Carmel

25 Avril 1893 – Saint-Brieuc

Ma Très Révérende Mère,

La grâce du Saint-Esprit soit toujours en l'âme de Votre Révérence. Amen.

Notre-Seigneur vient de nous visiter bien douloureu­sement en enlevant à notre religieuse et vive affection notre chère Soeur Marie de saint Joseph, professe du Carmel du Mans. Elle était dans la 72e année de son âge et la 47e de sa vie religieuse.

Ses bons parents s'étaient appliqués à donner à leur nombreuse famille des leçons de piété et d'abnégation qui furent récompensées par l'entrée en religion de deux de leurs enfants. Notre chère Soeur fut appelée la première, puis le plus jeune de ses frères ne tarda pas à être reçu dans la Compagnie de Jésus, où il se dévoue encore comme Frère coadjuteur.

Dès le début de sa vie religieuse, notre bonne Soeur Saint Joseph comprit que la charité et le don de soi-même à la Communauté sont le caractère distinctif d'une soeur du voile blanc. Ces pensées que Notre-Seigneur inspirait à notre chère Soeur, Il lui donna l'occasion de les pratiquer au Carmel du Mans d'abord, puis à la fondation de Laval, pendant deux ans, enfin dans notre petit monastère où elle suivit Notre, Bien-Aimée Mère Eléonore, dont le souvenir est en vénération dans nos trois Carmels,

La maladie de foie dont notre chère Soeur souffrit durant de longues années ne lui perm|t d'être employée que fort peu de temps à la cuisine ; mais elle s'en dédommagea en prenant largement sa part des autres travaux de ses compagnes.

Se dépenser dans le soin des malades, était pour elle une grande consolation, on pourrait dire un besoin de son coeur. Ce coeur si bon lui inspirait des attentions pleines de délicatesse dont chacune de ses Mères et de ses Soeurs ont été tour à tour l'objet. La sollicitude de ma Soeur Saint Joseph pour la santé des postulantes faisait parfois sourire et lui attirait de nombreuses humiliations qu'elle recevait toujours avec un grand esprit religieux ; mais notre chère Soeur ne parvenait pas à se corriger, et bientôt après, elle revenait encore à la charge. Ces souvenirs de notre enfance religieuse, ma Révérende Mère, laissent dans nos coeurs une douce émotion, un vrai parfum de charité que nous aime­rons à conserver toujours. Mais c'est surtout près de notre regrettée et chère Mère Eléonore, que notre bonne Soeur montra tous les trésors de son dévouement. En la voyant si filiale, si ingénieuse à soulager les cruelles souffrances de notre chère Mère, comme naturellement, nous pensions à la vénérable Mère Anne de Saint Barthélemy, près de notre Sainte Mère Thérèse.

Cette abnégation d'elle-même, ma Soeur Saint Joseph la puisait dans un grand esprit de foi, et dans une intime union avec Notre Seigneur qu'elle aimait à suivre dans ses différents mystères. On peut dire que, depuis le mois de septembre dernier, elle le suivit particulièrement au Calvaire. Les affreuses douleurs dont elle souffrait ne lui laissaient aucun repos ni le jour ni la nuit. Sa parfaite obéissance, sa patience, l'humble reconnaissance qu'elle témoignait pour les moindres services nous firent voir les

vertus que notre chère Soeur avait acquises en santé. Elle ne désirait plus que le ciel... tandis que nous eussions voulu conserver, longtemps encore, cette chère Soeur dont la présence nous rappelait un doux passé, et nous rattachait au cher Carmel du Mans dont nous ne pourrons jamais oublier le fraternel dévouement.

Le vendredi 21, notre bonne Soeur reçut avec joie le Saint Viatique et le Sacrement de l'Extrême Onction. Le 24, dans l'après-midi, elle entra dans une véritable et doulou­reuse agonie pendant laquelle elle ne cessa de prier, et de remettre toute son âme entre les mains de Dieu. Le soir, un peu avant huit heures, en présence de la Communauté qu'elle avait tant aimée, notre bien chère Soeur Saint Joseph exhala son dernier soupir.

Sa vie toute de charité aura trouvé grâce, nous l'espé­rons, près du Dieu des Miséricordes ; nous vous prions cependant, ma Révérende Mère, de faire rendre, au plus tôt, à notre chère Soeur, les suffrages de Notre Saint Ordre et ce que votre charité voudra bien y ajouter.

Veuillez, ma Très Révérende .Mère, agréer l'expression du religieux respect avec lequel je suis en .Notre-Seigneur,

De Votre Révérence,

 

La très humble soeur et servante,

Sr Madeleine-Angéline, C. D. I. Prieure.

De notre Monastère de Notre Père Saint-Joseph et de Motre-Dame du Mont Carmel des Carmélites de Saint-Brieuc.

Le 25 Avril 1893.

 

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