Carmel

20 février 1892 – Chalon

 

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur Jésus- Christ, qui vient d'appeler à lui notre chère Soeur Marie Petit, Tourière, âgée de 66 ans, dont 42 passés au service de notre Communauté.

Nos anciennes Mères reconnurent bien vite combien ma Soeur Marie pourrait se rendre utile à notre Carmel par son intelligence, sa nature active et laborieuse, son esprit d'ordre et son exquise propreté. En arrivant, tout d'abord elle avait trouvé une des Soeurs Tourières âgée et malade, qu'elle entoura des prévenances les plus délicates et toujours ses Mères Prieures purent se reposer complètement sur elle lorsque ses compagnes étaient souffrantes, car pour les soulager elle leur prodiguait les soins les plus tendres et nous pouvons le dire les plus maternels.

Notre bonne Soeur, ma Révérende Mère, était heureuse de dépenser son temps et ses forces pour sa chère Communauté, sa toi et sa piété lui taisaient surtout apprécier comme une grâce de travailler à ce qui servait au culte. C'est ainsi que pendant bien des années, et autant que cela lui fut possible, elle se chargea seule du repassage du linge de la Sacristie. Son zèle pour la netteté et pour l'ornementation de notre Chapelle ne se ralentit jamais ; ne trouvant rien d'assez beau pour le divin Maître, elle s'employa de tout son pouvoir à procurer au Dieu de l'Eucharistie les plus riches parures. Elle était heureuse de recevoir quelque objet nouveau pour notre Sacristie; enfin elle eût désiré que les jours de Fête se succédassent sans interruption et se réjouissait de ce qu'au Ciel ce voeu serait pleinement réalisé. Ces jours-là, ma Soeur Marie les passait en grande partie à la Chapelle; d'ailleurs,quelles que fussent ses occupations et ses surcharges, jamais elle ne prenait son repos le soir sans s'être exactement acquittée de toutes ses prières journalières et particulièrement de ses pratiques de dévotion envers la Sainte Vierge, à laquelle depuis son enfance elle avait voué un amour tout filial.

Vous l'avez compris, ma Révérende Mère, le caractère distinctif de notre chère Soeur fut son dévouement à la Communauté. Elle se dévoua donc auprès de ses compagnes, à la Chapelle, au Tour, et partout où elle croyait son concours ou son intervention nécessaires, toujours dans l'intention de représenter sa chère Communauté ou de prendre ses intérêts; mais nous eussions préféré, parfois, que son zèle fût mieux réglé par la dépendance et la discrétion.

Le samedi 9 janvier, une de nos Soeurs Tourières prenait une forte grippe et s'alitait; le lendemain dimanche, ce fut le tour de ma Soeur Marie; nous l'avions vue ce jour-là encore, et nous étions loin de nous douter que c'était la dernière fois. Nos chères filles reçurent les soins les plus dévoués des bonnes Soeurs du Bon Secours, elles étaient toutes deux assez sérieusement atteintes ; le jeudi 14, dans

l'après-midi, le mal prit tout à-coup, pour ma Soeur Marie, un caractère plus grave. M. notre Aumônier étant aussi malade, ce fut M. notre Confesseur extraordinaire, toujours bien dévoué à notre Communauté, qui vint la confesser et décida que le lendemain matin on lui donnerait le Saint Viatique, mais notre bonne Soeur ne put recevoir que l'Extrême-Onction. L'agonie se prolongea jusqu'au samedi matin 16 janvier, qu'elle rendit paisiblement son âme à Dieu.

Nous recommandons, ma Révérende Mère, notre bien chère Soeur à la charité de votre sainte Communauté, vous priant de lui accorder, avec l'offrande du saint Sacrifice de la Messe, l'application de quelques Indulgences et bonnes oeuvres ; elle en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons l'honneur d'être, avec un profond respect, dans l'amour du Sacré-Coeur de Jésus,

Ma Révérende et Très Honorée Mère,

Votre très humble Soeur et servante,

Sr M. MADELEINE DE JÉSUS.

R. C. I.

De notre Monastère de l'Incarnation et de Saint-Joseph, des Carmélites de Chalon-s / S., le 20 février 1892.

Retour à la liste