Carmel

22 avril 1889 – Caen

 

 

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

 

Paix et très humble salut en Notre Seigneur Jésus-Christ qui vient de nous unir aux amertumes de sa Passion et aux divines espérances de son triomphe en appelant de la Croix au Ciel, nous en avons la douce confiance, notre chère Soeur Joséphine de l'Enfant Jésus, tourière agrégée de notre Communauté, âgée de 56 ans et dans sa 20e année de religion.

 

Âme de foi, toute à Dieu et à son bien aimé Carmel, notre chère Soeur a servi l'un et l'autre avec autant de simplicité que d'abné­gation, jusqu'au jour où Notre Seigneur l'appela douloureusement à un repos forcé, bien pénible pour sa nature active et dévouée. Depuis plus de cinq années, un mal, inconnu d'abord, consumait tout son être sans lui laisser de repos ni le jour ni la nuit. Elle dut abandonner peu à peu ses occupations les plus chères: la prière et la souffrance remplirent seules sa vie. Les glandes cancéreuses qui entouraient son cou semblaient étendre leurs ramifications sur ses pauvres membres devenus impuissants. Le mois dernier, son état s'aggravant encore, nous dûmes installer près d'elle de charitables

gardes-malade, les Soeurs de la Miséricorde. Le 30 mars, notre bonne Soeur Joséphine nous fit exprimer le désir de recevoir l'Extrême-Onction: cette consolation lui fut accordée. « Maintenant, dit-elle, je suis toute prête; mon Dieu, venez me chercher. »

Chaque semaine elle avait le bonheur de communier en viatique; hier encore, elle reçut avec une grande joie la visite de notre divin Sauveur ressuscité. "Oh! le beau jour, s'écriait-elle; enfin, c'est mon dernier

jour! Dieu soit béni! » Le soir, sa compagne qu'elle avait toujours bien religieusement aimée lui souhaitant une bonne nuit, elle reprit avec un sourire : "Non, bonne mort. » Elle avait exprimé le désir de mourir en union avec les disciples d'Emmaüs: son voeu a été exaucé. Elle s'est endormie doucement, sans agonie, à l'issue de la Sainte Messe où nous avions communié pour elle.

 

Nous vous prions, ma Révérende Mère, de bien vouloir lui accorder l'offrande du Saint Sacrifice de la Messe, une communion, l'indulgence des six Pater, et tout ce que votre charité pourra y joindre. Elle vous en sera très reconnaissante ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire dans l'amour de notre divin Maître.

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

 

Votre petite Soeur et Servante,

SOEUR MARIE DU SACRÉ-COEUR, Prieure. R. C. I

De notre monastère de la Très Sainte Trinité sous le patronage de Saint-Joseph des Carmélites de Caen.

le 22 avril 1880.

 

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