle est la condition de l'union de lame avec Dieu. Union parfaite de volonté ; laisser Dieu vouloir ; suivre en tout son impulsion la plus délicate. L'abandon complet au bon Plaisir Divin ! Cet acte renferme tout dans son unité; il livre tout l'homme à tout ce qui est en Dieu. Cet acte demande non seulement une volonté passive d'accepter aveuglément les dispositions de la Providence; mais une volonté active d'agir énergiquement sous l'impulsion de la grâce, rien n'étant plus actif que l'Esprit de Dieu qui meut et gouverne l'âme abandonnée. Pour la pratique parfaite de cet abandon absolu au bon Plaisir Divin, une grande vigilance est nécessaire ainsi que le silence et le recueillement.

Sans doute la volonté de Dieu nous est manifestée par les Commandements, la Règle, les Constitutions, les usages du Monastère, les désirs des Supérieurs, les événements imprévus et indépendants de notre volonté, elle l'est aussi par les touches secrètes de la grâce et ses inspirations ; mais l'Esprit de Dieu, parle sans bruit : l'âme attentive et recueillie sera seule capable de l'entendre. — Donc recueillement extérieur, recueillement intérieur ; se désoccuper de toute inutilité, s'habituer à voir Dieu en toutes personnes et en toutes choses afin de reconnaître son bon Plaisir dans tout ce qui nous vient par la créature. Accueil joyeux fait à ce bon Plaisir, quel qu'il soit, joie quand même, joie non sentie, mais voulue. Tout le travail de mon âme portera sur ce point : rechercher et accueillir joyeusement le bon Plaisir du Coeur de Jésus, dans les plus petits détails de la vie. Se réjouir tout en Dieu !... Delectare in Domino ; quels que soient les cris et les répugnances de la nature, se soutenir en Dieu, près de Dieu, se réjouir en Lui, être contente de Lui.... Se délecter en Dieu... Toute la perfection est là.

Elle termine par cette dernière résolution : Mon examen particulier se fera sur cette acceptation joyeuse du bon Plaisir de Dieu. Je fais toujours ce qui lui plaît.... Ce sera mon cri de guerre contre Satan. — A la fin de cette retraite, notre chère Soeur voulut se lier plus étroitement encore à Notre-Seigneur par le voeu du saint abandon dont elle rédigea la formule suivante :

"Coeur Sacré de Jésus, je vous donne pleine et entière liberté sur mon corps et sur mon âme. Je fais voeu d'accueillir joyeusement toutes les dispositions de votre bon Plaisir sur moi.  Je livre et dévoue à votre pur amour mon être tout entier... mon âme et ses puissances; mon corps et ses sens, afin que mes pensées, mes désirs, mes affections, mes actions n'aient désormais pour mobile que le seul bon Plaisir de votre Divin Coeur, ô Jésus ! on l'union duquel je veux être une victime immolée à la plus grande gloire de Dieu et au salut des âmes. Marie de Saint Joseph, v. c. ind. 3 Octobre 1894" 

 

A cette nouvelle et plus parfaite donation d'elle-même au Seigneur, notre généreuse Soeur joignit le don de tous ses mérites aux âmes du Purgatoire par l'émission du Voeu héroïque. Le fruit mûrissait ainsi à vue d'oeil pour le Ciel sous le chaud soleil de la grâce; il mûrissait dans l'union divine et dans l'amour. L'union parfaite est réservée pour la Patrie, disait-elle un jour ; ici-bas aimer et prier c'est commencer l'union éternelle. Il faut se donner à Dieu, se dévouer à Lui, et surtout l'aimer pour l'atteindre.

Elle avait pris pendant quelque temps pour sujet d'examen particulier la présence de Dieu : Vous ne sauriez croire, ma Mère, quel bien j'en retire, nous disait-elle souvent.

Nous suivions avec une grande édification, ma Révérende Mère, les ascensions de cette âme vrai­ment toute à Notre-Seigneur, sans toutefois soupçonner que l'Époux Divin attachant, par ce travail de sanctification les derniers fleurons à la couronne de sa fidèle épouse, et nous étions loin de prévoir le sacrifice si prochain qui allait nous être imposé.

Vers le milieu de Septembre, notre chère Soeur Marie de Saint Joseph nous demanda de faire sa retraite. Nous en fixâmes l'époque au 24. Mais dans l'intervalle éprouvant un certain malaise, elle crut prudent de retarder ses jours de solitude. Ne croyant d'abord qu'à une de ses ordinaires fati­gues d'estomac, nous ne lui fîmes prendre que quelques remèdes inoffensifs. Le lundi 23, elle éprou­va de violentes douleurs d'entrailles. Notre courageuse Soeur s'en plaignit à peiné et continua encore ses occupations à l'infirmerie. Cependant, le lendemain mardi, nous l'obligeâmes à garder le lit dans sa cellule, espérant qu'un peu de repos la remettrait promptement. Vain espoir hélas ! Dès le mercredi la fièvre se déclara. De suite nous lui proposâmes de la faire transporter à l'infirmerie : Comme vous voudrez, ma Mère, nous répondit-elle avec douceur et la plus grande paix. Nous l'installâmes dans la même pièce et le même lit où notre vénérée Prieure souffrit et rendit son âme à Dieu, il y a trois ans. En y entrant : Oh bonne Mère Marie de Saint Bernard, s'écria-t-elle, venez vous me chercher ? Puis elle s'offrit à Notre-Seigneur pour endurer tout ce qu'il voudrait :

Tout ce qui vous fera plaisir, mon Seigneur Jésus !... Je veux bien guérir.  Je veux bien mourir. Votre Volonté à la vie et à la mort. 

Une de nos Soeurs étant venue la voir : Si le Seigneur veut nous appeler, lui dit-elle avec un doux sourire, eh bien ! nous partirons; s'il veut nous laisser, eh bien ! nous resterons. Absolument comme II voudra.

Telles étaient ses invariables répon­ses. Elle avait sans doute en vue la pratique de son voeu d'abandon ; et par là plusieurs de nos Soeurs en pénétrèrent le secret. Cette disposition de parlait abandon entre les mains divines, ma Révérende Mère, ne la quitta pas un instant pendant ses trois semaines de souffrances. Quelquefois elle ajoutait : Je crains seulement de manquer de patience. Et comme nous la rassurions en lui disant que le bon Dieu proportionnerait la grâce à l'épreuve : — Eh bien oui, c'est cela ! et elle reprenait son calme.

Cette remise d'elle-même à Dieu et à celles en qui elle reconnaissait l'autorité divine était des plus touchantes. Ses dévouées infirmières lui offraient-elles de prendre quelque chose : Comme vous voudrez, disait-elle, je suis bien déterminée à m'abandonner complètement. Ou bien encore : Tout comme il vous semblera bon ; vous avez grâce, je me remets entre vos mains.

Nous avions fait appeler de suite notre pieux docteur : il constata aussitôt une dysenterie aigue contre laquelle il essaya d'agir par des remèdes énergiques. L'inflammation cédait avec peine; cepen­dant on réussit à obtenir de l'amélioration et notre docteur, joint à un autre médecin, allié de la famille et envoyé par elle, nous donna quelques espérances. Mais, ma Révérende Mère, c'était prin­cipalement sur le secours du Ciel que s'appuyait notre espoir. A une première neuvaine à Notre-Dame de Lourdes, dont notre chère Soeur buvait l'eau miraculeuse, en succéda une autre à la vénérable Mère Barat; une relique avait été envoyée du Sacré-Coeur par ses chères Religieuses, et leur pieuse Communauté s'unissait à nous pour demander un miracle à leur sainte Fondatrice.

Cependant la faiblesse devenait extrême et d'autant plus inquiétante que le mauvais estomac de la malade ne permettait plus la nutrition. Nous crûmes prudent de lui proposer de se confesser, et prenant l'occasion du 4 Octobre qui coïncidait avec le premier vendredi du mois, nous lui parlâmes de recevoir ce jour là la Sainte Communion en Viatique. Elle accueillit notre proposition avec joie et en parlait avec un extrême bonheur. Une de nos Soeurs entrant pour la garder un instant, (car on ne la quittait pas une minute,) lui dit en voyant les pieuses statues des Saints apportées par les unes et les autres à l'infirmerie pour sa consolation : on vous gâte ; vous êtes dans un vrai petit paradis. — Oh ! reprit-elle, avec un suave sourire, demain ce sera bien autre chose. — Quoi donc ? — Ne savez-vous pas que notre Mère va me faire apporter le Saint Viatique?... Quelle grâce !... Les Vendredis sont mes grands jours... disait-elle aussi, faisant allusion à sa Profession faite en la solennité du Sacré-Coeur. La voyant si calme, si abandonnée, au Divin Vouloir, nous ne craignîmes pas de lui demander si elle ne désirait pas recevoir l'Extrême-Onction après le Saint Viatique. C'est une grâce, ma Mère répondit-elle, je l'accepte avec reconnaissance. En disposant tout pour l'administration de ce Sacrement, nos Soeurs infirmières firent observer affectueusement à la chère malade que son oeil droit pleurait toujours. Elle, conservant sa présence d'esprit et son à propos naturels, se prit à sourire malicieusement disant : Il est bien juste qu'il pleure ses péchés ! Puis, d'un air plus sérieux : J'ai tant offensé Dieu dans ma vie !... Mon âme n'est pourtant pas aux larmes...elle est toute à la joie ! Je cherche en vain un sentiment de crainte et je ne le trouve point... Du reste, je ne le désire pas. — Notre chère Soeur se sentit extrêmement souffrante pendant qu'on l'administrait. Nous dûmes faire abréger la cérémonie le plus possible. Elle ne vou­lut cependant pas omettre de demander pardon à la Communauté, mais ne se sentant plus la force d'élever la voix, elle nous chargea de le faire en son nom, nous priant de lui témoigner sa recon­naissance pour la grâce de l'avoir reçue à la sainte Profession. Lorsque Monsieur notre Aumô­nier et nos Soeurs se furent retirés : Que je suis heureuse, Ma Mère, nous dit-elle, je suis inondée de joie ! et elle ajouta : Tout est purifié, tout est donné; je suis prête à tout.

Le temps marchait et nous voyions s'évanouir peu à peu les lueurs d'un espoir dont nos coeurs avaient cependant si grand besoin ! La chère malade, toujours paisible, toujours patiente continuait à nous édifier grandement. Quand nous lui demandions si elle souffrait beaucoup : Pas de douleurs aiguës maintenant, nous disait-elle, mais une grande faiblesse, avec d'inexprimables angoisses. Hélas! c'était la vie qui s'en allait. Parfois elle s'étonnait de la rapidité du temps : à un moment, elle dit à l'une de ses infirmières ces admirables paroles : Les jours passent, les nuits passent.... le Paradis ne passera pas. Puis reprenant vivement : — Ce n'est pas pour les joies du Paradis que je souffre, je n'y pense même pas. Puis avec un accent de foi profonde : — C'est pour l'amour de Dieu tout seul. 

La souffrance est, dit-on, le besoin de l'amour; nous l'avons constaté en plus d'une circonstance, ma Révérende Mère, dans ce coeur généreux attaché à la Croix. Souvent, quand on offrait à la chère ma­lade quelques petits soulagements, on l'entendait répondre : Oh ! non... je peux bien endurer cela pour l'amour du bon Dieu; un peu plus, un peu moins pâtir, qu'est-ce que cela fait ? C'est une grâce de souffrir, disait notre bonne Mère Agathe. — Elle aimait à répéter les paroles re­cueillies au chevet de nos vénérées Mères, et à rappeler les exemples de leurs vertus. Un jour, en présence d'un douloureux pansement, sa nature frémissait. Tout à coup se redressant : Vive le Seigneur quand même ! s'écria-t-elle en s'offrant aux mains charitables qui lui donnaient leurs soins : (C'était le mot favori de notre bonne Mère Agathe devant un sacrifice : il était depuis long­temps devenu particulièrement cher à sa fille.) — Dans une autre circonstance semblable, elle ne nous toucha pas moins par ces édifiantes paroles : Que l'on fasse de mon corps ce que l'on voudra qu'importe, pourvu que mon âme demeure toujours unie à Dieu.

Le mardi 8, au moment oh la Tourière venait de recevoir l'ordre d'aller chercher notre confesseur pour donner une absolution à la pieuse malade, le Révérend Père Supérieur des Prémontrés se présen­ta à notre parloir. Nous demandâmes à ma Soeur Marie de Saint Joseph si elle ne serait pas heureuse de le voir ? elle accueillit notre proposition avec joie. Quelques minutes après, le digne Religieux était près d'elle. — Quelle paix ! nous dit-il en sortant. Comme on meurt bien au Carmel... Ah ! je n'ai pas eu besoin de précautions pour lui parler de la mort. Je voudrais être a sa place. Un tel spectacle fait du bien. C'est une âme forte qui s'envole au Ciel. — Notre pieuse Soeur fut extrêmement consolée de cette visite : Que je suis heureuse, nous disait-elle ensuite. Que de grâces, que de grâces en Religion !... Quoiqu'il n'y eût que quatre jours d'écoulés depuis sa dernière Communion, nous obtînmes la permission de lui faire réitérer le Saint. Viatique. Ce lui lut u ne immense consolation ; et de nouveau elle nous dit souriante : Maintenant je suis prête à partir. — Oui, ma Révérende Mère, cette âme était bien prête a répondre à l'appel du Seigneur. On voyait qu'elle cherchait à se prémunir contre la plus légère poussière. Souvent, lorsque nous entrions à l'infirmerie, elle se faisait un devoir de nous soumettre ses moindres impressions, et en toute circonstance, elle se rendait à notre parole avec la simplicité d'un enfant.

Nous retrouvions sur ce lit de douleur la fermeté, les élans généreux, cette sorte (l'enthousiasme sans exaltation, qui électrisait, toujours notre chère Soeur en face des nobles causes. Ame fortement trempée, par nature et par éducation, elle bondissait en face de la mollesse, de l'affaissement des ca­ractères, et eût voulu souffler à tous son énergie. Les graves questions religieuses qui préoccupent en ce moment les esprits en notre chère France, avaient pour elle un intérêt que ses souffrances ne diminuaient point. Fréquemment, dans nos visites à l'infirmerie, elle nous demandait comment mar­chaient les choses. Quand nous lui apprenions que l'élan paraissait se généraliser dans le sens de la résistance aux lois fiscales en vraie fille de l'Eglise, une vive joie se peignait dans son regard ; au contraire ses traits revêtaient une expression de tristesse profonde lorsque nous lui signalions ce qu'elle appelait des défaillances.

Reconnaissante des moindres services, elle nous disait parfois : O ma Mère ! qu'elles sont attentives mes bonnes infirmières ! sans leurs soins délicats, déjà je serais morte ; et cependant je suis loin de tout voir. Un jour que celles-ci lui rendaient un service, apercevant leur émotion à la vue de son état douloureux : Oui, oui, dit-elle gracieusement, j'ai bien vu des larmes couler. Je ne voudrais pas cependant faire de la peine à mes infirmières, car je les aime bien. Ce n'est pas triste de mourir. Et comme on lui répliquait : — Chère Soeur, le Seigneur Jésus vous fait faire votre Purgatoire. — Oh ! le Purgatoire ! vous ne m'y laisserez pas longtemps, n'est-ce pas ? Vers le milieu de la dernière semaine, la maladie eut une phase des plus pénibles. Des crises d'étouffement saisissaient la pauvre patiente et la tourmentaient quelquefois pendant plus de deux heures ; il fallait la, soutenir sur les bras, et l'on se demandait quelle issue auraient ces cruelles souffrances. Rien n'était déchirant, ma Révérende Mère, comme le spectacle des angoisses de cette chère mourante. Plusieurs fois elle poussa ce cri de détresse : Ma Mère, que faire ? J'étouffe... Je n'en puis plus Je crains de manquer de patience. — Courage, lui disions-nous.      C'est Jésus qui est votre patience. Alors, avec un inexprimable accent : — Je l'espère !... La pauvre nature au paroxysme de l'angoisse, pendant quelques secondes, sembla fléchir et laissa échapper ces mots : Je voudrais que nos Soeurs me prissent dans leurs bras. — Pourquoi ? — Parce qu'il me semble que ce serait plus vite fini. Et, comme si elle se fût reproché ce moment de défaillance : — Ah ! que c'est lâche !... reprit-elle aussitôt. Dans un autre moment de sembla­bles tortures : — Je crains de faiblir, dit-elle à son infirmière. Le vendredi 11, le confesseur ordinaire venant à la Communauté, nous fîmes proposer sa visite à notre bien-aimée Soeur : Je n'ai rien qui me gêne, répondit-elle, mais ce sera comme notre Mère voudra. Si elle juge à propos de le faire entrer pour me confesser, j'en serai bien aise, parce que si ce soir, le médecin dit : elle est bien faible, prenez garde !! ... alors moi je dirai : Voici l'Epoux qui vient, je suis prête ; allons au devant de Lui.

Le soir de ce même jour, une crise plus violente que les précédentes commença vers 11 heures : nous crûmes le moment suprême arrivé ; la Communauté, appelée en toute hâte, récita avec nous les prières du manuel, y ajoutant le Chapelet et beaucoup d'autres oraisons ; car cette sorte d'agonie dura deux heures.

Tout à coup les yeux de la chère mourante s'entrouvrirent, un sourire effleura ses lèvres : Je vais mieux, murmura-t-elle,... c'est une fausse alerte... Quel dommage ! je croyais bien m'en aller en Paradis... C'est égal, cela reviendra... une autre crise sera la dernière. Puis elle remercia affectueusement nos Soeurs de leurs prières. — Le matin suivant, arrivant près d'elle : Vous avez, bien souffert cette nuit, lui dîmes-nous. — Oh oui ! mais j'étais vraiment heureuse !

J'entendais tout, je suivais tout et je me disais : tant mieux, je serai bien disposée à partir ; j'au- rais voulu mourir pendant que la Communauté était là ; on priait si bien ! En effet, notre chère Soeur avait sa parfaite connaissance ; elle prononça même avec nous la formule de ses Voeux, ainsi que les invocations que nous lui suggérions.

L'esprit de mortification enraciné dans les habitudes de cette vraie Religieuse ne perdait rien de sa vigueur en face de la mort. Un jour, nous lui demandions si une boisson fortifiante ordonnée par le médecin, lui faisait du bien. — Oui, ma Mère, mais quelle Carmélite je suis ! Jamais il ne s'en est vu de semblable sur la terre ! Quelle lâcheté ! quelle sensualité!...

Dans cette nuit du vendredi au samedi, à la suite de la grande crise, comme elle essayait de pren­dre une position moins pénible, elle dit à son infirmière : J'étais ces jours derniers toute tracassée. Je craignais de chercher trop de soulagement ; mais notre Père confesseur m'a dit qu'il est permis d'aider la pauvre nature, et maintenant je suis parfaitement tranquille.

La chère malade baissait sensiblement. Les liquides qu'elle prenait, seule nourriture que son esto­mac pût supporter, passaient à peine. Nous voulûmes lui procurer la grâce d'une dernière visite de Notre-Seigneur avant la Communion éternelle. Le samedi à 4 heures, Monsieur notre Aumônier, tou­jours si compatissant et si dévoué pour nos infirmes, secondant nos désirs et ceux de la pieuse mou­rante, lui apporta une fois encore le Pain des forts pour la soutenir dans les combats suprêmes. Notre bien-aimée Soeur avait toute sa lucidité d'esprit. Afin de lui permettre d'avaler plus facile­ment la Sainte Hostie, on lui offrit d'oindre, avec un Uniment qui la soulageait beaucoup, sa gorge déjà resserrée ; elle accepta, disant presque joyeusement : Cela vaut bien la peine ; après, la gorge pourra se former si elle veut, on la laissera libre. Quand une fois II sera entré, Il ne pourra plus sortir.

Ce fut dans l'attitude d'une foi profonde et d'un touchant recueillement que cette âme, au seuil de l'Eternité, fit sa dernière rencontre sur cette terre avec le Dieu caché qu'elle aimait tant à recevoir et à visiter dans le Sacrement de son amour, et qui, d'ici à quelques heures, allait se découvrir à sa petite épouse dans les splendeurs de sa gloire. Lorsque après la retraite de la Communauté on eût enlevé le voile à la chère malade : Maintenant, dit-elle avec un accent d'intime bonheur et de piété attendris­sante, laissez-moi avec mon Jésus, et, joignant les mains, elle se recueillit profondément. Quelques minutes après, repoussant ses couvertures, on la vit de nouveau joindre les mains, et lever les yeux au Ciel, comme si elle éprouvait un avant-goût de la félicité des Élus : Ah ! qu'il est bon ! mur­mura-t-elle. A deux heures, elle avait demandé l'heure. Nos Mères sont aux Vêpres, lui fut répondu, elles récitent celles de la Maternité de la Sainte Vierge. — Nous sommes donc à samedi ? — Bien  Ce sera pour demain... — Notre chère Soeur avait une particulière dévotion à cette Fête; souvent elle la passait en ermitage. Peut-être la Divine Mère lui donnait-elle à ce mo­ment le pressentiment de son doux appel.

La nuit se passa dans clés alternatives de calme et d'angoisses : Comme il tarde le Seigneur Jésus ! dit-elle à un instant, comme c'est long!... — Quoi donc ? la souffrance ? reprit l'infirmière. Et comme notre chère Soeur se taisait : Je sais bien ; vous trouvez quelle est longue l'attente de l'Epoux ? — Oh oui ! mais II n'en sera que plus doux. — Combien nous voudrions vous soulager, lui disaient ses charitables gardiennes. — Et elle de répondre : Ne vous faites pas de peine ; plus j'aurai souffert, mieux cela vaudra. A la fin des Heures, la Communauté fut appelée en toute hâte près de notre bien-aimée mourante. On lui récita de nouveau les prières de l'agonie; mais cette crise s'apaisa un peu. Vers dix heures, les mêmes accidents se renouvelant, nos Soeurs re­vinrent à l'infirmerie et y prièrent longtemps; ce n'était pas encore l'heure de Dieu. Cependant la chère, malade baissait de plus en plus ; elle le sentait. A plusieurs qui l'approchèrent, elle dit ces paro­les : J'attends mon Seigneur Jésus. C'est l'Époux qui vient ! La Mère Sous-Prieure, se rendant à la récréation, lui offrit de porter ses messages à nos Soeurs : Vous leur demanderez pardon, ma Mère, et vous les remercierez. — Cela est déjà l'ait, lui fut-il répondu. Elle reprit : C'est vrai; je suis toute à la joie.

Depuis le commencement de la maladie, l'excellente famille de ma Soeur Marie de Saint Joseph par­tageait nos angoisses. Notre bien-aimée Soeur avait conservé pour chacun des siens la plus sincère et la plus surnaturelle, affection, affection qui s'étendait avec un grand intérêt sur tous les enfants de ses frères, et avait un caractère de particulière intimité avec ses deux chères Religieuses, aussi bien qu'avec ses deux pieuses soeurs restées dans le monde. Chaque jour, les uns ou les autres de ses proches ve­naient prendre de ses nouvelles avec une touchante attention ; elle y était fort sensible, et leur trans­mettait par nous ses pieuses commissions, en ajoutant toujours : Qu'ils ne se fassent pas de peine. Le matin de son dernier jour, nous lui annonçâmes encore une visite de ses chères soeurs : Oh ! assu­rez-les, ma Mère, que je prierai bien pour elles. — Nous n'en doutons pas, ma Révérende Mère, dans le sein de Dieu, notre Soeur Marie de Saint Joseph est devenue la protectrice de cette chère fa­mille qu'au joui' de sa Vêture, prosternée au milieu du Choeur, elle avait présentée au Seigneur, lui demandant qu'aucun des siens ne manquât au grand rendez-vous du Ciel.

Nous approchions de l'heure suprême. La chère mourante, calme et digne jusque dans les bras de la mort, nous dit : Ma Mère, je souffre tant !!... Je crains de manquer de patience. Ma figure se contracte-t-elle ? — Non, votre visage est au contraire très paisible. — Ah ! c'est bien, répondit-elle avec douceur. Et, s'adressant à son infirmière : Il me semble que mes yeux se voilent —- Celle-ci lui présentant son Crucifix : Voyez-vous votre Jésus. — Oh!! oui ! — Et cette lettre la voyez-vous aussi ? — Oui ma Mère ! — C'est un courrier du Sacré-Coeur, lui dîmes-nous.' Elle en écouta la lecture attentivement : — Oh ! dites-leur que je prierai bien pour elles. Ce furent ses dernières paroles. Le 22 Septembre, à la veille d'entrer à l'infirmerie, elle avait adressé à ses chères Religieuses quelques lignes terminées par ces mots : Que le Coeur de Jésus nous garde toutes ! De cette divine Forteresse, nul ne peut nous chasser. A Dieu ! — A son insu, c'était bien en effet l'adieu jusqu'à l'éternité.

Aux crises d'étouffement avaient succédé le calme et aussi l'affaiblissement graduel; on eût dit une lampe s'éteignant. La Communauté chantait à ce moment les Vêpres. Nos Soeurs infirmières et deux de nos Soeurs du Voile Blanc entouraient avec nous la bien-aimée mourante. Nous récitâmes encore les prières, y ajoutant les invocations que nous savions être les plus propres à la fortifier, car nous ne doutions pas qu'elle n'eût son entière connaissance. Enfin vers trois heures moins un quart, elle exhala son dernier soupir, si doucement, que nous restâmes quelques secondes incertaines si cette belle âme avait paru devant Dieu. C'était le 13 Octobre, 1e Dimanche après la Pentecôte : nous avions lu le matin à la Messe l'Évangile placé par l'Église sous les yeux de ses enfants pour leur rappeler la convocation faite par le Père de famille au festin des Noces de son Fils dans le royaume des Cieux. Nous avons la conviction, ma Révérende Mère, qu'en entrant dans la Salle de ce festin éternel, cette fidèle épouse, portait la blanche, robe de son innocence baptismale, rehaussée de l'éclat des hum­bles mais fortes vertus d'une vie sans défaillance au service du Roi des rois.

Aussitôt après le décès de notre chère Soeur, nous fîmes appeler la Communauté pour réciter toutes ensemble le Subvenite. Un sacrifice devait être ajouté à notre profonde douleur et à celle de la famille de la bien-aimée défunte, celui de no pas la voir exposée au Choeur visage découvert; la nature de la maladie exigeant cette précaution. Le lendemain, nous conduisions la chère dépouille à notre petit Cimetière. Les funérailles furent célébrées par le premier Vicaire général et honorées de la présence de plusieurs Ecclésiastiques Religieux et séculiers, parmi lesquels on remarquait un jeune Prêtre, cousin germain de notre bien-aimée Soeur, auquel elle portait devant Dieu un particulier intérêt. Que tous reçoivent ici l'expression de notre reconnaissance, pour ce témoignage de sympathie donné au deuil de notre Carmel.

Malgré nos espérances si bien fondées du bonheur dont jouit actuellement notre regrettée Soeur Marie de Saint Joseph, comme nous ignorons le degré de perfection exigé de chaque âme par la sainte­té de Dieu, nous vous prions, ma Révérende Mère, de vouloir bien ajouter aux suffrages de l'Ordre déjà demandés, une Communion de votre fervente Communauté, l'indulgence du Via Crucis, colle dos six Pater, un Salve Regina et quelques invocations au Sacré-Coeur, à notre Père Saint Joseph et à ses Saints Patrons, objets de sa tendre dévotion. Elle en sera très reconnaissante, ainsi que nous qui avons la grâce de nous dire, dans le Coeur de Jésus crucifié.

Ma Révérende et très Honorée Mère, Votre très humble soeur et servante,

Sr. MARIE CONCEPTION THÉRÈSE DE SAINT JOSEPH,

Rci, ind. Prieure.

De notre Monastère de Jésus Médiateur et de l'Immaculée-Conception Des Carmélites de Nantes, le 27 Octobre 1895

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