Carmel

26 septembre 1895 – Saigon

 

Ma Révérende et très honorée Mère, Très humble et respectueux salut en N.-S.,

C'est après un mois d'intervalle seulement, depuis la circulaire de notre si regrettée Mère Philomène, que nous venons de nouveau implorer les prières de votre chère Communauté, ma Révérende Mère, pour l'âme d'une de nos bonnes soeurs tourières, Soeur Catherine Chû, âgée de 69 ans, dont 33 passés au service de notre Monastère. Il a plu à Dieu de nous l'enlever juste au moment où nous venions d'en donner une, pour la nouvelle fondation du Carmel de Hanoï Que sa sainte volonté soit faite et que son saint Nom soit béni !

Cette bonne Soeur était née ù Thu-Duc dans une nombreuse famille de chrétiens. A l'âge de 21 ans elle se maria et eut deux enfants qui moururent en bas âge ; son mari aussi la laissa veuve, après sept années d'union. C'est vers cette époque que fut fonde le Carmel de Saigon.

Dans les premiers mois de son établissement il fallait faire sortir les postulantes pour l'entretien de la chapelle et l'achat des provisions ; mais la divine Pro­vidence permit bientôt que cette vertueuse veuve con­sentit à se dévouer au service du Monastère, ce qu'elle fit dans une mesure qui dépasse tout éloge.

Notre bonne Mère Philomène lui donna l'habit et l'agrégea ensuite avec bonheur, car par là elle atta­chait à son cher Carmel une personne sûre et (ligne de toute confiance. En effet, durant trente-trois ans, notre bonne Soeur Catherine prit les intérêts de la maison comme s'ils eussent été les siens et se dépensa tout entière et sans arrêt.

Douée d'intelligence, de prudence et d'énergie, on ne saurait énumérer tous les services qu'elle nous a rendus, surtout durant les épreuves pénibles que ce pauvre Carmel eut à endurer et que la circulaire de notre digne Mère Fondatrice vous a fait récemment connaître, ma Révérende Mère. Soeur Catherine paya toujours de sa personne, faisant de fréquentes excur­sions en barque, même au péril de sa vie, pour aller vendre dans les chrétientés environnantes, les cha­pelles que faisaient nos soeurs à l'intérieur du cloître.

Il y a six ans elle fat bien dangereusement malade et n'échappa à la mort que par miracle ; jamais elle ne recouvra ses forces, et sa santé resta toujours bien chancelante, jusqu'en ces derniers mois où sa fin parut imminente ; aussi pour lui donner une dernière consolation, il y a trois semaines, nous reçûmes l'agré­gation d'une de ses nièces qui, depuis plus de douze années, partageait ses labeurs et se dévouait pour nous à son exemple. L'affection si maternelle que notre bonne Soeur Catherine portait à ses vingt neveux et nièces, la rendit tellement sensible ;V cette atten­tion, qu'elle se fit encore transporter une dernière fois au parloir pour nous remercier ; nous ne la revîmes plus.

Elle s'affaiblit graduellement et chaque jour on attendait sa mort ; elle avait eu la grâce de recevoir assez fréquemment la visite de Notre-Seigneur et était entourée des soins assidus de nos autres tourières et de sa famille qui, au moment suprême, tenait à témoi­gner sa reconnaissance, à celle qui leur avait fait tant de bien. Ses bons parents voulurent l'assister à la mort et se chargèrent des frais des funérailles qu'ils tirent avec beaucoup d'apparat et selon le rit anna­mite ; ce 25 septembre.

Nous vous prions humblement, ma Révérende Mère, de vouloir bien lui accorder le secours des prières de votre sainte Communauté et de faire offrir le saint sacrifice de la messe à son intention. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire en union avec vous dans le divin coeur de Notre-Seigneur.

Ma Révérende et très honorée Mère, Votre humble servante,

Sr MARIE DE JÉSUS, R. C. Ind. prieure.

De notre Monastère de Saint-Joseph,

Les Carmélites de Saigon, le 26 septembre 1895.

 

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