Carmel

25 septembre 1895 – Auch

 

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Vous savez déjà que Notre Divin Maître nous a aussi demandé le sacrifice, bien sensible à notre coeur, de notre chère soeur Thérèse de Saint-Joseph, tourière agrégée. Elle avait 56 ans d'âge et en avait passé 35 dans l'exercice du plus parfait et du plus constant dévouement pour sa chère Communauté.

Notre bonne soeur était née dans une paroisse de notre diocèse, où elle n'avait cessé d'édifier ceux qui l'entouraient par sa piété et sa conduite exemplaires. Son bonheur était de s'occuper à orner les autels et entretenir en bon ordre tous les objets qui servaient au Culte divin. Cet attrait ne fit que s'accroître au Carmel, et les jours de grande fête elle n'épargnait ni temps ni peine pour aider ses chères com­pagnes à rendre la Chapelle aussi belle que possible. Elle leur était même une ressource par son adresse et son bon goût. Depuis plusieurs années notre chère soeur portait la croix de l'infirmité. Sans être complètement arrêtée, elle ne pouvait plus sortir, ni rien faire de pénible. Mais Notre- Seigneur lui a accordé la grâce, presque jusqu'à son dernier jour, d'aller au pied de son divin Tabernacle l'adorer, épancher son âme, et même orner encore un peu sa chère Chapelle. Notre bonne et regrettée soeur goûtait presque toujours le bonheur de l'union Divine. Parfois, cependant, venaient des jours de ténèbres, mais elle savait accepter cette souffrance sans que son âme y perdît rien de sa ferveur et de sa fidélité à tous ses devoirs. Elle mettait à profit l'adresse que le bon Dieu lui avait donnée pour le travail manuel. Au besoin, elle était cordonnier pour chausser ses compagnes, fleuriste pour orner la Chapelle, elle filait et travaillait le crin, etc. Aussi, ma Révérende Mère, quel vide pour nos deux chères soeurs de la porte!... Ces trois bonnes enfants ne faisaient qu'un coeur et qu'une âme. Leur union parfaite était une immense consolation pour nous et pour chacune de nos Mères qui se sont succédé dans la charge de Prieure. Veuillez demander avec nous à Notre-Seigneur, ma Révérende Mère, qu'il envoie à nos chères enfants du tour une âme qui s'identifie avec elles comme le faisait notre si regrettée soeur Thérèse de Saint-Joseph.

Si sa vie entière nous a édifiées, ses derniers jours n'ont pas été moins consolants. Sa patience à endurer de très cruelles douleurs, sa résignation, son abandon à la sainte volonté de Dieu nous ont profondément touchées. Elle sentait bien cependant la peine que ses compagnes ressen­taient à l'approche de la séparation et témoignait sa solli­citude pour elles. Un jour, la veille de sa mort, elle dit à une personne, amie de la Maison, qui lui prodiguait ses soins : Quand je serai morte, n'abandonnez pas mes soeurs », mais rien n'altérait son calme et sa paix. Comme notre chère soeur Saint-Jude, notre bonne soeur Thérèse de saint Joseph fut l'objet des soins assidus de notre dé voué Docteur. Comme elle aussi, elle reçut plusieurs fois la visite de notre vénéré Père Supérieur, ainsi que celle

de nos dignes Pères confesseurs. Elle eut le bonheur de recevoir le Saint Viatique la veille de sa mort et demanda elle-même de recevoir l'Extrême-Onction. Je suis l'aînée, disait-elle, en s'informant de l'état de notre enfant de l'inté­rieur, je dois partir la première. Mais non, tels n'étaient pas les desseins de la divine Providence. Notre bonne soeur Joseph devait rester un jour de plus sur la terre et aller ensuite rejoindre au Ciel, nous en avons la douce confiance, la sainte âme qui l'avait précédée.

Cependant, ma Révérende Mère, comme il faut être si pur pour paraître devant Dieu, veuillez ajouter aux prières que vous avez déjà faites pour elle ce que votre charité vous inspirera.

En union de vos saintes prières, nous aimons à nous dire, au pied de la Croix de notre Divin Sauveur,

Ma Révérende et très honorée Mère,

Votre humble soeur et servante,

Soeur THÉRÈSE DE SAINT-ALBERT,

E. C. Ind.

De notre Monastère de la sainte Trinité de N.-D. des Victoires et de N. P. Saint-Joseph des Carmélites d'Auch, le 25 septembre 1895.

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