Carmel

20 Janvier 1897 – Castres

 

Ma Révérende ex très honorée Mère,

Paix et salut en Notre-Seigneur qui, à l'aurore du cinquième jour de la belle octave de sa Nativité, est venu nous faire part de sa croix en appelant à Lui notre chère Soeur Elle du Sacré-Coeur, Marie du Saint-Esprit, professe dû Carmel de la Rochelle et Conventuelle de notre Communauté ; elle avait 62 ans et 10 mois d'âge, dont 36 ans et 3 mois de profession religieuse.

Notre bien-aimée Soeur naquit à la Rochelle, le 27 Février 1834, quinze jours après l'arrivée de ses parents dans cette ville : ceux-ci avaient quitté Calcutta, pour revenir en France, dont le Père était originaire ; et on lui donna, au Baptême, le nom d'Hélène.

Quelques mois après, sa famille alla se fixer à Bordeaux.

L'enfant fut entourée des soins les plus attentifs et 1er plus affectueux, et son petit coeur, très aimant, correspondait visiblement à la tendresse, dont elle était l'objet; mais aussi, et de bonne heure, s'accentuèrent en elle les inclinations qui plus tard, dans la vie du cloître, devaient être le champ de ses combats spirituels.

« J'avais à peine quatre ans, nous racontait-elle en récréation, j'étais si méchante que, la bonne me refusant un objet que je voulais, je pris un poinçon et le mettant sous ma gorge, je menaçai de l'enfoncer, s'il n'était pas satisfait a ma demande. Cependant, je prenais bien garde de ne me faire aucun mal.

Cet acte de despotisme me valut une forte réprimande de la part de ma Mère, qui, après m'avoir entretenue de 1'énormité de ma faute, me prépara à aller me confesser, réassurant que, si je mourais ainsi, j'irais en enfer.

« Avais-je la contrition ? je ne saurais le dire; mais, dès l'ouverture du guichet du confessionnal, apercevant les « lunettes du prêtre, qui attendait ma confidence, la frayeur me saisit, et, échappant aussitôt à la surveillance de ma Mère, je disparus sans qu'il fut possible de me ramener, »

« Une autre fois, jouant avec ma Soeur aînée, et ayant eu ensemble quelque démêlé, elle m'enferma dans le salon et se retira au jardin, pour me punir.

« Je saisis promptement le moyen de sortir de ma prison : briser une vitre, passer par cette ouverture et me rendre auprès de ma Soeur fut l'affaire d'un instant ; j'avais un air triomphant et je jouissais de voir l'étonnement, la stupéfaction de mon aînée.

« Ma Mère nous infligea à l'une et à l'autre une fort désagréable punition : il fallut se rendre à la pension

qui n'était d ailleurs qu'à quelques pas, coiffées d'un bonnet de nuit. J'en fus extrêmement humiliée, mais j'affectai de n'en avoir pas l'air. »

Cette liberté et cette énergie, nous les retrouverons dans toutes les phases de sa vie.

Son éducation fut confiée à l'un des meilleurs pensionnats de la ville, où l'enfant, d'une intelligence plus qu'ordi­naire, ne tarda pas à se livrer aux attraits qu'eurent toujours pour elle les sciences humaines, sans cependant se laisser envahir au point d oublier Celui qui, plus tard, devait lui faire comprendre que la science des sciences, c'est de connaître la sainte volonté de Dieu et savoir l'exécuter.

Le moindre reproche était un stimulant pour cette nature si sensible et si ardente. Son professeur d'écriture trouvant qu'elle ne s'appliquait pas assez, lui dit un jour : « Ah ! Mademoiselle, vous ne me faites pas honneur comme vos Soeurs. « C'en fut assez, pour la provoquer à une application et à des progrès tels que bientôt elle excella dans tous les genres d'écriture.

Devenue jeune fille, elle ajouta à la passion pour les sciences celle pour les arts d'agrément et particulièrement pour la musique et pour le chant.

Ses succès remarquables, l'amabilité de son caractère, les dons naturels, dont Dieu l'avait gratifiée, firent

d'elle une jeune fille accomplie selon le monde, dans lequel elle brilla.

Volontiers elle prit part aux nombreuses fêtes qui se succédaient dans la famille, et elle aima à se parer avec élé­gance; mais elle ne livra jamais son coeur à la créature.

A 18 ans, elle sentit le néant des futilités humaines : Dieu seul lui parut digne de son entier amour, et, travaillée par la grâce, elle résolut, à 19 ans, de quitter le monde, pour le cloître.

Sans plus tarder, et à l'insu de ses parents, elle se présenta à la Vénérée Mère alors en charge au Carmel de Bor­deaux. Celle-ci reconnut dans la jeune fille qui lui ouvrait si franchement son âme, les marques d'une vocation sur­naturelle, et se montra disposée à la recevoir, mais elle exigea le consentement des parents.

La pieuse aspirante s'empressa de manifester à son Père et à sa Mère sa résolution d'embrasser la vie religieuse ; il fut répondu à cette communication par une opposition formelle.

La Mère surtout prit, à l'endroit de sa fille, les mesures les plus sévères : elle ne lui permit plus de sortir qu'avec elle ; elle lui interdit tout rapport avec le Directeur de sa conscience, et la contraignit de ne s'adresser qu'au Prêtre qui la dirigeait elle-même. La surveillance fut telle que deux années s'écoulèrent, sans que la jeune fille eût pu trouver le moyen de faire parvenir au Carmel un témoignage quelconque de sa persévérance.

Cependant, le digne ecclésiastique, chargé d'éprouver cette vocation, avait employé tous les moyens que lui sug­gérait la prudence, pour s'acquitter de sa délicate mission, et il crut devoir déclarer à Madame *** que l'interven­tion divine lui paraissait évidente, dans la vocation de sa fille.

Enfin, Hélène atteignit sa majorité, et alors elle déclara très affectueusement à son Père que, ne pouvant plus dif­férer d'accomplir la volonté de Dieu, elle allait entrer sans autre retard au Carmel.

Le père, profondément affligé, mais voulant avant tout le bonheur de sa fille, lui donna son consentement; toutefois, pour épargner à la Mère la poignante douleur des adieux, il lui conseilla de partir tout simplement en compagnie dé. sa soeur aînée.

Le coeur rempli de douces espérances, la postulante arrive au Carmel, où elle raconte la cause de son long silence et demande à entrer immédiatement.

Après avoir embrassé et consolé sa soeur chérie, elle voit la porte claustrale s'ouvrir, elle en franchit le seuil gaie­ment et avec la conviction qu'elle ne le repasserait que pour se revêtir des livrées de Marie,

Dès son début dans la carrière religieuse, elle se montra passionnée pour l'oraison, à laquelle elle aurait volon­tiers, n'étant pas encore empreinte de notre esprit, sacrifié ses autres occupations ; mais sa soumission et son esprit de foi dans ses Supérieurs, lui firent promptement comprendre que la meilleure oraison, c'est l'accomplissement du devoir quel qu'il soit.

Au lendemain de sa prise d'habit, notre chère soeur saluait déjà avec enthousiasme le jour béni qui l'unirait pour toujours à Notre-Seigneur.

Hélas ! elle n'était pas au terme des épreuves que lui préparait le divin Maître : plusieurs fois, elle devra quitter son cher Carmel, pour revenir dans le monde.

Sa santé s'étant altérée, on essaya, sur la demande de son Père, de la transférer dans un autre de nos Monastè­res. Elle fut, en effet, reçue à Saintes, par notre Vénérée Mère Catherine, qui s'occupait de cette fondation. A Saintes comme à Bordeaux, la novice se montra généreuse et fidèle dans tous ses devoirs.    

Mais, encore pour la question de santé, la pauvre enfant dut revenir à Bordeaux, et deux fois se résigner à l'exil ! La Mère Prieure s'étant cru obligée de lui dire qu'on ne pourrait la garder qu'à titre de bienfaitrice, notre chère Soeur qui voulait à tout prix embrasser la stricte observance, lui demanda tout naïvement si, en se soignant, elle pourrait guérir. La Mère le lui fit espérer, et elle de répondre aussitôt : « Eh bien ! Je préfère m'en aller, guérir, rentrer et être tout à fait Carmélite. »

Bien cruel fut le moment où elle se dépouilla des saintes livrées, dont elle avait été si heureuse de se revêtir. Fondant en larmes, elle franchit la porte de clôture, ne nourrissant dans son coeur qu'un seul désir, celui de son retour. On mit tout en oeuvre dans la famille, pour adoucir la peine de ce coeur broyé. Elle-même, ne voulant rien négliger pour obtenir une guérison qui devait assurer l'accomplissement de tous ses voeux, consentit à se rendre à Paris chez sa Soeur où pendant une année entière elle subit un traitement qui, du reste, eut les meilleurs résultats.

Elle retourna ensuite à Bordeaux où, se retrouvant en famille, elle continua à mener une vie exemplairement pieuse. C'est vers cette époque qu elle eut la douleur de perdre sa bien-aimée Mère.

L'épreuve touchait à sa fin. En 1859, Monsieur*** revint à La Rochelle avec ses enfants, pour une saison d eau. Notre chère Novice parfaitement guérie, sachant que notre Vénérée Mère Catherine venait de fonder un monastère dans cette ville, se promit d'aller au plus tôt lui demander de vouloir bien la recevoir.

Sa famille voulut, cette fois, l'accompagner. ' On était à la récréation, lorsque la portière dit à la Mère Prieure que Mlle Hélène et les siens la demandaient au

parloir Cette nouvelle, annoncée à la Communauté, excita un joyeux émoi.

Trois jours après, la pauvre colombe, heureuse de retrouver l'Arche sainte, s'y renfermait pour ne plus

tir et avec un redoublement de zèle, recommençait son noviciat.

Sa santé se soutenant, elle eut le bonheur, un an plus tard, d'être admise à la Sainte Profession. Elle fit

ses saints voeux le 2 Octobre 1860, cinq ans après sa première entrée au Carmel.

Au comble de ses désirs, elle se reposa en paix des cruelles angoisses que lui avait coûtées l'attachement à sa sainte vocation.

Exceptionnellement douée et propre à tous les offices, elle mit avec avantage son dévouement au service de chère Communauté. Tout ce qui lui était confié recevait d'elle un cachet d'ordre et de perfection

Une de nos Mères, qui a été sa maîtresse au Carmel de La Rochelle et sa prieure au Carmel de Saintes, ou des circonstances particulières avaient ramené notre chère Soeur, nous écrit : «J'ai connu intimement ma Soeur Marie ; elle avait reçu une éducation distinguée ; je l'ai toujours vue régulière, fervente, ardente, s'attachant un peu trop exclusivement aux âmes qui lui étaient sympathiques, mais sans manifestations extérieures.

« Encore toute jeune professe, elle devint très souffrante par suite d'un effort imprudent qu'elle fit pour porter un trop lourd fardeau ; elle dut alors se faire des violences inouïes pour arriver à guérir. Bien que le mal eût cédé aux soins assidus qui lui avaient été prodigués, sa santé n'en resta pas moins un peu altérée. »

En 1871, notre regrettée Mère Fondatrice, sachant que nous étions peu nombreuses, nous proposa ma Soeur du Saint-Esprit. Elle fut reçue parmi nous à coeur ouvert.

Durant plusieurs années, on lui confia l'office de portière. Elle s'y attira la confiance et l'affection de nos chères Soeurs Tourières, auxquelles elle prodiguait des soins vraiment maternels ; la seule chose qu'on aurait pu lui repro­cher eût été son excès de sollicitude à leur égard.

Par son amabilité et son empressement à faire plaisir, elle s'attirait l'estime des personnes «qui avaient avec elle quelques rapports.

Les sympathiques regrets, qu'occasionne sa mort, nous sont une preuve de l'affection qu'on avait pour notre chère fille.

Ma Soeur du St-Esprit aimait beaucoup nos petites fêtes de famille. Son bon coeur, secondé par son intelligence et son talent pour la poésie, trouvait de charmants à-propos qui réjouissaient la communauté, dont elle savait très bien traduire les sentiments.

Quel n était pas son zèle à l'époque des fêtes de sa Mère Prieure, pour diriger et exécuter elle-même des brode­ries d'un goût exquis ! Elle rie reculait devant aucune difficulté, lorsque, dans sa féconde imagination, elle avait conçu un travail quelconque ; et rarement elle se montra satisfaite que ce travail fût bien, quand elle avait le sentiment qu'il eût pu être mieux.

Hélas ! ce désir du plus parfait devint quelquefois la cause de légères imperfections, et un sujet de mérite pour celles qui travaillaient avec elle.

C'est à son habileté et à son dévouement, que nous devons les plus beaux ornements do notre sacristie, la décora­tion de notre trésor des reliques et de nos ermitages.

Satisfaire ses Supérieurs était l'attrait dominant de son coeur : « Plaire à mes Supérieurs, disait-elle, c'est plaire à « Dieu ; mon Père et ma Mère, c'est tout pour moi » ; et ces sentiments se retrouvaient dans l'ingénuité de ses rapports avec eux et dans la candeur enfantine de ses épanchements.

Les débuts de sa vie religieuse vous ont dit assez, ma Révérende Mère, l'amour qu'elle avait pour sa sainte voca­tion ; cet amour alla toujours croissant.

Elle appelait croix des croix l'impuissance de suivre entièrement la règle ; et cette croix, elle a dû s'y soumettre pendant les 25 ans qu'elle a vécu parmi nous ! Aussi s'empressait-elle, dès qu'elle se sentait un peu moins fatiguée, de demander la permission de reprendre ce qu'elle croyait pouvoir accomplir de nos saintes observances, et se met­tait-elle à l'oeuvre toujours avec joie et ferveur.

Cette nature, si richement douée, eut cependant ses petites misères, comme tout tableau a ses ombres : lui résis­ter, la contredire fut pour elle, si impressionnable et si fière, l'inévitable occasion d'accomplir des actes vraiment héroïques d'humilité, ce dont elle n'eut pas toujours le courage.

Mais, ces moments de faiblesse, qui devinrent d'ailleurs de plus en plus rares, elle les réparait par un retour si naïf et si franc, que Notre-Seigneur a dû facilement les lui pardonner.

Il y a quelques mois, notre bien-aimée fille, prise de très vives douleurs, dut être condamnée à un repos absolu.

Grâce aux soins intelligents de notre si dévoué Docteur, le mal sembla céder et nous eûmes la joie de la revoir à la plupart de nos exercices. Mais ce mieux ne fut pas de longue durée : les douleurs reparurent bientôt avec une telle intensité que nous crûmes prudent de la mettre à l'infirmerie.

Cette mesure lui causa une très vive peine, mais elle l'accepta généreusement.

Au moment de quitter sa chère cellule, elle en baisa dévotement les murailles, et demanda à Dieu pardon des fautes qu'elle y avait commises.

La connaissance que nous avions de la délicatesse de sa complexion et de l'ardeur de son caractère nous fit redou­ter, pour notre chère Soeur, ce séjour à l'infirmerie ; mais le Souverain Maître, qui la disposait à paraître bientôt devant Lui, nous montra que nos craintes étaient mal fondées.

Dès lors, en effet, nous eûmes la consolation de constater mieux que jamais l'oeuvre de la grâce dans cette âme vraiment toute à Dieu ; et les dix derniers jours surtout, qu'elle passa sur son lit de douleur, furent pour nous toutes des jours de grande édification et de renouvellement.

De ce qu'elle a écrit sur son infirmerie, nous retenons ces quelques lignes, que vous voudrez bien, ma Révérende Mère, nous permettre de transcrire :

« Sur ton lit blanc, épuisé de souffrance « Le corps s'éteint, mais l'âme est dans la paix ; Dieu la soutient, la remplit d'espérance, et vient enfin se l'unir à jamais !

Aussitôt que notre bon Docteur nous eut dit la triste vérité, nous assurant qu'un miracle seul pouvait sauver notre chère patiente, nous nous empressâmes de lui procurer les secours de notre sainte Religion.

Notre respectable Aumônier lui apporta le saint viatique, grâce qu'il renouvela plusieurs fois.

Avant l'Extrême-Onction, il lui demanda si elle désirait les grâces de ce Sacrement. » Oh ! oui mon Père, répondit-elle ; je ne croyais pas en être encore là, mais puisque mes Supérieurs le jugent à propos, je me remets entre « leurs mains et suis très heureuse de recevoir les secours de notre Mère la Ste Eglise » ; et aussitôt elle demanda pardon à la communauté avec un accent et dans des termes qui nous touchèrent profondément.

Dans la soirée du même jour, monsieur l'Aumônier lui appliqua l'indulgence In articulo mortis ; elle demanda encore une fois pardon à toutes et particulièrement à celles qui avaient eu sur elle quelque autorité, et renouvela ses saints voeux entre nos mains, prenant soin d'articuler très énergiquement ces derniers mots de notre formule : « et ce jusqu'à la mort. »

Le lendemain, à la récréation du soir, nous remontâmes, avec la Communauté, à son infirmerie ; elle en éprouva de la satisfaction. Chacune lui donna ses commissions pour le ciel et reçut d'elle un petit mot bien religieux et bien fraternel.

Nous crûmes devoir lui exprimer notre regret d'avoir à nous éloigner, pour ne pas la trop fatiguer ; « Qu'importe la fatigue pour moi ? » répondit-elle, puis, nous voyant sortir, elle ajouta : « Au revoir au Ciel ! »

Elle vécut encore huit jours, et nous n'oublierons pas les exemples d'héroïque patience et de complète abnéga­tion de soi-même, dont nous avons été témoins durant cette période, qui ne (ut, en vérité, qu'une agonie prolongée.

Il était touchant de l'entendre redire à celles qui l'approchaient : « Oh ! ne m'imitez pas. Si je reviens en santé, je tâcherai de tout réparer. »

On comprenait que cette âme, en s'humiliant ainsi et en demandant avec instance à Jésus et à Marie, miséricorde ! avait soif de purification.

Elle avait toujours un petit mot aimable pour ses dévouées infirmières, et il était manifeste que la fatigue des autres l'occupait plus que ses propres souffrances.

A l'occasion d'une défaillance, dont nous fumes témoin, l'infirmière lui proposa de lui faire respirer un peu d'éther. Elle se souvint que cette odeur nous était incommode et refusa le soulagement ; et comme nous cherchions à la dis­suader, elle nous répondit tout filialement : « Oh ! ma Mère, alors vous avez donc bien changé ! »

Dans une autre circonstance, levant ses yeux vers nous, elle essaya de balbutier quelques mots ; mais voyant que nous ne la comprenions pas, elle rassembla toutes ses forces, pour nous faire entendre ce cri de son âme : « Heu­reuse, heureuse dans la souffrance ! »

Dans cet état, si douloureux, ma soeur du St Esprit sut tenir son coeur fidèle aux souvenirs les plus légitimes. « Ma Mère, nous dit-elle un jour, veuillez faire savoir à mes bien-aimées Soeurs et à ma chère nièce, que j'offre au bon Dieu une partie de mes souffrances, pour leur obtenir bien des grâces. »

Et notre bon Docteur qui, depuis 25 ans, nous prodigue ses soins avec une générosité qui n'a d'égal que son dévouement, n'oubliera pas de sitôt la religieuse et touchante expression de la gratitude de notre chère fille.

Le 29, nos soeurs se succédèrent, toute la journée, au pied du Tabernacle, pour obtenir à la mourante les forces nécessaires dans les derniers combats. La nuit fut des plus pénibles.

Le lendemain matin, vers six Heures ses gémissements cessèrent, et l'on eut pu croire qu'elle allait reposer ; mais, à la pâleur qui se répandit sur son visage, on comprit que la dernière heure avait sonné pour elle, et on se hâta de nous en avertir.

Nos Soeurs, qui étaient à l'oraison, vinrent lui renouveler les prières du manuel ; et après avoir baisé une dernière fois son crucifix, elle expira :

Nous avons la confiance, ma Révérende Mère, que l'âme de notre regrettée Soeur a trouvé grâce devant Dieu. Néan­moins, comme il sera beaucoup demandé à celui qui a beaucoup reçu, nous vous supplions de vouloir bien ajouter aux suffrages, que vous lui avez déjà rendus, une communion de votre fervente Communauté, une journée de bonnes oeuvres, le Via Crucis, les six Pater, une invocation au divin Enfant Jésus de Prague, à N.-D. du Perpétuel Secours et à notre Mère Sainte Thérèse ; elle vous en sera très reconnaissante ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire avec un religieux respect au pied de la croix,

Ma Révérende et très honorée Mère,

Votre humble Soeur et Servante,

Soeur THÉRÈSE-STANISLAS DE JÉSUS, R. C. Ind.

De Notre Monastère du Sacré-Coeur de Jésus, sous la protection de notre Père Saint Joseph et de notre Mère Sainte Thérèse, des Carmélites de Castres.

Le 20 Janvier 1897.

 

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