Carmel

25 juin 1891 – Rennes

 

Ma Révérende et très honorée Mère,

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, dans le mois con­sacré à son divin Coeur vient de rappeler à Lui, notre bonne et chère SŒUR JULIE-CATHERINE-MARIE-THÉRÈSE-EUPHRASIE DE JÉSUS, âgée de 66 ans, et de religion 46 ans.

 

Entrée au Carmel de Troyes, sa ville natale, ma soeur Euphrasie y reçut l'habit religieux, et fut envoyée novice à la fondation de Brienne, où elle fit profession.

Nous vous transcrivons, ma Révérende Mère, le billet suivant que notre chère Sr avait attaché à ses saints voeux afin qu'il fût trouvé sitôt son décès. Bien des fois du reste pendant sa vie, elle avait énergiquement exprimé la même pensée :

"Je prie très humblement notre Révérende Mère de ne me faire de circulaire que pour réclamer pour ma pauvre âme les suffrages de notre Saint Ordre. Je supplie aussi mes bien-aimées Mères et Soeurs de remercier pour moi Notre-Seigneur de tant de grâces qu'il m'a faites, et dont j'ai si mal profité. .J'implore à cet effet leur tendre charité, et leur promets bien que je ne les oublierai jamais devant le Seigneur, si, comme je l'espère, j'ai le bonheur de trouver grâce à ses yeux. »

 

Nous croyons, ma Révérende Mère, devoir accéder à cet humble désir si religieu­sement exprimé et qui semble entrer dans les voies de Dieu sur cette chère âme, et renonçant à la consolation de vous parler de la vie édifiante de notre bien-aimée Soeur, nous ne dirons que quelques mots de la longue maladie qui l'a enlevée à notre affection.

Il y a environ quatre ans une première attaque d'apoplexie marqua notre bonne soeur Euphrasie du signe sacré de la Croix. Sans être retenue à l'infirmerie, elle demeura gravement atteinte. Depuis lors, des crises successives immolèrent peu à peu son être tout entier. Notre dévoué docteur qui l'a visitée bien des fois, tout en constatant qu'une nouvelle attaque pouvait instantanément la surprendre, ne voyait cependant aucun danger imminent. Cet état si douloureux, accepté par notre chère Soeur lorsqu'elle le pouvait encore, lui aura été sans aucun doute de grand mérite devant Dieu. Tous les sacrifices lui furent demandés, jusqu'au jour où, réduite à la plus complète impuissance, ses yeux tout ouverts parurent ne plus rien voir.

Le saint jour de Pâques, différents symptômes tirent craindre une congestion cérébrale. Il n'était pas possible que la chère malade pût recevoir le Saint Viatique. Notre vénérable Aumônier lui administra l'Extrême-Onction tandis que la Communauté récitait les prières du Manuel. Après la cérémonie un léger mieux se manifesta, mais dès lors on put prévoir que le temps de l'épreuve ne serait plus long désormais; en effet, l'état de notre chère Infirme s'aggrava de plus en plus. Dimanche, jour de la Fête de notre Père Saint Elisée, pendant la récréation du midi, elle eut une crise violente : ce fut le commencement de la dernière lutte qui se prolongea jusqu'au vendredi 19 juin. Après une journée d'agonie bien douloureuse, pendant laquelle elle reçut de nouveau la visite de M. l'Aumônier. Les prières de la recommandation de l'âme lui ayant été renouvelées plusieurs fois, notre chère soeur Euphrasie remettait son âme à Dieu un peu avant 11 heures et demie du soir, la Mère Soeur Prieure, nos Soeurs Infirmières, plusieurs de nos Mères et Soeurs, et nous présentes.

Quoique nous ayons la confiance que le Seigneur, si miséricordieux à ceux qui ont beaucoup souffert pour Lui, ait accueilli favorablement notre bien-aimée Soeur, nous vous prions, ma Révérende Mère, de vouloir bien ajouter pour elle aux suffrages de notre Saint Ordre, par grâce une Communion de votre fervente Communauté, une journée de bonnes oeuvres, les indulgences du Chemin de la Croix, celles des six Pater, quelques invocations au Sacré-Coeur de Jésus, à Notre-Dame-du-Mont-Carmel, à notre Père Saint Joseph, à notre Mère Sainte Thérèse, à notre Père Saint Jean-de-la-Croix, objets de sa spéciale dévotion. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire dans le Sacré-Coeur de Jésus,

Ma Révérende et très honorée Mère,

 

Votre très humble Soeur et servante,

Soeur MARIE-THÉRÈSE DE JÉSUS.

R. C. Ind.

De notre Monastère de la Sainte-Famille, sous la protection de notre Mère Sainte Thérèse, des Carmélites de Rennes, le 25 juin 1891.

 

Typ. Oberthür, à Rennes (569-91).

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