Carmel

25 mai 1895 – Mangalore

 

Ma Révérende et Très Honorée Mère

Le Divin Sacrificateur qui, à cette heure, se plaît à moissonner de nombreuses victimes dans nos Carmels, a voulu, de nouveau, nous associer plus intimement au mystère de la douleur en ravissant à notre religieuse affection notre bien-aimée Dépositaire, Mère Marie du Sauveur, professe du Carmel de Pau, et l'une des premières religieuses fondatrices de notre Carmel Indien. Elle était âgée de 58 ans, dont 36 ans de religion.

Notre digne Mère s'est doucement endormie dans la paix du Seigneur mercredi dernier, 22 du courant, après le chant des premières Vêpres du triomphe glorieux de l'Ascension de Notre-Seigneur.

Combien il nous eût été doux, Ma Révérende Mère, de vous entretenir de cette chère existence, toute dévouée à Dieu et aux âmes; mais bien qu'il en coûte à notre coeur, un religieux respect pour son dernier désir nous impose le devoir de la laisser ensevelie sous le voile d'un silence que nous gardons à regret : notre bonne Mère nous ayant humblement prié, avec instance, de ne lui faire de circulaire que pour solli­citer les suffrages de notre saint Ordre.

Les précieuses grâces qui ont inondé cette regrettée Mère à sa mort, presque soudaine mais non imprévue, sont pour nos coeurs une consolation qui tempère l'amertume du sacrifice de la séparation. Fortifiée par les paroles si douces et si pleines d'onction de notre digue et si dévoué Père Supérieur, elle a reçu les derniers Sacrements dans toute la plénitude de ses facultés. Ce bon Père voulut bien revenir quelques instants avant sa mort pour lui réitérer la grâce de l'absolution et répéter avec nous les prières du Manuel.

En voyant disparaître un à un ces piliers qui avaient reçu la mission directe de soutenu- l'édifice do la perfection et les obligations de notre saint état dans ce lointain Carmel, nos regards demeurent fixés au Ciel, d'où nous attendons tout secours, avec l'espoir que l'Esprit Saint inspirera des vocations généreuses qui viendront combler les vides faits dans nos rangs. Vous le comprenez, Ma Révérende Mère, nu milieu de ce peuple encore enfant dans la foi, pour le salut duquel nous nous immolons, la plus éloquente des prédications pour former les jeunes religieuses, c'est l'exemple pratique.

Veuillez, Ma Révérende Mère, recommander au Sacré Coeur de Jésus ces intentions qui intéressent si grandement sa gloire.

L'expression de béatitude empreinte sur les traits de notre chère défunte nous fait espérer qu'elle jouit déjà de la récompense promise par le Divin Maître à ceux qui quittent tout pour son amour; mais comme Il demande beaucoup à ses Épouses privilégiées, nous vous prions, Ma Révérende Mère, de vouloir bien faire rendre, au plus tôt, à notre bonne Mère, les suffrages de notre saint Ordre. Par grâce : une communion de votre fervente Communauté, une journée de bonnes oeuvres, l'Indul­gence des six Pater, celle du Via Crucis et quelques invocations aux Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie, à notre Père saint Joseph et à saint Antoine de Padoue, objets de sa tendre dévotion. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire, au pied de la Croix, en union avec Marie Mère des douleurs,

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

Votre humble soeur et servante,

soeur Marie de l'Enfant Jésus,

R. C. ind.

De notre Monastère du Coeur de Jésus Réparateur, sous la protection de notre Père saint Joseph, de notre Mère sainte Thérèse et de sainte Anne, des Carmélites de Mangalore (Indes Orientales), 25 mai 1895.

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